
Réforme des retraites, inflation... Quel est le moral des Français après des mois difficiles et l'accumulation de crises sociales ? Ils sont pour le moins partagés, si l'on en croit le baromètre La Tribune et CCI France, réalisé par Elabe avant les violences urbaines. En effet, 67% des Français disent aller bien (dont 10% très bien), et ce, alors que 78% des sondés, 8 sur dix, affirment que la France ne va pas bien, dont 25% pas bien du tout.
« On a le sentiment que le pays est atteint par le déclin, a décrypté Bernard Sananès, président de l'institut, au micro de La Tribune, ce vendredi. Ce sentiment est alimenté par la comparaison avec les autres pays. Un Français sur deux considère que la situation économique en Allemagne est plus favorable. »
« Former plus, et former mieux »
Ce pessimisme est également accru par une faible confiance dans la capacité de la France à faire face aux enjeux à venir. Et pour cause, les défis sont multiples : dette exponentielle, réindustrialisation de la France, transition écologique, etc. Pour les entreprises, le challenge majeur à relever est celui de l'embauche. De nombreux secteurs, comme l'hôtellerie-restauration et les transports, rencontrent des difficultés de recrutement.
« 80% des entreprises que nous avons interrogées disent rencontrer des difficultés de recrutement et 56% des difficultés de fidélisation », a illustré Alain di Crescenzo, au micro de La Tribune. Pour le président de CCI France, la solution est désormais de « former plus, et former mieux », en réorientant les salariés vers les métiers et les territoires qui embauchent, pour permettre un « matching entre l'offre et la demande ».
Renforcer l'accès à l'emploi des plus éloignés du marché
« Outre la formation, il y a un enjeu, qu'est celui du vivier des sans emplois : c'est l'enjeu de la France aujourd'hui », a-t-il estimé. En 2021, en France (hors Mayotte), 1,4 million de jeunes de 15 à 29 ans vivant en logement ordinaire ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, selon les chiffres de l'Insee publiés en début d'année. Un chiffre qui entre en résonance avec les violences urbaines qui ont agité les quartiers défavorisés, consécutivement à la mort de Nahel, 17 ans, tué lors d'un contrôle routier à Nanterre, le 27 juin dernier.
« Plusieurs observateurs ont noté le paradoxe apparent de ces violences déclenchées par un drame (...) : elles interviennent à un moment où la situation de l'emploi n'a jamais été aussi bonne depuis quinze ans, a complété Bernard Sananès d'Elabe.
En France, le taux d'activité s'est établi à 73%, soit un niveau inédit depuis 1975. Le taux de chômage rapporté à la population active est descendu à 7,3% à la fin de l'année. Mais ces chiffres, plutôt bons sur le papier, cachent de fortes disparités d'un territoire à l'autre. En Seine-Saint-Denis par exemple, le chômage des jeunes grimpe à 19,2% de la population active, selon de récentes données de l'Insee. Et dans certaines zones d'emploi et pour certaines catégories, « le chômage peut frôler les 30% ».
Fidéliser les salariés
« Il y a une inégalité, quand ça va mal dans le pays en termes d'emplois, ça va plutôt mal d'abord dans ces territoires, a reconnu le président d'Elabe. Et, pas seulement dans les banlieues, mais également dans les zones plus rurales. Et quand ça va mieux, ça va mieux dans un premier temps dans les tours de la Défense, plutôt que dans les tours du quartier Pablo-Picasso à Nanterre. La question de l'accès à l'emploi reste extrêmement importante. »
Outre la question de la formation, Bernard Sananès et Alain di Crescenzo s'accordent à dire que les entreprises ont, elles aussi, leur rôle à jouer pour attirer et fidéliser les salariés, via des efforts sur l'environnement de travail, la flexibilité du temps de travail, ou encore, le mentorat des plus jeunes par leurs aînés. « On veut garder nos seniors et embaucher nos jeunes », a insisté le président de CCI France, en référence à la réforme des retraites qui a repoussé l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
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