La politique de l'offre, un échec ?

Par Fabien Piliu  |   |  1012  mots
« C’est l’offre qui crée la demande » avait déclaré François Hollande lors d'une conférence de presse en janvier 2014 en présentant le Pacte de responsabilité.
Selon l'Insee, le PIB ne progresserait que de 1,3% cette année. Si cette prévision devait se concrétiser, les objectifs du gouvernement pourraient ne pas être tenus. Peut-on en déduire que la politique de l'offre menée par le gouvernement depuis 2014 est un échec ?

Qui a raison ? Qui a tort ? Quand le gouvernement décide de laisser sa prévision de croissance pour 2016 inchangée, à +1,5%, l'Insee abaisse la sienne de 0,3 point et ne vise plus qu'une hausse de 1,3% du PIB cette année. Avec cette décision dévoilée la semaine dernière, l'Insee n'a pas seulement fragilisé les estimations du gouvernement sur lesquelles reposent ces objectifs de réduction de déficit public.

En désavouant en quelque sorte l'exécutif, l'Institut donne du grain à moudre à ceux qui remettent en cause la politique de l'offre menée par le gouvernement depuis 2014 dans la foulée du Pacte de compétitivité et renforcée par le Pacte de responsabilité. C'est notamment le cas d'une partie de la majorité. "C'est l'offre qui crée la demande" avait déclaré François Hollande, le président de la république lors d'une conférence de presse organisée en janvier 2014, lors de la présentation du Pacte de responsabilité.

Une fenêtre de tir favorable

Si on se focalise sur la seule variation du PIB, il est difficile de donner tort aux détracteurs de cette politique de l'offre. Après avoir fait un "bond" de 0,5 point entre 2014 et 2015 pour augmenter de 1,2%, la croissance ne progresserait plus que de 0,1 point selon l'Insee en 2016. Au regard des efforts consentis par les finances publiques, à travers le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) lancé en 2014, les allègements de charges prévus par le Pacte de responsabilité et le prolongement de la mesure de suramortissement décidée en avril, force est de constater que la reprise tant attendue est peu vigoureuse. Si l'on ajoute à ces mesures fiscales les effets positifs de la chute des matières premières, et notamment du brut, ainsi que le repli de l'euro face au dollar, le sentiment de gâchis peut être vif.

On pourrait en rester là et considérer que le quinquennat actuel n'aura servi à rien.

Quelques points positifs

Certes, la politique de l'offre ne se traduit par une reprise franche et massive de l'activité. Mais compte tenu de la situation de l'économie européenne, qui absorbe chaque année près de 60% des exportations tricolores, le contraire aurait été étonnant. Selon la Banque centrale européenne (BCE), le PIB de la zone euro augmenterait de 1,7% cette année.

Toutefois, si l'on observe attentivement l'ensemble des indicateurs publiés par l'Insee, certains points positifs peuvent être relevés.

Grâce au CICE et aux mesures du Pacte de responsabilité, le coût du travail dans l'industrie a reculé au point d'être désormais moins élevé que celui observé en Allemagne. Ce n'est pas encore le cas dans les services mais, selon Bercy, le coût du travail dans le tertiaire suivrait cette même tendance. Ce point est important. Selon les théoriciens de la politique de l'offre, la baisse du coût du travail doit être globale pour être efficace et renforcer réellement la compétitivité des entreprises.

En restaurant un peu de concurrence dans certains secteurs, la loi Macron poursuivait ce but. Mais compte tenu du nombre très limité des secteurs concernés par ce texte - pourtant très commenté à droite et à gauche - son impact sur l'économie est faible.

Cette baisse du coût du travail explique l'augmentation du taux de marge. Après avoir touché un plancher historique 29,7% de la valeur ajoutée en 2014, consécutivement au choc fiscal qui a frappé les entreprises entre 2011 et 2013, celui-ci remonte progressivement. Il devrait atteindre 31,8% à la fin de l'année.

L'investissement repart mais pour combien de temps ?

Disposant d'un peu plus marge de manœuvre, les entreprises investissent à nouveau. Après une longue période de sous-investissement chronique - le déficit d'investissement est estimé à 83 milliards d'euros sur la période 2008-2015 par Euler Hermes -, l'investissement repart. Hors construction, il a progressé de 2,6% en 2014 et de 3,7% en 2015. Il devrait augmenter de 4,9% en 2016.

Ceci est encourageant, même si, comme le rappelle l'entourage de Michel Sapin, les effets de cette reprise de l'investissement n'auront pas d'effets visibles, et notamment sur les exportations, avant un certain temps. Par ailleurs, pour que ses effets soient importants, il faudrait que cette dynamique soit une tendance lourde, ce qui accélérerait la modernisation de l'économie française. Or, dans le projet de loi de finances 2017, Bercy table sur une hausse de 4,5% de l'investissement hors construction.

Par ailleurs, comme le précise l'Insee, les créations nettes d'emplois progressent légèrement dans le secteur marchand. Elles s'élèveraient à 117.000 en 2016, contre 97.000 en 2015. Résultat, le taux de chômage continue de reculer, à un rythme modéré. Il s'élevait à 10,1% de la population active en 2014, 9,9% en 2015 et pourrait atteindre 9,5 % fin 2016, ce qui représenterait le plus bas taux de chômage depuis mi 2012.

Une amélioration du marché de l'emploi en trompe-l'œil

Bien évidemment, ces statistiques sont trop peu encourageantes pour considérer que la politique de l'offre, couplée à une politique de l'emploi très active, est une réussite dans ce domaine. Le gouvernement peut toujours déclarer que la courbe du chômage s'est enfin inversée en fin de quinquennat, s'il se contente du taux de chômage pour indicateur. Peut-être que certains oublieront que cette inversion de la courbe du chômage devait se produire en 2013....

Pour l'instant, la véritable amélioration du marché de l'emploi se fait toujours attendre. En août, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi en catégorie A a augmenté de 50.200 personnes en France métropolitaine, portant à 3,5 millions le nombre de personnes inscrites dans cette catégorie. La baisse spectaculaire de 19.000 personnes inscrites en catégorie A en juillet est donc effacée. Si l'on tient compte l'ensemble de catégories de chômeurs, notamment les travailleurs en activité réduite et les chômeurs en formation, le nombre de demandeurs d'emploi en France métropolitaine s'établit à 6,2 millions de personnes pour le mois d'août.