Logement  : vers une nouvelle façon d'envisager la mixité sociale  ?

Par Mathias Thépot  |   |  847  mots
25 % des attributions de logements sociaux situés en dehors des quartiers prioritaires de la ville (QPV) iront à destination du quartile de demandeurs les plus pauvres.
La loi pour l'égalité et la citoyenneté projette de modifier la façon de faire de la mixité sociale par le logement. A l'avenir, l'accent sera mis sur l'attribution de logements pour les publics les plus pauvres dans des zones plus aisées.

Afin de donner des gages pour 2017 à un électorat socialiste globalement déçu par son quinquennat, le chef de l'Etat François Hollande prévoit, pour les derniers mois de son mandat, de faire passer des lois contenant des « marqueurs de gauche ». La loi égalité et citoyenneté est de celles-là. Elle a déjà été votée par l'Assemblée nationale début juillet et sera discutée au Sénat début octobre.

Son titre II est dans ce cadre particulièrement intéressant. Il contient un panel de mesures visant à limiter la ghettoïsation, et a pour ambition de renverser la façon de faire de la mixité sociale en France. Ce n'est pas une mince affaire au regard de la situation très compliquée héritée des politiques d'urbanisme menées dans les années 1960 et 1970. Une situation qui se matérialise aujourd'hui par des zones à forts pourcentages de logements très sociaux, éloignés des centres-villes et des banlieues résidentielles des classes moyennes et riches.

Echelle intercommunale

Pour lutter contre ce phénomène, beaucoup de choses ont été expérimentées, et peu ont réellement fonctionné. La loi pose, du reste, les bases au niveau national d'une conception jusqu'ici peu mise en oeuvre de la mixité sociale : déplacer les populations les plus pauvres vers des quartiers plus aisés, où l'entre-soi des classes moyennes et riches reste très vif. C'est en effet sur ce point que la loi « égalité et citoyenneté » tente de faire bouger les lignes. Une mesure approuvée par les députés instaure ainsi l'obligation de réserver 25 % des logements sociaux aux demandeurs les plus pauvres dans les quartiers non prioritaires, en moyenne plus aisés.

Les bailleurs sociaux devront donc consacrer, à l'échelle intercommunale, au moins 25 % des attributions de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la ville (QPV) au quartile de demandeurs les plus pauvres. Ce taux n'est aujourd'hui que de 12 % en Île-de-France et de 15 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. "Dans ces deux régions, les attributions de logements sociaux participent donc bien aux mécanismes de ségrégation sociale et spatiale. Très peu de ménages modestes accèdent à un logement social en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville", notait le député rapporteur de du projet de loi Philippe Bies (PS).

De nouvelles bases

Cette mesure seule ne pourra bien évidemment pas résoudre tous les problèmes. D'autant que les dispositifs essayés dans d'autres pays du monde visant à ramener des classes populaires dans des quartiers plus aisés n'ont pas eu toutes les vertus qu'on leur donnerait. Lorsqu'elles sont déplacées de la sorte, les populations adultes se retrouvent en effet confrontées à des phénomènes de déracinement, parfois aux conséquences délétères. En revanche, cela serait moins le cas pour les enfants, qui bénéficieraient par ailleurs de l'outil le plus vertueux en matière de mixité sociale : l'espace scolaire.

Et même si la seule politique du logement est loin d'être suffisante pour régler des problèmes aussi complexes que ceux de la mixité sociale, ce titre II de la loi a tout de même le mérite d'instaurer des bases sur le long terme pour une plus grande mixité. Elle prône aussi de penser les flux de population au niveau intercommunal, ce qui semble important pour éviter des situations de blocages. Il arrive en effet que des maires bloquent le démarrage de nouveaux programmes de logements et donc l'arrivée de nouvelles populations dans leur ville pour ne pas déplaire à leurs administrés.

Quid de l'empilement de la pauvreté ?

S'il a donc été décidé de favoriser l'implantation de ménages pauvres dans des quartiers plus aisés, rien n'a en revanche été décidé pour limiter directement l'empilement de la pauvreté sur la pauvreté. Pourtant des députés, pour certains élus de territoires à fort pourcentages de logements très sociaux, ont mis le sujet sur la table des négociations parlementaires.

Le député-maire de Sarcelles François Pupponi avait notamment ajouté en commission un amendement pour plafonner, au sein des quartiers prioritaires, la part des attributions réservées aux demandeurs aux ressources les plus faibles à 50 % du total. Mais il a été supprimé en séance à la demande de la ministre du Logement Emmanuelle Cosse, qui jugeait que « cette disposition aurait pour conséquence que, lorsque ce plafond est atteint, un ménage prioritaire pourrait se voir refuser l'attribution d'un logement justement parce qu'il est prioritaire. »

A la place, les députés ont adopté un amendement gouvernemental qui consiste à fixer, pour les quartiers prioritaires de la ville, des objectifs d'attribution en faveur des ménages qui n'appartiennent pas au 1er quartile. Cette mesure visera notamment les salariés et les jeunes actifs. Ces objectifs seront approuvés par le président de l'intercommunalité et le préfet et, en cas de désaccord, un taux de 50% s'imposera.

(Avec AFP)