Affaire Ferrand : le parquet de Brest ouvre une enquête préliminaire

Par latribune.fr  |   |  727  mots
"Cette enquête aura pour but de recueillir tout élément permettant une analyse complète des faits et de rechercher si ceux-ci sont susceptibles ou non de constituer une infraction pénale", précise le procureur de la République, Eric Mathais, dans un communiqué.
Face aux nouvelles révélations parues dans la presse cette semaine, le parquet de Brest a finalement décidé de s'intéresser aux accusations portées sur Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, sur ses activités passées à la tête des Mutuelles de Bretagne. Cette décision intervient le jour où le ministre de la Justice, François Bayrou, doit dévoiler son projet de loi de moralisation de la vie politique.

Le parquet de Brest a ouvert jeudi une enquête préliminaire sur les activités passées du ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, un revirement qui accentue la pression sur ce proche d'Emmanuel Macron.

L'enquête est confiée à la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes, précise le procureur de la République, Eric Mathais, dans un communiqué.

"Cette enquête aura pour but de recueillir tout élément permettant une analyse complète des faits et de rechercher si ceux-ci sont susceptibles ou non de constituer une infraction pénale en matière d'atteintes aux biens, de manquements au devoir de probité et aux règles spécifiques du code de la mutualité", détaille-t-il.

Cette décision fait suite à de nouvelles révélations dans la presse, cette semaine, sur les activités passées de Richard Ferrand, notamment lorsqu'il était directeur général des Mutuelles de Bretagne.

Des "éléments complémentaires"

Le 26 mai, à la suite de premières informations relayées par le Canard enchaîné, Eric Mathais avait fait savoir qu'il ne comptait pas ouvrir d'enquête préliminaire, aucun des faits relatés n'étant à ses yeux "susceptible de relever d'une ou plusieurs qualifications pénales". Ce jeudi, le magistrat fait d'état d'"éléments complémentaires susceptibles de mettre en cause Monsieur Ferrand".

Le ministre de la Cohésion des territoires est accusé d'avoir permis à la société civile immobilière (SCI) de sa compagne, Sandrine Doucen, d'emporter un marché immobilier en 2011 lors de la location d'un local commercial par les Mutuelles de Bretagne, dont il était alors le directeur général. Or cette SCI n'existait pas encore légalement et n'était pas encore propriétaire des surfaces proposées. Richard Ferrand, député socialiste du Finistère depuis 2012 et premier parlementaire à avoir rallié En Marche! en 2016, a dirigé les Mutuelles de Bretagne de 1998 à 2012.

L'association Anticor a déposé plainte pour abus de confiance

Le Monde décrit cette semaine un "système Ferrand", "mélange des genres entre intérêts publics et privés" sur 20 ans. Un article réfuté point par point par l'intéressé, qui a accusé mardi le quotidien de recourir à des "amalgames" et des "sous-entendus sans jamais rien démontrer".

Anticor, association de lutte contre la corruption et pour l'éthique en politique, avait annoncé jeudi, avant le communiqué du parquet de Brest, avoir déposé une plainte contre X pour abus de confiance auprès du procureur. Elle estimait dans un communiqué qu'une enquête était nécessaire "pour déterminer si la convention passée avec la société civile immobilière (SCI) dénommée Saca était dans l'intérêt des Mutuelles de Bretagne ou dans l'intérêt de la compagne de M. Ferrand." La plainte a été adressée le 30 mai.

"La plainte d'Anticor a peut-être été la goutte d'eau qui a amené le procureur à changer d'avis", a déclaré le président d'Anticor, Jean-Christophe Picard, à Reuters. "Nous souhaitons que M. Ferrand démissionne: quand bien même sa responsabilité pénale ne serait pas engagée à l'issue de l'enquête, il n'en demeure pas moins que sa responsabilité politique l'est", a-t-il ajouté.

L'exécutif avait apporté son soutien au ministre ces derniers jours

Emmanuel Macron a affiché mercredi son soutien à Richard Ferrand, lors d'un bain de foule et un dîner "républicain" à Vannes (Morbihan), alors que les appels à la démission se multiplient également dans la classe politique à l'encontre du ministre, dont le cas commence à empoisonner la campagne de La République en Marche pour les législatives des 11 et 18 juin.

Le chef de l'Etat avait considéré mercredi, lors du conseil des ministres, que seule la justice, et non la presse, était "habilitée à décider ce qui relève d'une affaire, donc d'une instruction, d'une enquête". Jeudi, avant de poursuivre son déplacement en Bretagne, Emmanuel Macron s'est refusé à tout commentaire alors que les journalistes le pressaient de questions.

Le Premier ministre Edouard Philippe a rappelé mardi sur France 2 que la ligne rouge, pour l'exécutif, était la mise en examen d'un ministre. Le ministre de la Justice, François Bayrou, doit présenter jeudi après-midi son projet de loi de moralisation de la vie politique.

(avec Reuters)