Que fait Cap Collectif, la Civic Tech qui va rendre possible le "Grand débat national" ?

Lancé ce mercredi 16 janvier, le site du "Grand débat national", créé par la startup Cap Collectif, va recueillir à partir du 21 janvier les propositions des citoyens dans les quatre thématiques décidées par le gouvernement. La Civic Tech a développé une "plateforme d'intelligence collective" polyvalente, dotée d'une méthodologie de co-construction de la décision, qui a déjà fait ses preuves lors de la Loi pour une République numérique d'Axelle Lemaire en 2015. Explications.
Sylvain Rolland
Plébiscitée par plus de 130 clients, Cap Collectif a réalisé des consultations citoyennes, des votations, des budgets participatifs ou encore des appels à projets pour de nombreuses collectivités locales (Paris, Nantes, Rennes, Région Occitanie...), associations, syndicats, administrations, entreprises y compris des grands groupes, et même plusieurs consultations nationales, comme celle du Plan Climat ou la co-construction de la Loi pour une République numérique, votée en 2016.
Plébiscitée par plus de 130 clients, Cap Collectif a réalisé des consultations citoyennes, des votations, des budgets participatifs ou encore des appels à projets pour de nombreuses collectivités locales (Paris, Nantes, Rennes, Région Occitanie...), associations, syndicats, administrations, entreprises y compris des grands groupes, et même plusieurs consultations nationales, comme celle du Plan Climat ou la co-construction de la Loi pour une République numérique, votée en 2016. (Crédits : DR)

Aux grands maux, les grands remèdes. Face à la colère des "Gilets jaunes" qui traduit une crise démocratique profonde, le président de la République, Emmanuel Macron, a lancé un "Grand débat national", avec l'objectif d'associer les citoyens à la construction des politiques publiques sur quatre grandes thématiques : fiscalité et dépenses publiques, organisation des services publics, transition écologique, démocratie et citoyenneté.

Pour entendre les Français, le gouvernement a lancé ce mercredi 16 janvier un site internet : www.granddebat.fr. Sa mission : organiser les forums "physiques" dans toute la France, c'est-à-dire les réunions d'initiative locale, stands, puis conférences citoyennes régionales prévues à partir du 1er mars. Surtout, le site servira à partir du 21 janvier à regrouper et à partager les propositions formulées sur le terrain, et à faire naître un vaste espace de débats en ligne. Sur cette plateforme participative d'intelligence collective, chacun pourra poster ses propositions et débattre de celles des autres.

Une méthodologie de co-construction, fruit de plusieurs années de R&D

D'après un sondage réalisé par Elabe pour BFMTV, 40% des Français auraient l'intention de participer au "Grand débat". 13% se disent même "certains" de le faire. Se pose alors un gros défi : comment faire fonctionner cette plateforme afin que le débat s'y déroule de manière sereine, productive, représentative, et fasse émerger des propositions pertinentes ?

C'est là qu'entre en jeu Cap Collectif. La Commission nationale du débat public (CNDP) a choisi de confier l'élaboration de la plateforme à cette Civic Tech parisienne créée en 2014 par Cyril Lage. Cap Collectif est issue de l'association Parlement et citoyens, qui permet aux parlementaires inscrits et aux citoyens de débattre ensemble. Créée pour industrialiser la méthode de la consultation publique et l'élargir à toutes les organisations qui souhaitent l'utiliser, la startup est devenue une référence en matière de démocratie participative.

Plébiscitée par plus de 130 clients, Cap Collectif a réalisé des consultations citoyennes, des votations, des budgets participatifs ou encore des appels à projets pour de nombreuses collectivités locales (Paris, Nantes, Rennes, région Occitanie...), associations, syndicats, administrations, entreprises y compris des grands groupes, et même plusieurs consultations nationales, comme celle du Plan Climat ou la co-construction de la Loi pour une République numérique, votée en 2016.

Cap Collectif fournit ainsi à ses clients un site Internet en marque blanche et les "modules", c'est-à-dire des kits techniques, qui permettent d'organiser la consultation souhaitée.

« Nos six applications participatives, qui sont le fruit de plusieurs années de R&D en interne, valorisent l'intelligence collective, décrit le fondateur Cyril Lage. Notre méthodologie structure et organise les propositions des citoyens, en fait émerger la diversité, incite au débat argumenté. Cette technologie permet d'éviter les biais liés à une consultation sur Internet comme la sur-représentation d'un lobby. Grâce à ça, le décideur dispose d'une plus grande diversité de solutions ou de diagnostics à un problème posé, ce qui permet de construire une décision finale plus efficace car elle est légitimée par le débat citoyen ».

Si les modalités du "Grand débat national" ne sont pas encore connues, Cap Collectif prévoit quatre niveaux de participation dans son module "Consultation" : le vote, pour illustrer le niveau d'adhésion ou de rejet d'une proposition ; l'argument, pour renforcer ou au contraire opposer un fait à une proposition ; la source, c'est-à-dire un espace contributif de partage de ressources documentées - ce qui permet notamment de vite repérer les fake news -, et la proposition, qui donne la possibilité de compléter les propositions initiales.

« La synthèse cartographique opérée après la consultation permet d'appréhender la diversité des arguments et des propositions, et non simplement leur popularité », précise le site. « Il est ainsi inutile pour un groupe d'intérêts de venir "spammer" la plateforme avec un argument ou une proposition unique répétés en boucle puisque seul l'argument — et non son nombre de clones — sera affiché dans la synthèse ».

La Loi pour une République numérique d'Axelle Lemaire, un précédent réussi

Si Cap Collectif a déjà réalisé plus de 700 projets participatifs qui ont mobilisé au total 560.000 participants, aucun n'a eu l'ampleur du "Grand débat national" souhaité par Emmanuel Macron. Le plus "grand public" à ce jour reste l'initiative de co-construction de la Loi pour une République numérique, dite "loi Lemaire", lancée fin 2015 par l'ancienne secrétaire d'État au Numérique Axelle Lemaire.

Lire aussi : Loi Lemaire : la consultation publique, un outil de pression pour les citoyens

À l'époque, il s'agissait d'une véritable innovation, puisque la loi Lemaire a été le premier texte co-écrit avec les citoyens, insufflant un vent de fraîcheur démocratique qui n'a pas vraiment connu de suite. En utilisant la plateforme de Cap Collectif, le cabinet de la ministre avait d'abord mis en ligne la première version du texte (30 articles) rédigée par le gouvernement, puis avait laissé la magie d'Internet faire le reste. Résultat : plus de 21.400 internautes avaient posté plus de 8.500 contributions et exprimé 147.000 votes. Le débat avait surpris les observateurs par la pertinence des propositions et la richesse de l'argumentation.

La consultation avait abouti à l'ajout dans la loi de cinq nouveaux articles, dont la reconnaissance par l'État de l'e-sport et l'obligation de transparence des algorithmes publics, et à de nombreuses modifications marginales du texte initial.

Lire aussi : Inédit : le gouvernement intègre 5 articles de citoyens dans la loi Lemaire

Le bilan qualitatif et quantitatif mené par Cap Collectif, ainsi que le questionnaire de satisfaction soumis aux participants, ont été publiés par le gouvernement. Verdict : 97% des utilisateurs se disaient prêts à renouveler l'exercice, jugé utile car 71% estimaient qu'il avait permis de faire bouger le texte. En revanche, 46% des connexions au site venaient d'Île-de-France, et les propositions étaient surtout le fruit des lobbys. Les citoyens, toutefois beaucoup plus nombreux à participer, s'étaient surtout fait entendre par le vote. « Bien sûr, les groupements d'intérêts divers et variés ont participé, mais ils l'ont fait en totale transparence, ce qui renouvelle et assainit les pratiques », avait déclaré Axelle Lemaire à La Tribune à la fin de l'exercice.

La consultation citoyenne est-elle "scalable" à grande échelle et sur des sujets polémiques ?

Tout l'enjeu du "Grand débat national" est de savoir si la méthode de Cap Collectif est "scalable", c'est-à-dire si elle conservera sa pertinence et son efficacité à beaucoup plus grande échelle. Et surtout, sur des sujets beaucoup plus polémiques et politiques que ceux de la loi Lemaire. Le plébiscite du texte par les internautes - quasiment tous les articles initiaux avaient été approuvés par le vote - a certes donné à la loi une très forte légitimité, qui s'est ensuite traduite à l'Assemblée nationale par un vote quasi-unanime puisque même des députés de l'opposition ont voté "pour" ou se sont abstenus. Mais il y avait peu de risques à la base de provoquer des débats de sociétés enflammés, puisque la loi visait à mieux protéger les données personnelles, à affirmer l'open data, ou encore à déployer de nouveaux outils pour l'inclusion numérique des populations les plus modestes. Autrement dit, rien de très polémique, ni de très politique.

Ce ne sera évidemment pas le cas pour le "Grand débat national", qui va mobiliser l'ensemble de la classe politique sur des sujets très clivants - notamment la fiscalité -, dans le contexte social très tendu des "Gilets jaunes". Un défi démocratique que Cap Collectif, qui a confiance dans sa méthodologie, compte bien relever avec le même brio. Verdict dans quelques mois.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 12/02/2019 à 2:20
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Cap collectif ferait mieux de faire fonctionner correctement sa plateforme avant de faire cocorico. Beugs à répétitions, messages de maintenance en plein enregistrement, impossible d'envoyer et de récupérer sa prose après une heure de rédaction, impo...

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