Le Medef relance le débat sur le coût du travail

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  756  mots
Depuis 2013, l'écart de coût du travail entre la France et l'Allemagne s'est fortement réduit
Pierre Gattaz demande de nouvelles mesures pour alléger le coût du travail pour relancer l'emploi. Or, depuis 2013, le gouvernement a engagé un effort sans précédent de baisse des cotisations patronales, ramenant le taux effectif des cotisations de plus de 45% à 9% pour un salarié rémunéré au Smic.

Le président du Medef a de la suite dans les idées. Il continue de demander de nouveaux allègements de cotisations patronales, une réforme du contrat de travail et une simplification du Code du travail. Pierre Gattaz ne lâche rien fustigeant "toutes les cotisations qu'on a sur la tête et qui sont liées à l'accumulation depuis des décennies d'un modèle social très lourd à porter". Se focalisant sur la compétitivité prix et oubliant totalement la compétitivité hors prix, il alerte : "Dans un environnement mondialisé, européanisé, vous comprenez bien que si ce coût du travail reste cher, nous irons malheureusement embaucher ailleurs dans des pays moins chers, c'est aussi simple que ça. »

Pour le président du Medef, ce coût du travail constitue avec la rigidité du CDI et la complexité du droit du travail l'un des principaux freins à l'embauche. Alors, certes, Pierre Gattaz est dans son rôle. Certes également, le coût du travail français reste largement supérieur à ceux que l'on retrouve dans les économies des pays émergents... Pour autant, en tenant de tels propos, Il encourage à ce que se perpétue partout en Europe cette course sans fin à la désinflation compétitive qui finit par fragiliser partout les systèmes de protection sociale. Surtout, le président du Medef pourrait aussi évoquer la compétitivité hors prix avec la nécessaire montée en gamme des produits français

Un effort d'allègement sans équivalent

En outre, Pierre Gattaz « oublie » de souligner à quel point le gouvernement a pris le taureau par la corne en matière de coût du travail à travers sa politique de l'offre.
Ainsi, si l'on se réfère au rapport sur les comptes de la Sécurité sociale, il apparaît que jamais avant 2013, il n'avait été entrepris un mouvement de cette envergure pour alléger le coût du travail.

Hors mesures d'allègement, le total des prélèvements sociaux à la charge des entreprises s'élèverait en 2015 à près de 47% des rémunérations brutes dans les entreprises de plus de 20 salariés, soit 30,7% au titre des cotisations de sécurité sociale et 16,3% sur le champ « hors sécu ». Mais avec la mise en place du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) à compter de 2013, puis les mesures d'allègements de cotisations intégrées dans le Pacte de responsabilité, ce taux est en vérité nettement moindre.

Des cotisations patronales ramenées de 45,64% à... 9,49%

Ainsi, le taux maximal d'exonération accordée au titre des nouveaux allègements dégressifs de cotisation sur les rémunérations versées en 2015 sera de 28,35 points dans les entreprises de plus de 20 salariés et de 27,95 points dans celles de moins de 20 salariés. Et ce, au niveau du Smic. Si on ajoute les six points de CICE, la réduction totale du coût du travail, en 2015, atteint 35,75 points dans les entreprises de plus de 20 salariés et 36,15 points dans les plus petites. Très concrètement, en prenant l'exemple d'un salarié rémunéré au Smic dans une entreprise de plus de 20 salariés : le taux de cotisation patronale serait, en l'absence des divers dispositifs d'allègement du coût du travail, de 45,64%. En additionnant toutes les mesures d'allègement existantes, le taux net effectif de cotisations patronales atteint en réalité maintenant ... 9,49%. Un effort jamais vu qui va d'ailleurs coûter 5,4 milliards d'euros pour la seule année 2015.

Alors certes, ces allégements sont essentiellement concentrés sur les « basses » rémunérations puisqu'elles sont dégressives de 1 jusqu'à 1,6 Smic. Seul le CICE concerne les rémunérations jusqu'à 2,5 Smic. Or, Pierre Gattaz souhaiterait « un allègement de charges rapide sur la totalité du spectre des salaires ». Il a déjà été entendu... Puisqu'à compter du 1er janvier 2016, l'abaissement des cotisations familiales de 5,25% à 3,45%, déjà en vigueur pour les salaires jusqu'à 1,6 Smic, sera étendu aux rémunérations allant jusqu'à 3,5 Smic.

Un coût moins élevé que  l'Allemagne dans l'industrie manufacturière

Résultat de l'ensemble de ces mesures, selon les dernières statistiques d'Eurostat, dans l'industrie manufacturière, au premier trimestre 2015, le coût du travail en France ressort à 37,4 euros, en hausse de 2,1% sur un an. L'Allemagne, à 38,9 euros, augmente de 3,1%. On trouve là les effets des nouvelles mesures du pacte de responsabilité entrées en vigueur le 1er janvier 2015. Et pourtant, les exportations françaises restent bien moins dynamiques que les exportations allemandes... Question de compétitivité hors prix.