Le grand débat va démarrer dans un climat économique et social peu favorable

Par Grégoire Normand  |   |  1047  mots
(Crédits : GONZALO FUENTES)
A la veille du week-end de mobilisation des "gilets jaunes", la Banque de France a confirmé un net ralentissement de la croissance tricolore pour le dernier trimestre 2018. Pour le gouvernement, cette mauvaise nouvelle ne devrait pas l'aider à entamer le débat dans des conditions sereines.

Les craintes sur la croissance française se confirment. Selon le dernier bulletin de la Banque de France publié ce vendredi 11 janvier, le produit intérieur brut (PIB) a ralenti à 0,2% au dernier trimestre 2018 marqué entre autres par le mouvement des "gilets jaunes" et un coup de frein de l'activité chez ses voisins européens. L'institution bancaire, qui tablait initialement sur une progression de 0,4%, avait déjà révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour la période de octobre à décembre. Ces projections s'alignent donc avec celles de l'Insee qui a également prévu un ralentissement de l'économie française en fin d'année.

Pour ce week-end, les autorités redoutent une mobilisation "plus forte" et "plus radicale"Pour ce samedi, le patron de la police nationale, Éric Morvan, anticipe "qu'on puisse revenir à un niveau de mobilisation qui se situe avant les fêtes de Noël". Le 15 décembre, le mouvement avait rassemblé 66.000 personnes partout en France, selon des chiffres officiels régulièrement contestés par les "gilets jaunes"A quelques jours du  du grand débat, la pression monte sur l'exécutif qui doit faire face à un trou d'air de l'économie tricolore alors que la crise des "gilets jaunes" dure depuis plus de huit semaines.

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L'industrie en souffrance

Dans le détail, les résultats collectés par la Banque centrale indiquent que la production industrielle n'a cessé de diminuer entre le mois d'août et le mois de novembre. Les carnets de commande se sont dégradés sur cette période.  Au mois de novembre, la production dans l'ensemble de l'industrie s'est repliée de 1,3% par rapport à octobre  et sur un an, elle recule de 1,2% selon les derniers chiffres de l'Insee publiés ce jeudi.

En dépit des mauvaises nouvelles, la production industrielle devrait retrouver de la vigueur en décembre selon les chefs d'entreprise industrielle interrogés par la Banque de France. Dans le détail, "l'aéronautique, l'industrie agroalimentaire et l'automobile sont les plus dynamiques. A l'opposé, le textile pâtit davantage des mouvements sociaux qu'en novembre." Pour le mois de janvier en revanche, les dirigeants anticipent un infléchissement conséquent de la production.

Du côté des services marchands, le climat des affaires a également régressé en octobre et en novembre avant de rebondir au mois de décembre. Dans l'hébergement et la restauration, les résultats signalent une détérioration du climat des affaires pour novembre et décembre même si elle avait débuté bien avant.

En ce qui concerne les transports et l'entreposage, l'activité a clairement été touchée au mois de novembre. Plusieurs grèves ont été recensées dans des raffineries Total  mais la croissance du secteur a clairement rebondi pour le dernier mois de l'année. Enfin, pour les services aux entreprises, l'activité est restée dynamique. A l'inverse de leurs homologues de l'industrie, les chefs d'entreprise du secteur des services tablent sur une accélération de l'activité en janvier. En ce qui concerne le bâtiment, l'activité a repris, surtout dans le gros oeuvre et face à des carnets de commandes assez bien garnis, les professionnels du secteur s'attendent à une poursuite de la croissance de l'activité en janvier.

Baisse de l'arrivé des touristes

L'escalade de violences entre certaines personnes et les forces de l'ordre lors des mobilisations des "gilets jaunes" a refroidi un certain nombre de touristes étrangers. Selon Atout France, l'agence de promotion du tourisme hexagonal à l'étranger citée par l'AFP, il y a eu un repli des réservations aériennes internationales à Paris en décembre. Pour les premiers jours de l'année 2019, ces réservations seraient "en recul de 6,8% pour les trois mois à venir. Mais si les manifestations s'arrêtaient, nous pourrions retrouver rapidement une croissance", a déclaré à quelques journalistes Christian Mantei, directeur général d'Atout France.

"La situation est très nuancée selon les pays, on sent notamment la préoccupation des Asiatiques, clientèle qui a besoin d'être rassurée. Mais les signaux sont positifs du côté des clientèles européennes, qui forment le gros des bataillons" de touristes qui se rendent en France, a indiqué le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne. Dans l'Hexagone, "l'impact le plus fort a été sur le mois de décembre. Sur janvier et février, cette décroissance ralentit, et en mars on repart sur une croissance des arrivées internationales. Il faut maintenir cette spirale de reprise", a résumé M. Lemoyne. Il a indiqué avoir reçu, dans le courant de la semaine, plusieurs acteurs du secteur du tourisme hexagonal, notamment des responsables des Galeries Lafayette et de la Tour Eiffel.

Outre les répercussions sur le tourisme et le commerce, la confiance des investisseurs étrangers dans la capacité du gouvernement à mener son agenda de réformes pourrait s'affaiblir comme le rappelait à La Tribune récemment l'économiste de Natixis Véronique Janod. En effet, l'exécutif a déjà repoussé ou décalé certains chantiers déterminants comme celui de l'assurance-chômage ou des retraites.

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Un rebond possible

 En dépit d'une fin d'année difficile pour l'économie tricolore, la demande intérieure pourrait retrouver des couleurs lors du premier semestre. En effet, les mesures annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre dernier pourraient encore doper le pouvoir d'achat des Français. L'élargissement et l'accélération de la revalorisation de la prime d'activité, la défiscalisation des heures supplémentaires, l'annulation de la hausse de la CSG pour une bonne partie des retraités auraient des effets non négligeables sur le porte-monnaie des Français. Dans leurs travaux, les économistes de l'Insee estiment que l'impact global "serait de 0,5 point de revenu disponible brut (, RDB, c'est-à-dire les revenus dont disposent les ménages après opérations de redistribution) durant le premier trimestre 2019." Par ailleurs, la baisse des prix du pétrole et de l'inflation jouent déjà en faveur du porte-monnaie des Français.

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