La reprise est en danger !

Par Fabien Piliu  |   |  917  mots
Bercy vise une croissance de 1,5% l'année prochaine.
La consommation a chuté de 0,7% en octobre, l'investissement ne décolle pas, pas plus que le commerce extérieur. Quant au chômage, il s'est envolé en octobre. Les menaces terroristes viennent s'ajouter à la morosité ambiante.

Mauvaise passe ou tendance de fond ? Depuis quelques semaines, plusieurs statistiques témoignent de la très grande fragilité de la reprise de l'économie française.

En octobre, la consommation des ménages, le principal moteur de l'économie française, a reculé de 0,7% selon l'Insee, marqué par le repli de 1,1% des achats de biens fabriqués.
En septembre, la production industrielle fut stable. Sur un an, elle n'augmente que de 0,6%...

Après avoir reculé de 1,4% en 2014, elle ne devrait progresser que de 0,5% cette année. Le terrain perdu au cours de la seule année dernière ne sera pas reconquis en 2015. " Le niveau de la production industrielle reste inférieur de 13% à celui observé avant la crise ", déplore le Groupe des fédérations industrielles (GFI).

Ralentissement des dépenses de R&D

L'investissement des entreprises ? Il a progressé de 0,5% au troisième trimestre observe l'Insee . A la fin de l'année, il devrait afficher une hausse de 1,5%.

Comme le rappelle le tableau de bord de l'attractivité 2015 de Business France, qui met par ailleurs en avant les atouts dont dispose la France - les dépenses intérieures de recherche et développement des entreprises (DIRDE) ont ralenti ces dernières années. Elles n'ont en effet augmenté que de 0,8% en 2013, loin de la progression de 1,6% observe sur la période 2011-2013.

35.000 robots en France, 60.000 en Italie... 160.000 en Allemagne

"L'obsolescence du parc technologique des sites industriels français reste un frein majeur à la restauration de la compétitivité ", estime le GFI qui rappelle que la France ne possède que 35.000 robots, contre 60.000 en Italie et 160.000 en Allemagne, robots plus anciens de 7 à 10 ans en moyenne que les machines allemandes.

"Ce décrochage remonte à 2008 et le parc industriel accuse un retard d'investissement cumulé de 15 à 20 milliards d'euros ", poursuit la fédération, pointant du doigt les carences technologiques du secteur de la papeterie, du textile, de la plasturgie ou de la mécanique.

Le numérique, enfin une priorité ?

Même dans le secteur du numérique, qui est l'un des rares à embaucher - il a créé 12.000 emplois nets en 2014 -, la France ne parvient pas à faire aussi bien que le reste du monde.

Ainsi, selon la fédération Syntec Numérique, l'activité du secteur progresserait de 2,1%, loin des 4,8% de croissance affichée au niveau mondial.

" Le lancement du programme Noé indique que Bercy a enfin pris conscience de l'absolue nécessité de placer le développement du numérique au rang des priorités ", se réjouit Guy Mamou-Mani, le président de la fédération, toujours très déçu et étonné que le projet de loi Santé porté par Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, ait réussi la performance de ne pas faire mention, même une seule fois, au numérique pour faire 10 milliards d'économies et développer l'hospitalisation à domicile et la chirurgie ambulatoire.

Le nombre de demandeurs d'emplois a bondi en octobre

Quant au commerce extérieur, il continue à afficher des comptes dans le rouge, en dépit des gains de compétitivité prix que procurent la chute des matières premières, dont le pétrole, et le recul de l'euro face au dollar. Entre le deuxième et le troisième trimestre, les exportations ont reculé de 1,8% indiquent les Douanes.

Au regard de ces données, l'augmentation du nombre de demandeurs d'emplois en octobre n'étonne pas vraiment, même si son ampleur a, il est vrai surpris. Le nombre de demandeurs d'emplois classés dans la catégorie "A" a en effet bondi de 1,2%.

A ces éléments conjoncturels s'ajoutent les inquiétudes liées aux menaces terroristes, inquiétudes que les propos terriblement anxiogènes de l'exécutif, et en particulier de Manuel Valls, le Premier ministre, renforcent. Stable en novembre, alors que 7% seulement des personnes composant l'échantillon avaient été interrogés après les attentats, le niveau de l'indicateur mesurant la confiance des ménages reste inférieur à sa moyenne de longue période.

La confiance est en berne

L'enthousiasme des chefs d'entreprises n'est guère plus probant. En effet, interrogés dans le cadre de " La grande consultation " par Opinion Way pour CCI France/La Tribune/ Europe 1, seuls 28% des 801 dirigeants d'entreprises interrogés - un quart d'entre eux l'ont été après les attentats - se déclarent optimistes, contre 45% lors de la précédente consultation, en septembre.

" Le risque existe que cette morosité pèse sur une reprise qui était en train de s'amorcer ", expliquait la semaine dernière l'économiste Jean-Paul Betbèze, lors de la présentation de la sixième édition du baromètre Deloitte des directeurs financiers, dont les résultats n'incitent guère plus à l'optimisme. En effet, 64% des CFO français demeurent prudents vis à vis de la conjoncture économique pour la France.*

Dans ce contexte, la fragilité de la reprise semble évidente. Si l'objectif gouvernemental devrait être atteint cette année - une hausse de 1,1% du PIB est attendue - celui fixé en 2016 est menacé.

L'année prochaine, Bercy vise une croissance de 1,5% de l'activité.

Il ne faudrait pas que les cours du brut continuent de remonter. En octobre 2015, le prix du pétrole en euros a progressé de 1,7%. Or, avec la dépréciation de l'euro face au dollar, le repli du brut est le facteur exogène qui a permis d'enclencher la reprise économique. Entre octobre 2014 et octobre 2015, le baril de Brent, ce prix a chuté de 37,8 % pour atteindre 42,8 euros.