Les collectivités locales auront-elles les moyens d'entretenir leur patrimoine ?

Par Mathias Thépot  |   |  585  mots
Pour s'adapter aux nouveaux besoins de la population, les collectivités devront investir.
Les restrictions budgétaires imposées aux collectivités locales risquent de les empêcher de maintenir en l'état leur patrimoine.

Depuis la fin des années 1970, les collectivités locales se sont vues transférer la responsabilité et la propriété d'un patrimoine conséquent, évalué aujourd'hui à 1361 milliards d'euros, d'après une note de conjoncture de la Banque Postale. Celui-ci a triplé en 30 ans sous l'effet du transfert des biens d'Etat (collèges, lycée, etc.), d'investissements des collectivités liés aux nouveaux besoins des populations (crèches, maisons médicalisées, transports, secteur périscolaire etc...), et aussi et surtout, de la flambée des prix du foncier.

Des ressources foncières conséquentes

Principalement du fait de leur qualité de grands propriétaires fonciers, les collectivités locales perçoivent chaque année des revenus importants. « En 2013, les revenus de la location des immeubles, les redevances pour l'utilisation du domaine public, celles versées par les fermiers et concessionnaires et le produit des ventes de produits forestiers ont représenté environ 3,7 milliards qui ont alimenté les comptes des collectivités locales, dont 3,5 milliards (94,6 %) pour le bloc communal (4 % du total de ses recettes de fonctionnement) », explique La Banque Postale.

Et si le patrimoine n'est plus entretenu ?

La manne financière générée par ce patrimoine est donc conséquente et leur permet de dégager des marges de manœuvre pour assurer leur mission de service public. Dont acte. « Mais qu'adviendrait-il si, par rigueur budgétaire, ce patrimoine n'était plus, ou pas assez, entretenu ? », s'inquiètent les analystes de la Banque Postale. Car l'Etat réduit ses dotations aux collectivités locales (12,5 milliards d'euros de moins entre 2014 et 2017), et celles-ci, ne pouvant pas répercuter immédiatement ces baisses sur leurs dépenses de fonctionnement, coupent à court terme dans leur dépenses d'investissements.

Résultat en 2015, « leur montant repasserait, pour la première fois depuis 2006, sous la barre des 50 milliards d'euros (48,9 milliards d'euros) », prédit La Banque Postale. Une vraie problématique quand on sait que l'investissement public local représente 70 % de l'investissement public civil et soutient fortement l'emploi du privé, notamment dans le secteur du BTP.

Des enjeux multiples

Cette réaction des collectivités locales de réduire l'investissement face aux restrictions budgétaires pose donc la question de leur capacité à maintenir en l'état leurs infrastructures, ainsi que des conséquences à terme d'un entretien a minima. « D'autant plus que les enjeux ne se limitent pas aux effets d'usure des équipements, ils concernent également la capacité des acteurs à anticiper les nouvelles exigences » comme les déplacements de la population, l'accessibilité des bâtiments ou la transition énergétique, s'inquiètent les auteurs de la note de la Banque Postale.

Multiplier les cessions ?

Pour dégager des moyens, une solution à court terme pourrait être de céder une partie de ce patrimoine. En 2013, le montant des cessions des collectivités s'élevait déjà de 2,6 milliards d'euros, dont 92,7 % pour le seul bloc communal. « Ces cessions permettent à la fois de réduire les dépenses de fonctionnement liées aux bâtiments et d'amener des recettes pour financer les nouveaux investissements nécessaires », explique la Banque Postale.

Si ces cessions se font dans un souci de gestion optimisée du patrimoine, par exemple vacant, des collectivités locales, il n'y aura rien à y redire. En revanche, si la cession de ce patrimoine entraîne une réduction et/ou une dégradation des missions d'intérêt général initialement allouées au secteur public local, la question de l'efficience des restrictions budgétaires de l'Etat se posera à nouveau.