Les faillites d’entreprises s’envolent de 35% au deuxième trimestre

Par latribune.fr  |   |  964  mots
Contrairement à d'autres secteurs, le bâtiment maintient un nombre de faillites de ses entreprises sous son niveau d'avant covid. (Crédits : STEPHANE MAHE)
13.266 entreprises ont ouvert une procédure de liquidation entre avril et juin 2023, soit un niveau supérieur à celui du deuxième trimestre 2019 et d’autres années pré-crises du Covid-19, selon une étude du cabinet Altares. Cette envolée des faillites laisse craindre une remontée du chômage dans l’Hexagone.

On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, et pas de lutte contre l'inflation sans dégradation du tissu économique. Face à la hausse des taux d'intérêt des crédits et de la baisse de la croissance, en partie provoquée par la très rapide remontée des taux directeurs de la banque centrale européenne, les défaillances d'entreprises en France ont augmenté de 35% sur un an au deuxième trimestre, selon une étude publiée mardi par le cabinet spécialisé Altares. Au total, 13.266 procédures de liquidation, de redressements judiciaires et de procédures de sauvegarde ont été ouvertes devant les tribunaux de commerce du 1er avril au 30 juin. Ce niveau dépasse désormais très nettement celui d'avant la crise sanitaire: durant la même période de 2019, il y avait eu 12.347 défaillances et 12.925 en 2017.

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Sur un an, alors que la Banque de France n'avait recensé que 33.750 faillites entre juillet 2021 et juin 2022, l'institution en compte 48.673 entre juillet 2022 et juin 2023 et constate que « le nombre de défaillances poursuit le rattrapage amorcé à l'automne 2021 ». Une situation inquiétante mais qui doit être relativisée au regard des 59.342 faillites par an, comptabilisées en moyenne pré-pandémique.

La menace d'un retour du chômage

Dans le détail, « si le bâtiment se maintient encore sous les seuils d'avant Covid, d'autres activités sont à l'inverse très durement impactées, en particulier celles en lien direct avec les consommateurs (habillement, soins, coiffure, etc.) », insiste le cabinet. « Plus de neuf procédures sur dix concernent des TPE (très petites entreprises de moins de 10 salariés), dont les trois quarts sont immédiatement liquidées », observe le directeur des études d'Altares, Thierry Millon, cité par le communiqué. Il ajoute que plus de 1.100 PME et ETI ont aussi fait défaut, en hausse de 55% sur un an. Les jeunes entreprises qui ont moins de trois ans d'âge résistent en revanche mieux avec 1.657 entreprises en défaut, « très en dessous des 2.000 procédures ouvertes au cours du deuxième trimestre 2019 », avant la crise du Covid-19.

Première conséquence de l'augmentation des faillites, le nombre d'emplois menacés par ces défaillances bondit pour sa part de 82,3% à 55.700 au deuxième trimestre 2023, bien au-dessus de la moyenne décennale de 42.609 emplois menacés par trimestre. Altares précise dans un communiqué que le seuil des 55.000 emplois menacés « n'avait plus été approché depuis le deuxième trimestre 2014 ».

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Et la dégradation du marché du travail commence déjà à se voir dans certains secteurs. Ainsi, les entrées en emplois francs, visant à favoriser l'embauche de chômeurs des quartiers prioritaires de la ville (QPV), ont « légèrement » ralenti l'an dernier, pour la première fois depuis sa mise en place en 2018, selon le service des statistiques du ministère du Travail. En effet, 26.400 demandes d'emplois francs ont été acceptées en 2022 contre quelque 27.300 l'année précédente).

Ces nouvelles données n'ont pas empêcher le Sénat d'adopter, dans la nuit, le projet de loi « plein-emploi » écrit par l'exécutif pour atteindre un taux de chômage autour de 5% en 2027 (contre 7,1% actuellement), avec en toile de fond l'idée que « personne n'est inemployable ». Concrètement, il prévoit que seront automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi, outre les personnes en recherche d'emploi, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que leur conjoint, et les jeunes suivis par les missions locales. Aujourd'hui, seuls 40% des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) sont inscrits à Pôle emploi. Il généralise pour toutes ces personnes un « contrat d'engagement », durci par les sénateurs : ils ont prévu que ce contrat fixe une durée hebdomadaire d'au moins 15 heures d'activité (immersions, remises à niveau, rédaction de CV...), alors que le gouvernement souhaite conserver une certaine souplesse pour prendre en compte les situations particulières.

Une situation à relativiser

Si la l'évolution inquiète, nombre d'acteurs tentent de la relativiser.

« Je ne m'attends pas à une vague de défaillances d'entreprises », avait annoncé Daniel Baal, le directeur général de Crédit Mutuel Alliance Fédérale, dans une interview accordée à La Tribune. Si le patron reconnaît que « davantage d'entreprises rencontrent des tensions de trésorerie qu'il y a un an encore », avec une inquiétude notamment pour le secteur l'immobilier qui « souffre particulièrement », il affirme que « depuis ces dix dernières années, les entreprises ont renforcé leur résilience, ce qui est un atout pour affronter la nouvelle période difficile dans laquelle nous sommes aujourd'hui ».

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D'une manière générale, les défaillances d'entreprises avaient fortement reculé durant la crise sanitaire en raison des aides aux entreprises mises en place par le gouvernement. Elles ont connu par la suite un mouvement de rattrapage qui ne s'est pas encore achevé, selon les dernières statistiques de la Banque de France, mais cette dernière prend en compte les micro-entreprises (auto-entrepreneurs) qu'Altares exclut du champ de son enquête.

Signe positif, le mouvement de remontée des défaillances pourrait s'arrêter durant la deuxième moitié de l'année alors que le mois de juin « nous donne un signal plus encourageant, en dépit du défaut de grands acteurs », estime Thierry Millon. « Après 28.500 défaillances à la mi-année, le second semestre pourrait alors compter environ 26.000 défaillances », se risque-t-il à prédire.

(Avec AFP)