La pénurie de main-d'oeuvre atteint des sommets

Par Grégoire Normand  |   |  535  mots
"En moyenne, une baisse d’un point de pourcentage du taux de chômage s’accompagne d’une hausse de 5 points de la proportion d’entreprises signalant des pénuries de main-d’œuvre" explique l'Insee (Crédits : Reuters)
La proportion d'entreprises ayant des difficultés de recrutement a doublé en trois ans selon les derniers chiffres de l'Insee, passant de 10% en 2016 à 20% à la fin de l'année 2019. Le secteur de la construction est particulièrement concerné par ce phénomène.

Les tensions sur le marché du travail persistent. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce mardi 17 décembre, la part des entreprises ayant déclaré une pénurie de main d'oeuvre a atteint un point haut (21%) à la fin du premier semestre 2019. La baisse du taux de chômage et le déficit de main d'oeuvre dans le numérique contribuent à amplifier les obstacles pour les entreprises qui peinent à trouver certains profils qualifiés. En outre, les niveaux de salaire à l'embauche, les conditions de travail, les perspectives de carrière proposés peuvent également constituer des obstacles pour les candidats à la recherche d'un emploi. Avec la baisse de la population active à prévoir dans les prochaines années, ce phénomène pourrait encore s'aggraver.

Tous les secteurs sont concernés

D'après les enquêtes menées par l'organisme de statistiques, aucun secteur économique n'est épargné. Cette pénurie est particulièrement criante dans les services avec un bond de 12 points entre la mi-2016 et la mi-2019 (8% à 20%). "C'est le plus haut niveau depuis 2004" expliquent les statisticiens. Outre le tertiaire, la construction est également en proie à de sérieuses difficultés d'embauche. 40% des entreprises du secteur déclarent être confrontées à des problèmes d'appariement entre l'offre et la demande.

Enfin, l'industrie, même si elle connaît toujours des fermetures d'usines, est également concernée par ce phénomène. La part des entreprises dans ce domaine ayant déclaré des freins au recrutement a doublé en trois ans, passant de 8% à 16% entre mi 2016 et mi 2019. Parmi les facteurs avancés par les entreprises pour expliquer de telles barrières, la pénurie de main d'oeuvre compétente arrive en première position. Viennent ensuite l'incertitude économique, le coût du travail et la réglementation.

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Le fonctionnement du marché du travail dégradé depuis la crise

La grande récession de 2008 et la crise des dettes souveraines en zone euro au début des années 2010 ont eu un impact marqué sur le fonctionnement du marché du travail. "En 2019, le marché du travail français semble moins bien fonctionner qu'en 2007 par exemple, avec à la fois un chômage et des pénuries de main-d'œuvre plus élevés que lors du précédent haut de cycle" signalent les économistes. La transformation de l'économie, la montée en puissance des contrats courts, le déficit de formation ont également eu des répercussions sur les rouages du marché du travail.

La France loin d'être isolée

A l'échelle du Vieux continent, l'économie française est loin d'être la seule à connaître de telles tensions sur le marché du travail. Chez la plupart des partenaires européens, "les pénuries de main d'oeuvre ont aussi fortement augmenté depuis 2016. Fin 2018, elles ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis 2004, sauf en Italie qui avait connu un pic plus important en 2007" indique l'organisme de statistiques publiques. Dans la plupart des grandes économies, la pénurie de main d'oeuvre augmente avec la baisse du chômage même si elle a commencé à baisser dans quelques Etats.