Hervé Mariton ("Les Républicains") : "Certaines propositions économiques de mon parti ne sont pas sérieuses"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  944  mots
Hervé Mariton ("Les Républicains") souhaite que son parti investisse davantage le terrain économique
Hervé Mariton, député ("Les Républicains", ex-UMP ) de la Drôme et ex-candidat à la présidence de l'UMP face à Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire - il a obtenu 6,5% des suffrages - , livre pour La Tribune sa vision de la situation. Franc-tireur au sein de sa propre formation, il n'hésite pas à étriller certains comportements ou certaines décisions de ses "amis" politiques. Il regrette surtout que le parti "Les Républicains" n'investisse pas davantage le champ économique, au lieu de se focaliser sur les questions sociétales ou de souveraineté. Et ce, le jour même où le parti organise en quasi catimini une convention sur... l'Islam. S'il n'épargne pas la politique menée par le gouvernement, il reconnaît vouloir voter la loi Macron. Enfin, il n'exclut pas de se présenter à la primaire de droite à l'automne 2016.

LA TRIBUNE - Votre parti, "Les Républicains" (ex-UMP), n'est pas très présent sur le terrain économique, préférant porter les débats sur les question de souveraineté. Comment expliquez-vous cela?

HERVE MARITON - Les enjeux économiques sont très importants, ce ne sont certes pas  les seuls, mais ils sont primordiaux. Or, il y a à gauche comme à droite une tendance dangereuse à ne parler que des questions touchant à  la souveraineté ou au sociétal et à sous-investir le champ de l'économie. Il est exact que les questions économiques sont sous-estimées.

On a pourtant intérêt à avoir une offre très solide en matière de politique économique. Il faut: dresser un diagnostic incontestable de la situation très dégradée; du sérieux dans nos propositions et de l'audace dans l'action.

Or, ce n'est pas toujours le cas. Quand j'entends Nathalie Kosciusko-Morizet proposer de baisser en une seule année les impôts des Français à hauteur de 100 milliards d'euros, je dis que ce n'est pas sérieux. Quand j'étais responsable du projet de l'UMP [jusqu'en 2014, NDLR] j'avais proposé de réaliser 120 milliards d'euros d'économies sur la durée d'un quinquennat - dont 60 milliards auraient permis de financer une baisse des impôts sur la période -  c'était déjà audacieux. Nous nous devons de présenter une alternance qui s'inscrit dans le réel. Faire de la politique, c'est être sérieux, modeste et opérationnel.

La vie politique est trop théâtrale et cela nuit à notre projet économique. Quand Nicolas Sarkozy parle de la confiance il a raison car la confiance est essentiel pour le redressement économique. Mais la confiance, cela se construit...

Quelles ont les grands axes de votre vision de l'économie?

Je crois réellement à  l'autonomie de la société civile et la liberté des entreprises. Il nous faut donc un nouveau code du travail nettement allégé. Il faut aussi être attentif à l'égard des nouveaux mouvements à l'œuvre dans l'économie, comme l'économie collaborative. Il faut donc adapter les normes pour que ces nouvelles tendances  puissent s'épanouir, plutôt que de vouloir absolument les faire rentrer dans les clous.

Je souhaite aussi que les entreprises soient entièrement libres de négocier la durée du travail dont elles ont besoin. Il faut aussi favoriser la prise de risque. "Une économie sans risque est une économie sans croissance", a dit Jean Tirole, le prix Nobel d'économie. Je fais mienne cette maxime. Je prône aussi une baisse de la fiscalité des ménages et des entreprises. A cet égard je ne suis absolument pas partisan de la retenue à la source qui aurait notamment, parmi beaucoup d'autres inconvénients, un effet anesthésiant. Les Français ne verraient même plus combien ils paient d'impôts.

Il faut aussi assumer d'aller au vent du grand large. Or, il y a trop de méfiance. Par exemple je ne comprends pas les réticences d'une frange de mon parti contre le traité TTIP [projet de traité de partenariat avec les États-Unis, Ndlr]. Comme je ne comprends pas que l'on n'écoute pas ce qu'a à dire David Cameron sur l'Union européenne ou que l'on regrette ses propos, alors que dans le même temps on accepte d'écouter Alexis Tsípras en Grèce. D'ailleurs, a propos de la Grèce, j'assume un éventuel Grexit, l'acharnement thérapeutique à des limites.

Que pensez- vous de la loi Macron sur la libéralisation de l'économie?

Cette loi me va. Elle va permettre de simplifier des règles de droit, de libéraliser les transports, de simplifier des procédures. Sur le travail du dimanche, je trouve le texte équilibré. Tout comme je trouve intéressant l'idée d'instituer un barème pour les dommages et intérêts fixés par les prud'hommes. A la différence de Nicolas Sarkozy qui préfère un choc frontal avec la majorité en place, moi, je suis disposé à voter cette loi. Certes, il y a des absences dans le texte, par exemple, il manque des dispositions pour gommer les effets de seuils dans les entreprises. La loi Macron et un loi de micro économie et je crois à l'avenir de ce genre de texte.

Vous évoquez les seuils en entreprise mais il y a justement la loi Rebsamen sur le dialogue social dans les entreprises...

La loi Rebsamen a abîmé le sujet. Elle ne s'est pas assez attaquée aux effets de seuils, elle ne change finalement pas grand chose. Généraliser la "délégation unique du personnel", c'est insuffisant. Les effets de seuils, ce ne sont pas que les institutions représentatives du personnel mais aussi des taxes additionnelles, des actes administratifs supplémentaires, etc. Or, il n'y a rien là dessus.

Vous avez été candidat contre Nicolas Sarkozy à la présidence de l'UMP qui s'appelle maintenant "Les Républicains", que pensez-vous de ce changement de nom et comment vous sentez vous au sein de cette formation? Serez vous candidat à la Primaire de l'automne 2016?

Je n'étais pas favorable au changement de nom car je pense qu'une formation politique a besoin de continuité et de solidité. Mais je m'adapte puisque c'est fait. Me concernant, je pense avoir ma légitimité. J'ai rassemblé 6,5% des voix sur mon nom, autrement dit 10.000 militants m'ont accordé leurs suffrages. Avec mon mouvement "Droit au cœur", on travaille, on produit beaucoup de propositions, nous sillonnons la France. Nous, au moins, nous organisons de nombreuses conventions.

Quant à la primaire de l'automne 2016, pour l'instant, je ne m'autorise ni ne m'interdis rien. On verra.