Le pire déficit commercial depuis 2011

Par Grégoire Normand  |   |  886  mots
En janvier 2017, le déficit commercial avait plongé à 7,9 milliards d'euros, du jamais vu pour le pays, en raison de faibles ventes d'Airbus. (Crédits : REUTERS/Philippe Wojazer)
Le déficit commercial s'est encore creusé de 29% entre 2016 et 2017 pour la France. Cette mauvaise performance vient confirmer la baisse du poids de l'hexagone dans le commerce mondial depuis plusieurs années.

Le commerce extérieur reste un point noir de l'économie française. Selon les dernières données diffusées par le service des douanes ce mercredi 7 février, le déficit commercial français s'est nettement creusé en 2017, pour atteindre 62,3 milliards d'euros, contre 48,3 milliards d'euros un an auparavant. C'est la plus forte dégradation depuis 2011. La France n'a pas connu d'excédent commercial depuis 2003.

Hausse de la facture énergétique

La principale raison évoquée dans le communiqué est que ce creusement repose en grande partie sur l'augmentation de la facture énergétique, en lien avec la remontée des cours du pétrole. Le solde énergétique est passé de -31,5 milliards en 2016 à -39,0 milliards en 2017. Outre la hausse de la facture énergétique, le déficit des produits manufacturés a atteint un nouveau record à 40,6 milliards en 2017 contre 35,3 milliards d'euros en 2016.

"Cette dégradation s'explique notamment par une nette reprise des achats de biens intermédiaires, en lien avec l'accélération de l'activité économique. Le déficit manufacturier se creuse nettement plus en France que dans les pays voisins."

Avec la confirmation de la reprise en 2017, les chefs d'entreprise français ont d'avantage acheté de fournitures à l'étranger pour assurer leur production.

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Dynamisme des échanges commerciaux

L'année 2017 a été marquée par un dynamisme des échanges commerciaux. "À l'instar du commerce mondial qui s'accroît de l'ordre de 10 % en valeur en 2017 après un recul de 4 % en 2016, les échanges de la France repartent également à la hausse." Du côté des exportations, l'administration a enregistré une hausse l'année dernière (+4,5%) après un léger recul en 2016 (-0,6%). Exceptées les livraisons des produits aéronautiques qui ont fléchi "du fait des difficultés dans le domaine de la fabrication coordonnée", les exportations des autres produits ont plutôt bien progressé. "Les plus dynamiques sont celles des biens intermédiaires, des véhicules et des produits agroalimentaires."

Du côté des importations, la dynamique a été "vigoureuse" en 2017 (+6,8%, après +0,1% en 2016). Les approvisionnements en hydrocarbures naturels et pétrole raffiné ont rebondi "du fait essentiellement de la hausse des prix, les quantités progressant faiblement". Avec l'accélération de la production industrielle, les importations de biens manufacturés ont augmenté.

Vifs échanges avec l'Union européenne

Les pays de l'Union européenne restent des partenaires commerciaux privilégiés pour la France. Les ventes vers l'UE ont progressé de 3,4% en 2017 contre 0,3% en 2016. Les ventes s'effectuent principalement avec les pays limitrophes tels que l'Italie, l'Espagne ou la Belgique, qui figurent parmi les principaux clients de la France. Cette dynamique est particulièrement portée par les ventes de véhicules. Les exportations de produits chimiques et métallurgiques soutenues par la hausse des prix, se redressent nettement vers l'Europe "qui est de loin le premier débouché". En revanche, les échanges avec l'Allemagne sont clairement en défaveur de la France.

"Tandis que les exportations progressent vers la plupart des pays européens, elles se replient nettement avec l'Allemagne, du fait de l'effondrement des livraisons d'avions en cours de finalisation dans le cadre de la fabrication coordonnée. Hors aéronautique, les ventes augmentent également vers l'Allemagne (automobile, chimie et métallurgie), dans le sillage des autres pays de l'UE."

Les entreprises françaises ont retrouvé des débouchés en Asie. D'après les données des douanes, les exportations vers l'Asie ont rebondi de 14,1% en 2017 contre -1,3% en 2016. Ce rebond s'explique par un dynamisme des livraisons aéronautiques, surtout en Chine, en Inde et en Corée du Sud.

Montée des économies émergentes

La baisse de la part de la France dans le commerce mondial est régulièrement évoquée par les économistes. Pour les experts de l'Insee, "la première cause du recul des positions françaises est la part croissante des économies émergentes, notamment de la Chine, dans les exportations mondiales. L'essor des économies émergentes dans le commerce mondial a affecté tous les pays avancés, mais la France a perdu plus de parts de marché que ses principaux partenaires de la zone euro."

De son côté, l'institut COE-rexecode rappelait dans une étude récente que la compétitivité hors-prix est également un autre facteur à prendre en compte pour comprendre la perte de vitesse de la France dans les échanges mondiaux. D'après une enquête menée par l'organisme sur la perception de 500 importateurs européens sur des produits français, il apparaît que "la qualité des biens d'équipement et des biens intermédiaires français est jugée moyenne, voire médiocre, par rapport au prix de vente."

Enfin, même si les chefs d'entreprise dans l'industrie ont retrouvé des couleurs, le secteur industriel reste particulièrement morose au regard de son poids décroissant dans l'économie française.

Le gouvernement doit annoncer le 23 février son plan pour dynamiser le commerce extérieur tricolore. Parmi les mesures envisagées, le regroupement des acteurs de l'exportation, l'agence publique Business France et les Chambres de commerce et d'industrie, au sein de guichets uniques placés sous l'autorité des régions en France.

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