L'économie française est-elle sous contrôle étranger ?

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  821  mots
François Fillon estime que l'économie française est majoritairement détenue par des portefeuilles étrangers : c'est faux.
Au micro de RMC, François Fillon a assuré que "plus de la moitié de l'économie française est sous le contrôle d'investisseurs étrangers". Si les intérêts étrangers sont toujours très présents en France, l'affirmation est quelque peu exagérée.

Mis à mal par les affaires judiciaires, François Fillon tente difficilement de faire redécoller sa campagne à moins de trois semaines du premier tour de la présidentielle. Le candidat LR a eu l'occasion lundi matin de repartir de l'avant et de défendre son programme lors d'une émission spéciale sur RMC. Au micro de Bourdin direct (22 min 30 sec sur le podcast), le député de Paris a été interrogé sur les profits substantiels réalisés par les entreprises du CAC 40 et leur allocation. Voici ce qu'il répond :

"Dans l'idéal il faut [que les profits] soient réinvestis, mais pour qu'ils soient réinvestis il faut qu'ils soient moins taxés. Il faut que la taxation du capital soit équivalente dans tous les pays européens. En Allemagne, en Grande-Bretagne, dans les pays d'Europe du Nord, la taxation du capital c'est autour de 30%. Si je suis élu président de la République ce sera la même chose.

Et moi je préfère ça plutôt que de voir le gouvernement actuel se rouler devant le Qatar ou devant les fonds de pension étrangers pour financer l'économie française, parce que c'est un deuxième sujet qui n'est jamais évoqué : est-ce que l'économie française est toujours sous le contrôle de la France, ou est-ce qu'elle est passée sous contrôle des investisseurs étrangers ? Plus de la moitié de l'économie française est sous contrôle d'investisseurs étrangers, à cause de la fiscalité du capital."

Deux entreprises françaises du CAC 40 sur cinq sont sous contrôle étranger

Concernant ce "deuxième sujet" justement, François Fillon estime que l'économie française est majoritairement détenue par des portefeuilles étrangers. Pour ce qui est du CAC 40, les non résidents détiennent 45% des actions des entreprises de l'indice parisien au 31 décembre 2015, selon le bulletin 207 de la Banque de France (septembre-octobre 2016).

La part des investisseurs étrangers a considérablement cru depuis 1999, où ils ne représentaient que 36% du stock total d'actions. En revanche, plusieurs pics ont été atteints sous des gouvernements de droite, notamment en 2004 (46,7%), 2006 (46,3%) et 2012 (47,3%) - à cheval entre les quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Depuis le record de 47,8% enregistré en 2013, la détention du capital français par des étrangers a chuté pour la deuxième année consécutive.

De plus, sur les 36 sociétés françaises du CAC 40, seules 14 sont détenues majoritairement (plus de 50% du capital), ou sont sous contrôle, des intérêts étrangers, soit 39% d'entre elles. Il s'agit du taux le plus bas de ces dix dernières années. Les précédents records ont été observés en 2006 et 2013, sous des gouvernements de droite et de gauche, où plus de la moitié (53%) des grands groupes français de l'indice boursier parisien étaient sous contrôle étranger.

En outre, les entreprises de taille plus modeste sont encore moins sujettes à une prise de contrôle étrangère. Les non résidents ne détiennent que 28,9% des actions des sociétés françaises cotées hors CAC 40*. Au total (CAC 40 et hors CAC 40 confondus), les intérêts étrangers possèdent 39,4% des actions cotées françaises au 31 décembre 2015. Une proportion restée équivalente tout au long de 2016. On est donc assez loin de la barre des 50% pointée par le candidat LR.

Le Qatar n'est pas un investisseur de premier plan

Parmi ces investisseurs, François Fillon cite notamment le Qatar. Or, toujours selon les données de la Banque de France, les étrangers qui investissent le plus dans l'Hexagone sont en priorité Européens. Les pays de la zone euro détiennent 19% des actions du CAC 40 - dont le Luxembourg (7%) et l'Allemagne (3,5%) en particulier. Suivent les Etats-Unis (15,9%) et le Royaume-Uni (3,5%).

En matière d'investissements directs** de l'étranger (IDE) vers la France, on retrouve sans surprise le même classement. Les pays de la zone euro, Allemagne en tête, ont investi 214,8 milliards d'euros en 2014, selon le dernier rapport annuel de la Banque de France de la balance des paiements, au total plus de deux investissements sur cinq (43,1%) proviennent de la zone euro. Les Etats-Unis (115 milliards d'euros, soit 20,5%) et le Royaume-Uni (66,7 milliards, 11,9%) complètent le podium. Avec 2,1 milliards d'euros, le Qatar est loin derrière et ne représente que 0,4% de l'ensemble des IDE en France, soit un montant équivalent à l'Australie (2,4 milliards) et au Liban (2,6 milliards).

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*Pour information, au 31 décembre 2015, 65% des encours d'actions cotées concernent des actions du CAC40.

**Définition donnée par la Banque de France : "Par convention, on considère qu'il y a investissement direct lorsque l'entité investisseuse acquiert ou détient au moins 10% du capital ou des droits de vote de l'entreprise investie."