Législatives : une nouvelle haie à franchir pour Macron

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1050  mots
Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron n'aura pas les mains libres et devra s’appuyer sur des majorités de circonstances. Il s'emploie donc à affaiblir ses adversaires politiques...
A la différence de 2007 et 2012, le nouveau président ne semble pas assuré de disposer d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron cherche donc à diviser ses adversaires... surtout à droite.

Cette séquence électorale du printemps 2017 ne ressemble décidément à aucune autre. On l'a vu pour la présidentielle avec la victoire inédite d'Emmanuel Macron, on devrait encore le constater lors des prochaines élections législatives des 11 et 18 juin. L'enjeu est fondamental pour le nouveau locataire de l'Elysée : s'il veut avoir les mains libres et appliquer son programme sans devoir sans arrêt trouver des majorités de circonstances, il doit absolument obtenir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire parvenir à ranger sous la bannière « La République en Marche » au moins 289 des 577 députés.

Et ce n'est pas gagné Le nouveau président va devoir faire face aux appétits de revanche, des trois autres blocs qui animent maintenant la vie politique française : les « Insoumis » de Jean-Luc Mélenchon, la droite et une partie du centre et, enfin, le Front National de Marine Le Pen... Quant aux socialistes, en pleine crise, ils tenteront surtout d'éviter la même grande déroute qu'en 1993, quand ils se retrouvèrent avec 57 députés...

Vers de nombreuses triangulaires et quadrangulaires?

Le combat s'annonce donc rude pour Emmanuel Macron. A la différence des élections législatives de 2007 et 2012 qui avaient confirmé les victoires de la présidentielle - respectivement de Nicolas Sarkozy et de François Hollande -, le cas de figure semble différent cette année. D'après un sondage Ipsos Sopra-Steria, 61% des Français ne souhaitent pas qu'Emmanuel Macron dispose d'une majorité absolue.

Les 577 candidats de « La République en Marche » seront connus le 11 mai. Durant la campagne, Emmanuel Macron s'était engagé à ce qu'au moins 50% d'entre eux soient de nouvelles têtes issues de la société civile. L'intention est certes louable, mais que vaudront ces impétrants dans une campagne de terrain face à de vieux routiers de la politique qui connaissent par cœur leur circonscription, surtout en cas de triangulaires, voire de quadrangulaires ? Car, les règles des législatives différent de celles de la présidentielle : tous les candidats qui ont obtenu 12,5% des inscrits au premier tour sont en droit de se maintenir. Or, avec l'éclatement du paysage politique, ce potentiel cas de figure pourrait ne pas constituer une exception.

Conscient de ce danger, les dirigeants du mouvement macroniste s'emploient à faire davantage encore imploser les camps d'en face. D'abord, il ont quelque peu adouci les règles afin d'attirer chez eux des députés sortants confirmés. Ils ne demandent plus à ces élus de quitter leur précédents partis mais seulement qu'ils se présentent sous l'étiquette « La République en Marche ». Le cas le plus emblématique devrait être celui de l'ancien premier ministre Manuel Valls.

Un premier ministre "Les Républicains" pour affaiblir le parti?

Ensuite, l'autre astuce d'Emmanuel Macron serait de nommer immédiatement après son investiture un premier ministre issu des rangs de la droite et plus particulièrement parmi les anciens soutiens d'Alain Juppé, les plus « Macron-compatibles ». On songe, par exemple au député-maire du Havre, Edouard Philippe. Un scénario qui aurait peut-être le mérite de faire sauter les derniers verrous et d'attirer dans les rangs du président quelques élus « Les Républicains » - par exemple Benoît Apparu, de Chalon-en-Champagne, ou même Bruno Lemaire dans l'Eure - ... ce qui affaiblirait le parti de la droite qui rêve d'imposer une cohabitation dès le début de son quinquennat à Emmanuel Macron

Mélenchon se veut seul à gauche

Du côté de la « France Insoumise », Jean-Luc Mélenchon joue un jeu dangereux. Fort de son score élevé au premier tour de la présidentielle (19,6%), le leader de « la France Insoumise » se montre intraitable. Un peu comme s'il considérait que, à gauche, entre son mouvement et celui d'Emmanuel Macron, il n'y avait plus rien. Pour lui, PS et écologistes sont dans les choux et le PCF est marginal. C'est pour cette raison qu'il n'a concédé aux communistes qu'un petit accord électoral de désistement réciproque portant sur une petite vingtaine de circonscriptions. Jean-Luc Mélenchon souhaite que toute la gauche anti-Macron vienne à lui. Une stratégie qui peut se révéler hasardeuse... En 2007, après sa troisième place à l'élection présidentielle, François Bayrou avait voulu jouer la carte de « l'autonomie » aux législatives. Résultat, le MoDem n'a eu que... deux députés.

Un PS totalement désorienté

Chez les socialistes, le rêve est d'effacer le score calamiteux (6,4%) de Benoit Hamon à la présidentielle et d'avoir un groupe parlementaire assez fort - il faut 15 députés pour constituer un groupe - afin de freiner éventuellement Emmanuel Macron dans ses réformes les moins sociales. Certes, mais encore faudrait-il que les socialistes adoptent stratégie commune. Or, les amis de Benoît Hamon veulent camper sur une opposition claire au président. Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du PS - soutenu par les hollandistes -, défend, lui la ligne de « l'autonomie » qui consiste à ne pas s'opposer systématiquement aux réformes du nouveau président, sans lui donner de chèque en blanc. Enfin il y a les sociaux-libéraux assumés, comme Jean-Marie Le Guen ou Manuel Valls - qui veulent intégrer la majorité présidentielle. On assiste vraiment à l'agonie du PS version Epinay.

Le Front National espère un groupe

Enfin, reste le Front National. Le parti de Marine Le Pen a actuellement deux représentants à l'Assemblée nationale, il peut potentiellement largement augmenter ce capital. De fait, Marine Le Pen est arrivée en tête de la présidentielle dans 45 circonscriptions et a dépassé les 45% dans 66 autres. Le Front National  s'il reste uni, peut donc tout à fait escompter avoir un groupe parlementaire, surtout si les triangulaires se multiplient, faute de « Front républicain » au second tour. Or, on voit mal un candidat de « la France Insoumise » se désister au profit d'un candidat « Les Républicains » ou macroniste... et vice et versa.

On le voit, à l'instar de l'élection présidentielle, ces législatives s'annoncent extrêmement ouvertes. Bien malin celui que sera capable de prédire si Emmanuel Macron va parvenir à réitérer son incroyable hold-up réalisé lors de la présidentielle.