L'âge pivot, pivot de la sortie de crise

Par AFP  |   |  941  mots
Selon la CGT, 370.000 personnes ont défilé dans les rues de Paris ce jeudi. (Crédits : Reuters)
Des centaines de milliers de personnes ont défilé, ce jeudi dans toute la France, à l'occasion de la quatrième journée de mobilisation nationale contre le projet de réforme des retraites. Ce vendredi, le chef du gouvernement doit recevoir les partenaires sociaux à Matignon pour parler d'une conférence de financement, proposée par la CFDT. Son numéro un, Laurent Berger, a prévenu : l'âge pivot doit être retiré du projet d'ici-là. Sur cette question, "tout est ouvert", a assuré en signe d'apaisement le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.

Et de quatre : la nouvelle journée de manifestations pour réclamer le retrait de la réforme des retraites s'est traduite, ce jeudi, par des dizaines de cortèges fournis partout en France à l'appel d'une intersyndicale menée par la CGT et FO qui cherche à élargir le mouvement après plus d'un mois de conflit avec l'exécutif.

Au 36e jour de grève, la manifestation parisienne entre République et Saint-Augustin, près de la gare Saint-Lazare, a démarré vers 14h00. Selon la CGT, 370.000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale. Son secrétaire général, Philippe Martinez, a dénoncé "l'attitude provocatrice" du gouvernement et émis "des doutes" sur la volonté de ce dernier de "discuter". À ses côtés, Yves Veyrier (FO) ou encore François Hommeril (CFE-CGC).

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En régions, plus de 120.000 personnes ont manifesté, selon un calcul de l'AFP à partir des chiffres donnés par la police ou les préfectures. On dénombrait 6.000 manifestants selon la police à Clermont-Ferrand (18.000 selon les syndicats), 10.000 à Bordeaux (70.000), 14.000 à Toulouse (120.000), 8.400 à Nantes (18.000)... Selon Philippe Martinez, 216 manifestations étaient prévues, "il n'y en a jamais eu autant".

Le 5 décembre, au premier jour du mouvement, entre 806.000 (ministère de l'Intérieur) et 1,5 million (CGT) de personnes avaient battu le pavé, un score inégalé les 10 et 17 décembre.

Avocats, personnels de santé ou encore profs mobilisés

À Agen, où on comptait entre 1.700 et 2.500 manifestants, une douzaine d'avocats ont symboliquement donné leur sang: "quitte à être saignés par cette réforme autant que ça serve à quelque chose", a expliqué Me Laurent Bruneau du Syndicat des avocats de France.

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"Pour nous, personnels de santé, à l'hôpital, comme dans les Ehpad, c'est tout à fait impossible de travailler jusqu'à 64 ans", explique Morgane Henry, 41 ans, croisée dans le défilé lyonnais. Parmi ses revendications, elle a cité "des effectifs très insuffisants", "des fermetures de lit" ou encore "des salaires gelés depuis une dizaine d'années".

Des milliers de personnes ont manifesté à Marseille (22.000 selon la police, 220.000 selon la CGT) en fin de matinée. "On ne peut pas laisser seuls en première ligne les cheminots, les chimistes et les électriciens", a estimé Jean-Luc Mélenchon en rejoignant le cortège.

Dans l'Éducation nationale, 18,81% des personnels étaient en grève en primaire et de 16,49% dans les collèges et lycées selon le ministère, et respectivement 40 et 50% selon les syndicats.

"Les profs sont là en force, on voit bien qu'il y a une colère ancrée dans nos professions", selon Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU. "C'est le moment ou jamais de se mobiliser", juge Valérie Desperiez, qui travaille dans un lycée professionnel du 20e arrondissement.

Record de grève à la SNCF, les raffineries touchées aussi

Pour le 36e jour de grève à la SNCF - la plus longue de l'histoire - le taux de grévistes a bondi à 32,9% (contre 6,8% mercredi), avec 60% des TGV, 40% des TER et un tiers des Transilien en circulation. Le trafic RATP reste également "fortement perturbé".

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Selon Emmanuel Lépine, secrétaire général de la fédération Chimie de la CGT, "aucune goutte (de carburant) ne sort des huit raffineries ce jeudi". Chez EDF, le taux de grévistes est de 25,5% selon la direction.

La presse nationale n'est pas parue, la Tour Eiffel était fermée et les antennes de Radio France ont été très perturbées.

Sans retrait de l'âge pivot, pas de sortie de crise

Depuis le début de la crise, des concessions ont déjà été faites par l'exécutif à plusieurs corps de métier (policiers, marins, pilotes...). Mais l'intersyndicale campe sur sa position de retrait pur et simple du texte.

L'exécutif tente donc plutôt d'amadouer la CFDT, favorable au principe d'un système "universel" par points unifiant les 42 régimes actuels, mais braquée sur l'âge pivot à 64 ans.

Vendredi, Édouard Philippe doit recevoir les partenaires sociaux à Matignon pour parler d'une conférence de financement, proposée par la CFDT et dont il a accepté l'idée au début de l'année.

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Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a demandé solennellement "au gouvernement d'attendre les résultats" de cette conférence "avant de saisir le Parlement d'un projet de loi", dont l'examen est programmé à partir du 17 février.

"Si l'âge pivot reste dans la loi, c'est non, c'est clair", a déclaré jeudi le leader de la CFDT, Laurent Berger, à l'AFP.

"Tout est ouvert" sur la question de l'âge pivot, a estimé, de son côté, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux Transports. "La proposition du gouvernement, c'est effectivement d'introduire un âge d'équilibre, [...] si il y a une meilleure proposition qui émanait par exemple de cette convention de financement, elle serait reprise à son compte par le gouvernement", a précisé M. Djebbari.

Une pétition lancée par la CFDT avait dépassé 74.000 signatures jeudi. Le syndicat prévoit des rassemblements un peu partout samedi, jour également choisi par l'intersyndicale hostile à la réforme pour une cinquième mobilisation.

Sur le financement du système des retraites, elle réclame, comme la CGT, que la hausse des cotisations patronales soit mise sur la table vendredi, mais le patronat s'y oppose.