L'emploi, grand oublié du "Grand débat national"

Par Grégoire Normand  |   |  749  mots
Les 4 grands thèmes et les 82 questions proposés par le gouvernement pour cadrer sa grande consultation nationale semblent quasiment passer à côté des problématiques du travail et de l'emploi. Pourtant, difficile d'oublier qu'une grande part de la population française se sent concernée par la question du chômage.

Fiscalité, transition écologique, réforme de l'État et des services publics, citoyenneté et démocratie. Depuis le 15 janvier, ces quatre thèmes sélectionnés par le gouvernement doivent occuper une place de choix dans le grand débat. L'exécutif a ainsi entamé une période de consultations et d'échanges décisive, jusqu'au 31 mars, alors que le mouvement des "Gilets jaunes" se poursuit plus de deux mois après le premier week-end de mobilisation nationale le 17 novembre dernier.

Pour tenter de calmer la colère de ce mouvement social inédit, Emmanuel Macron avait annoncé le 10 décembre dernier une série de mesures destinées à doper le pouvoir d'achat des travailleurs aux revenus modestes et des foyers touchant des petites retraites. Mais ces annonces n'ont pas suffi à apaiser les tensions toujours bien visibles depuis le début de l'année.

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Dans sa "lettre aux Français", le président de la République a bien rappelé que "la  lutte contre le chômage doit être notre grande priorité, et que l'emploi se crée avant tout dans les entreprises, qu'il faut donc leur donner les moyens de se développer". Pour autant, le sujet du travail ou de l'emploi n'a pas été retenu dans les quatre thèmes alors que la population active est estimée à 29,6 millions de personnes selon les derniers chiffres de l'Insee. Par ailleurs, sur les 82 questions recensées sur le site dédié au Grand débat,  aucune ne porte sur ces deux sujets.

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Les appels se multiplient

Depuis plusieurs jours, des organisations lancent des appels pour introduire toutes ces questions dans le cadre du Grand débat. Dans un communiqué de presse publié ce mercredi soir, le président du réseau national des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA/Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat), Bernard Stalter, a demandé que "de l'économie et de l'emploi soient ajoutés au grand débat national". Il propose ainsi d'alimenter la consultation sur "cinq thèmes autour de l'entreprise, notamment de proximité", rappelant que, "alors qu'ils contribuent à la vie et à l'équilibre des territoires, trop d'artisans sont aujourd'hui en dessous des minima du Smic".

Il y a un mois, à Paris, lors d'une rencontre organisée par le Cercle des économistes, Louis Gallois, venu avec sa casquette de président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, avait expliqué que "si le chômage de longue durée (*) concernait plusieurs millions de personnes. Il était absent des discussions sur les 'Gilets jaunes'". La multiplication de ces remarques soulignent que le chômage et l'emploi sont loin d'être inscrits à l'agenda politique, alors que cela reste un sujet de préoccupation majeur pour une bonne partie de la population.

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Des territoires toujours en souffrance

Malgré une forte accélération de la croissance en 2017, de nombreux territoires ont continué à souffrir du chômage. D'après une étude du service des statistiques du ministère du Travail publiée à l'automne dernier, des zones d'emploi avec de très forts taux de chômage persistent dans les régions des Hauts-de-France, d'Occitanie et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Les auteurs du document soulignent que, en 2017, "huit des dix départements ayant les plus hauts taux de chômage se situent dans ces trois régions".

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène particulièrement ciblé sur quelques territoires. Dans un article récemment mis en ligne par l'Insee, deux économistes ont étudié l'évolution de l'emploi dans les secteurs exposés et abrités de la concurrence internationale en France sur la période 1999‑2015.

Il apparaît que de nombreux emplois dans l'industrie ont été détruits ces 20 dernières années frappant des zones d'emploi très spécialisées. Leurs travaux rappellent que "sans surprise, les régions françaises traditionnellement industrielles (Hauts‑de‑France, Grand‑Est et Île‑de‑France) subissent la plus profonde restructuration, tandis que l'emploi industriel résiste mieux à l'ouest." Par ailleurs, d'autres zones d'emploi ont résisté comme à Toulouse (aérospatiale), Figeac (aérospatiale) et Saint-Nazaire (construction navale).

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