Les performances du CAC 40 sont-elles une bonne nouvelle pour l'emploi ?

Par Fabien Piliu  |   |  1254  mots
François Hollande peut-il inciter les entreprises du CAC 40 à recruter en France ?
La plupart des entreprises du CAC 40 annoncent des résultats en hausse au premier semestre. Et parfois même en très forte hausse. Ce n'est pas pour autant que l'emploi en profite.

Symboles de la toute-puissance française dans le monde, les entreprises du CAC 40 affichent pour la plupart d'entre elles des résultats en forte hausse au premier semestre. Pour certaines, l'augmentation du résultat net est même spectaculaire. C'est le cas de Sanofi qui a vu le sien bondir de 24,9%, de Renault (+86,4%) ou d'Orange (+89,2%).

La Bourse de Paris salue naturellement ces performances, signes parmi d'autres de la reprise en France qui se profile et dont savent profiter les entreprises du CAC.
L'emploi en profite-t-il ? Alors que le marché du travail reste très dégradé, que la France compte 3,5 millions de demandeurs d'emplois dans la catégorie A, les entreprises du CAC 40 ont-elles l'intention d'embaucher en France ?

Des entreprises internationalisées

Ce n'est pas vraiment le cas. Pour une raison simple. En raison de leur internationalisation, qui s'est accélérée à la fin des années 80, les entreprises du CAC 40 ne dépendent plus réellement du marché français. Si elles sont toutes devenues, ou presque, des numéros mondiaux et à défaut européens, c'est parce qu'elles ont su conquérir des marchés nouveaux aux quatre coins du monde.

Quelques exemples ? ST Microelectronics (électronique), Technip (ingénierie), (biens d'équipements), Pernod Ricard (vins et spiritueux) et Michelin (pneumatiques) réalisent désormais plus de 90% de leurs ventes à l'étranger.

Des destructions de postes à la pelle

La France n'étant plus leur marché principal, ces entreprises ont plutôt tendance à détruire des emplois dans l'Hexagone. En 2015, Total, dont le résultat net a augmenté de 7% au premier semestre, a prévu de supprimer 2.000 postes. En mai, Schneider Electric a annoncé qu'il délocalisait la production des transformateurs de grande série en Pologne jusqu'ici fabriqués dans trois petites usines françaises. Au total, ce sont près d'une centaine d'emplois qui disparaissent. A Limoges, dans une autre usine du groupe, c'est une trentaine d'emplois qui sont menacés.

Entre 2008 et 2013, Sanofi a supprimé 4000 emplois. En 2013, ce sont 700 postes qui ont été détruits dans l'usine Michelin de Joué-les-Tours. Cette année-là, ce sont autant d'emplois qui ont été supprimés chez Alcatel-Lucent. En 2013, toujours, Danone a supprimé 230 postes de cadres. Chez Lafarge, ce sont 200 emplois qui devraient être détruits cette année

Certes, des vagues d'embauche peuvent encore avoir lieu. Renault prévoit de recruter 2.000 personnes. Ces recrutement seront également répartis entre le siège et dans la force de vente. Mais quand Renault annonce la création de 2.000 emplois en France, après avoir réduit ses effectifs en France pendant des années, le constructeur automobile embauche 7.000 personnes dans son usine marocaine de Tanger. L'entreprise employait 76.000 personnes en France en 2005 contre 48.500 aujourd'hui...

Les effectifs de l'Oréal gonflent régulièrement. Ils ont augmenté de 11,6% à travers le monde entre 2012 et 2014. Mais il faut avoir à l'esprit que 40,8% des 78.611 personnes intégrées au groupe travaillent dans les nouveaux marchés, c'est-à-dire les émergents comme la Russie..., contre 39,5% en Europe de l'Ouest et 19,6% en Amérique du Nord. Les salariés français ne représentent que 20% des effectifs totaux.

Ce phénomène est connu depuis longtemps. Les statistiques l'ont maintes fois démontré. Selon une étude du cabinet KPMG sur l'évolution des PME depuis dix ans, dévoilée à l'occasion de la dixième édition de Planète PME en 2012, les PME ont créé 2,3 millions d'emplois au cours des vingt années précédentes sur les 2,8 millions d'emplois créés en France. Plus précisément, ce sont les sociétés employant entre 50 et 99 salariés qui ont le plus embauché ces dix dernières années, alors que celles employant entre 200 et 499 salariés ont vu leurs effectifs se réduire de 1,6 %. Ce ne sont donc pas les entreprises françaises les plus prestigieuses.

Le gouvernement a peu de marge de manoeuvre

Dans ce contexte, le gouvernement doit-il, peut-il prendre des mesures pour inciter les entreprises du CAC 40 à créer des emplois en France, à en recréer en rapatriant des activités délocalisées ? S'il prend des mesures coercitives, le gouvernement se mettra à dos les entreprises et leur représentant, le Medef. Alors que certains dossiers sont encore sur la table des négociations, on imagine mal le gouvernement se mettre à dos le MEDEF. Déjà peu ou pas soutenu par les organisations syndicales qui lui reprochent son virage à droite et certaines mesures prises en faveur des entreprises considérées comme des cadeaux au patronat, le gouvernement prendrait un risque énorme en forçant la main des entreprises du CAC 40 qui, pour certaines d'entre elles, ont parfois accepté de rapatrier une partie de leur production en France.

Menaces sur les sous-traitants

Par ailleurs, en pesant sur les performances de ces entreprises, ces mesures ne risquent-elles pas de fragiliser par ricochet les centaines de sous-traitants qui travaillent pour elles en France et à l'étranger. C'est toute la chaîne de production qui pourrait pâtir de telles décisions. Un exemple : dans le secteur automobile, en France, 231 entreprises - dont 133 étrangères - employant 76.386 personnes travaillaient en 2014 pour les constructeurs, essentiellement PSA et Renault, selon la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV). Enfin, un tel volontarisme - autoritarisme ? - ne serait assurément pas bien vu par les entreprises étrangères qui ont des velléités de s'installer en France pour y développer avec leurs activités. Or, on ne badine pas avec l'attractivité. C'est un sujet brulant pour l'Elysée. En installant le Conseil stratégique de l'attractivité, François Hollande, le président de la république a délivré un signal qu'il espère clair aux investisseurs étrangers : bienvenue en France !

Le CAC 40 est-il encore français ?

On le voit, le gouvernement n'a pas véritablement de marge de manœuvre, sauf dans les entreprises où il est actionnaire et au sein desquels il peut peut-être agir.

Pour les autres, plusieurs sont envisageables à défaut d'être réalistes. Il peut adopter un discours qui ferait vibrer la fibre patriotique des dirigeants du CAC 40 sans donner l'impression de leur forcer la main en les incitant à rapatrier leurs effectifs en France. Cette solution peut-elle marcher ? Il faut avoir en tête que le taux de détention par les non-résidents des actions françaises du CAC 40 atteignait 46,7% en 2013 à la fin de l'année 2013, contre 46,3% en 2012 selon une étude de la Banque de France. Le CAC n'est donc plus tout à fait bleu-blanc-rouge

La fiscalité peut-elle être une arme ? Le gouvernement doit-il cibler ses mesures fiscales en faveur des TPE et des PME qui créent l'essentiel de l'emploi en France. C'est la tentation de certains. Les députés Frondeurs plaident pour un recentrage du crédit d'impôt compétitivité et l'emploi (CICE) et du crédit impôt recherche (CIR) qui sont les deux plus grosses dépenses fiscales de l'Etat - respectivement 10 et 5,34 milliards d'euros cette année - vers les PME.

Des sièges sociaux à l'étranger

On peut comprendre les motivations des défenseurs de telles mesures. Mais ne risquent-elles pas d'accélérer davantage l'internationalisation des entreprises françaises, qui pourrait se traduire par le déménagement hors de France de leurs sièges sociaux, notamment parce que la fiscalité de certains pays est plus attractive ? En 2013, ArcelorMittal, Solvay et Gemalto avaient déjà installé leur siège social à l'étranger. Malgré leur bonne volonté, les pompiers deviendraient alors pyromanes.