L'exonération des heures supplémentaires pourrait plomber l'emploi

Par Grégoire Normand  |   |  638  mots
« L’exonération de cotisations sociales salariées sur les heures supplémentaires peut également se traduire par une modification des comportements : les salariés seraient plus enclins à accepter de faire des heures supplémentaires puisque celles-ci sont mieux rémunérées », explique l'OFCE.
L'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires à partir du 1er septembre 2019 pourrait stimuler le pouvoir d'achat des ménages. Cependant cette mesure pourrait également détruire 10.000 emplois d'ici 2020, rapporte une note de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée lundi 1er octobre.

Lors de la présentation du budget la semaine dernière, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français. Parmi les dispositifs, le ministre des comptes publics Gérald Darmanin a confirmé l'exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires travaillées qui devrait augmenter, en année pleine, le pouvoir d'achat de 2 milliards d'euros pour les personnes qui travaillent, rapportent les chiffres présentés dans le document budgétaire.

Cette mesure pourrait apporter un gain moyen de 200 euros chaque année par salarié. Dans une note de blog publié lundi 1er octobre, Bruno Ducoudré et Eric Heyer, économistes à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), relativisent toutefois les effets de cette mesure - dont les effets positifs sur la production et l'emploi se traduirait par l'embauche de personnel supplémentaire et permettrait de soutenir la consommation des ménages - sur le porte-monnaie des Français et l'emploi. Au-delà du manque à gagner pour les finances publiques, ce dispositif pourrait avoir des conséquences négatives sur le marché du travail.

Une mesure qui ne bénéficierait qu'aux salariés

Pour cause, dans une précédente étude, l'économiste Eric Heyer a mis en exergue plusieurs effets contradictoires. En effet, la baisse du coût des heures supplémentaires pourrait inciter à allonger la durée du temps de travail, « favorisant la situation des insiders (salariés) au détriment de celle des outsiders (les chômeurs). »

Selon les observations du centre de recherche, l'exonération des cotisations pourrait détruire 2.000 emplois en 2019 et 8.000 emplois en 2020. Alors que le taux de chômage en France (9,3%) est encore bien supérieur à celui de la moyenne de l'Union européenne (6,8 %) et qu'il vient encore d'augmenter selon les derniers chiffres de la commission européenne publiés lundi 1er octobre, l'application de cette mesure risque encore de relancer le débat sur son efficacité.

Un impact moindre sur le pouvoir d'achat

Le gouvernement a, par ailleurs, clairement mis l'accent sur les actifs pendant sa présentation budgétaire. « Le gouvernement souhaite que ceux qui travaillent perçoivent une rémunération juste au regard de leurs efforts.» D'après le projet de loi de finances 2019 (PLF 2019), huit millions de travailleurs du secteur privé seraient concernés à partir de septembre 2019. Pour estimer le nombre d'heures supplémentaires effectuées dans le secteur privé en France, il existe plusieurs sources. Si les résultats peuvent varier, les deux chercheurs évaluent tout de même le nombre total des heures supplémentaires rémunérées entre 650 et 670 millions alors que le gouvernement évoque 800 millions d'heures dans le PLF 2019.

Ces divergences ont des conséquences sur les résultats obtenus tant en termes d'emplois que sur le pouvoir d'achat des actifs. D'après les économistes de l'organisme, les gains pour le pouvoir d'achat des Français s'élèveraient à 1,7 milliard d'euros en année pleine. Pour parvenir à un tel chiffrage, les experts estiment que sur la base d'un salaire horaire brut moyen de 17,3 milliards d'euros, « le gain en pouvoir d'achat pour les salariés du secteur privé s'élèverait plutôt à 1,4 milliard d'euros en année pleine, auxquels il faut ajouter 100 millions d'euros pour les exonérations sur les heures complémentaires et les 200 millions d'euros de gains pour les salariés de la fonction publique.»

Hausses attendues des heures supplémentaires

Le dispositif qui figurait dans le programme présidentiel d'Emmanuel Macron devrait en tout cas avoir des effets sur le recours aux heures supplémentaires dans les entreprises.

« Les salariés seraient plus enclins à accepter de faire des heures supplémentaires puisque celles-ci sont mieux rémunérées », rappelle la note. Selon les estimations des économistes, le nombre d'heures supplémentaires pourrait augmenter de 4,3 %, soit 28,5 millions d'heures supplémentaires additionnelles.