La dernière chance du bilan européen de François Hollande

Par Romaric Godin  |   |  1284  mots
[ SÉRIE : Horizon 2017 pour Hollande 9/9 ] Le président de la République n'a pas été très heureux jusqu'ici dans ses ambitions et sa stratégie européennes. Son initiative pour une zone euro plus intégrée - la première de son quinquennat - pourrait cependant sauver son bilan.

« Je veux réorienter la construction européenne. » Dans ses 60 « engagements pour la France », le candidat François Hollande promettait de modifier le cours de l'UE.

De fait, lorsque François Hollande arrive au pouvoir, le 6 mai 2012, la zone euro est dans une piètre situation. La politique d'austérité aveugle imposée aux pays périphériques a plongé l'ensemble de l'union monétaire dans la récession. La logique à l'oeuvre menace d'emporter l'euro. Durant la campagne, le candidat socialiste estime qu'il faut « rééquilibrer » les politiques menées : il propose donc de renégocier le pacte budgétaire, négocié et signé par Nicolas Sarkozy à la fin de 2011, et d'imposer un « pacte de croissance », nécessaire pour obtenir la ratification du Parlement français.

Mais dès les premières semaines du quinquennat, cette stratégie fait long feu. Angela Merkel ne veut pas entendre parler de vraie relance. François Hollande tente alors un semblant de confrontation. Il rencontre le 29 juin 2012 à l'Élysée, les dirigeants sociaux-démocrates allemands.

L'idée est de bloquer la ratification du pacte budgétaire par le Bundestag, afin de faire pression sur la chancelière. Mais le SPD négocie de son côté et ne veut pas s'aliéner sa future alliée, après les élections de septembre 2013, pour une hypothétique alliance française qui n'est guère populaire outre-Rhin. Le 30 juin au matin, le Bundestag ratifie le pacte budgétaire et François Hollande se retrouve isolé. Il change alors entièrement de stratégie et décide de reprendre celle menée par Nicolas Sarkozy depuis l'entrevue de Deauville avec Angela Merkel, en octobre 2010 : tenter d'amadouer Berlin en étant un de ses plus proches alliés au niveau européen.

Lors du sommet européen du 30 juin 2012, François Hollande accepte donc de faire ratifier tel quel le « pacte budgétaire ». Des pressions, au besoin, seront exercées sur les parlementaires de la majorité pour obtenir leur vote. Pour masquer l'abandon de cet engagement de campagne, on décide d'un fantomatique « pacte de croissance » qui sera rapidement oublié. Plus tard, Paris sera un allié sûr de Berlin lors de la crise chypriote de mars-avril 2013 et dans la plupart des grands événements de la vie européenne, jusqu'à la crise grecque de 2015. Lors de la négociation du cadre budgétaire européen de 2014-2020, François Hollande renonce à un autre de ses 60 engagements et accepte la baisse de ce budget.

Avec cette politique, François Hollande a raté une occasion de « réorienter la construction européenne ». Là encore, il faut revenir, pour s'en convaincre, au sommet de juin 2012. Attaquées sur les marchés, l'Espagne et l'Italie tentent d'imposer à la chancelière allemande l'idée d'un « bouclier anti-spread », autrement dit d'un mécanisme permettant de protéger leurs dettes. Berlin refuse dans un premier temps pour ne pas « distordre le marché » et créer un « aléa moral » qui conduirait ces pays à réduire le rythme de leur consolidation budgétaire. Sollicité, François Hollande refuse de soutenir cette initiative, par crainte d'irriter la chancelière et de voir la France passer sur les marchés, pour un pays en difficulté.

Mais Mario Monti et Mariano Rajoy menacent de claquer la porte du sommet. Angela Merkel cède. Deux semaines plus tard, le président de la BCE Mario Draghi annonce qu'il fera « tout ce qu'il faut » pour sauver l'euro. En septembre, l'annonce du programme OMT apaisera la crise. Le rôle joué par la France dans ce mouvement déterminant a été négligeable.

Convaincre Berlin que la France veut se réformer

Que cherche alors François Hollande avec cette politique ? Principalement une tolérance sur sa trajectoire budgétaire. Son ambition de revenir à un déficit public de 3% du PIB dès 2013 étant vouée à l'échec d'emblée, le gouvernement français n'a cessé de réclamer de nouveaux délais. Délais dans les faits impossibles à obtenir sans l'aval allemand. Paris a obtenu ces délais, mais, à chaque fois, il faut se montrer plus « convaincant ».

Outre cette « absence » de la France au niveau de la politique européenne, François Hollande doit réaliser début 2014 un « tournant » réformateur incarné par « le pacte de responsabilité » et l'arrivée à Matignon de Manuel Valls. Il s'agit de convaincre Berlin de la volonté française de se réformer. Fin août 2014, le président de la République enfonce le clou en excluant de son gouvernement les membres les plus critiques envers l'Allemagne de son gouvernement, à commencer par le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg, remplacé par un Emmanuel Macron qui est apprécié à Berlin.

L'autre ambition de cette stratégie est de « faire bouger l'Allemagne » en douceur. L'idée est de convaincre Berlin de montrer plus de solidarité dans la zone euro en lui prouvant que la France se réforme et « fait des efforts ».

Cette stratégie n'a pas réellement porté ses fruits jusqu'ici et relève plutôt du voeu pieu. La raison en est simple : pour le gouvernement allemand, la France ne fait pas assez de réformes. Et de fait, pour le moment, la France s'est montrée incapable de peser sur le débat européen. À la fin de l'été 2014, par exemple, Mario Draghi avait proposé dans son célèbre discours de Jackson Hole un plan alliant rachats d'actifs, réformes structurelles et relance budgétaire.

L'occasion pouvait sembler belle pour Paris de peser sur un gouvernement allemand que la BCE souhaitait faire bouger. D'autant que le remaniement ministériel français pour complaire à Berlin a eu lieu quelques jours plus tard. Mais François Hollande a été incapable de jouer un rôle actif. L'Allemagne a envoyé une fin de non-recevoir à Mario Draghi sans que Paris ne bouge. Et désormais, l'efficacité du QE (« quantitative easing ») européen est clairement mise en question.

Le pari français d'une « unions de transferts »

La politique européenne de François Hollande est donc d'abord une politique de communication a posteriori. Le gouvernement a tenté de faire croire qu'il fallait le créditer de la baisse de l'euro. Durant la crise grecque, il a essayé de faire croire qu'il avait « sauvé » la Grèce en la maintenant dans la zone euro contre Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, qui voulait le « Grexit temporaire ». Mais en fait, Paris a laissé la stratégie allemande de pression sur Alexis Tsipras se développer et s'est contenté de se caler sur la position d'Angela Merkel.

Reste que l'Elysée semble désormais déterminer à agir. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, la France semble prendre l'initiative d'une réforme de la zone euro, pour l'intégrer davantage. Cette initiative est portée par Emmanuel Macron, fort apprécié outre-Rhin, qui n'hésite pas à parler d'une « union de transferts » avec une Allemagne qui ne veut pas en entendre parler. Cette offensive est la dernière vraie occasion de sauver le bilan du chef de l'État. C'est l'acmé de sa stratégie : mettre sur la table la question de la solidarité européenne.

Reste à connaître le contenu de ces propositions. S'il ne s'agit que de nommer un « ministre des Finances de la zone euro » chargé d'une surveillance encore plus stricte des budgets nationaux et armé d'un budget symbolique, le pari sera raté. S'il s'agit de construire une vraie stratégie européenne d'investissement et d'emploi fondée sur l'acceptation des transferts, il est possible que le locataire de l'Élysée demeure finalement dans les livres d'histoire pour sa politique européenne.