Hollande peut-il encore réformer la fiscalité ?

Par Ivan Best  |   |  781  mots
La « réforme Piketty », du nom de son concepteur, Thomas Piketty (en photo), voulue par tant de socialistes, tient du mythe : sa fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, passant par une taxation des riches encore plus forte qu’aujourd’hui, est difficilement imaginable.
[ SÉRIE : Horizon 2017 pour Hollande 5/9 ] François Hollande a-t-il échoué dans le domaine fiscal ?

Pour la plupart des commentateurs et des Français, la question ne se pose même pas. En matière fiscale, le bilan Hollande tient du fiasco, avec un sentiment de « ras-le-bol fiscal » quasi unanime. Ironie du sort, même les électeurs de gauche favorables à un impôt sur le revenu très progressif - et aux hausses d'impôts sur les riches, qui ont été effectivement votées -, se montrent critiques : Hollande n'a pas eu le courage de mettre en œuvre la grande réforme de l'impôt, celle préconisée par Thomas Piketty, disent-ils.

Bref, le jugement est sans appel, partagé y compris par ceux qui n'ont pas été touchés par les hausses d'impôt sur le revenu décidées depuis 2012. Il faut dire que l'idée a été popularisée d'une hausse massive de cet impôt décidée par le pouvoir socialiste et visant tous les contribuables. L'AFP écrit ainsi :

« 20 août 2013 : les Français rentrent à peine de vacances et trouvent dans leurs boîtes aux lettres les avis d'imposition concrétisant les très fortes augmentations annoncées un an plus tôt. »

Une potion amère attribuée à Hollande

La réalité est un peu moins... brutale. Ce qui a été décidé pour application en 2013, c'est l'instauration d'une nouvelle tranche d'impôt à 45% - touchant une minorité de riches -, le plafonnement du quotient familial à 2.000 euros par demi-part au lieu de 2.360 euros, l'imposition au barème des revenus du patrimoine - sans que cela ne concerne le placement favori des Français, l'assurance-vie - et la taxation des heures supplémentaires, exonérées depuis 2008.

Autant dire que tout le monde n'a pas été visé. Les mesures concernant les familles - plafonnement du quotient familial -, qui ont fait couler beaucoup d'encre, ont concerné 15% des contribuables...

Le problème, c'est que ces hausses se sont ajoutées à celles décidées sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, dont l'application avait été pour partie décalée dans le temps, avec une entrée en vigueur post 2012 : imposition majorée pour les veuves et veufs, désindexation du barème, diminution du crédit d'impôt pour travaux d'isolation, taxation plus lourde l'année du mariage ou du divorce... Bien évidemment, les contribuables n'ont pas fait le détail, et ont attribué cette potion amère au pouvoir socialiste.

Pourtant, sur les 18 milliards d'euros de hausses d'impôts sur le revenu intervenues depuis 2011, près de la moitié est imputable à Nicolas Sarkozy... En outre, pour aggraver son cas, le gouvernement socialiste, qui avait pourtant décrété la pause fiscale à l'été 2013, a continué à augmenter l'impôt sur le revenu en 2014 (quotient familial, imposition des majorations de pensions et de la contribution des employeurs à la complémentaire santé).

Un impôt sur le revenu rénové et élargie

Quel est l'effet global de ces mesures sur notre système fiscal ? Taxant les riches, diminuant l'imposition de la classe moyenne « inférieure », à travers deux baisses de l'impôt sur le revenu (dont celle qu'il vient d'annoncer pour 2016) - qui aboutissent à ramener à 46 % la proportion des foyers imposables -, François Hollande a encore accru la progressivité de notre fiscalité. Les salariés dans une moyenne basse, qui avaient subi la retaxation des heures supplémentaires, verront cette ponction effacée par les nouvelles mesures Hollande. Mais les foyers appartenant aux 10% les plus aisés, au-delà de 80.000 euros de revenus par an, qui ont vu leur taxation accrue de 20 à 30% selon le fiscaliste Michel Taly, n'auront, eux, droit à rien.

Notre système est devenu le plus progressif d'Europe, après la Belgique et la Suède, si l'on prend en compte l'ensemble des prélèvements sur les salariés, selon les calculs de l'économiste Henri Sterdyniak (OFCE). Si la réforme Piketty, voulue par tant de socialistes, tient du mythe - sa fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG passe par une taxation des riches encore plus forte qu'aujourd'hui, difficilement imaginable -, François Hollande a remodelé l'impôt sur le revenu conformément aux préceptes traditionnels de la gauche, en alourdissant la charge des plus aisés. Il ne s'est pas livré en revanche à une opération de clarification fiscale : la logique économique voudrait que les cotisations sociales maladie et famille, qui financent des prestations universelles, soient à la charge de l'ensemble de la population, à travers un impôt sur le revenu rénové et élargi. À l'image de ce qui se fait dans les pays nordiques. Cette clarification attendra.

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>> [ SÉRIE :  Horizon 2017 pour Hollande ] Lundi, retrouvez la 6e partie : "Hollande peut-il encore réussir... l'encadrement des loyers ?"