Loi Pacte : Bercy veut que la French Tech reste française

Par latribune.fr  |   |  839  mots
Bercy a précisé dans un communiqué que "cette mesure renforce et élargit la procédure d’autorisation préalable d’investissements étrangers en France afin de mieux protéger les secteurs stratégiques." (Crédits : Benoit Tessier)
Dans le cadre de l'examen du projet de loi Pacte, l' Assemblée nationale a adopté, jeudi 4 octobre, des mesures visant à accentuer la protection des entreprises jugées stratégiques et le contrôle des investissements étrangers. Un décret, encore à l'étude au Conseil d'Etat, devrait également permettre de renforcer le contrôle des investisseurs étrangers dans l'intelligence artificielle, l'aérospatial ou les drones.

L' Assemblée nationale a voté, jeudi 4 octobre, des mesures destinées à renforcer le contrôle des investissements étrangers dans les pépites industrielles françaises. Deux mesures fortes ont ainsi été dégagées : l'élargissement des secteurs d'activité concernés par une demande d'autorisation préalable au ministère de l'Economie pour pouvoir exister et l'octroie, pour l'État, d'un pouvoir de sanction accru.

Ces dispositions s'inscrivent en regard de celles ouvrant la voie à des cessions de participations de l'État dans Aéroport de Paris (ADP), La Française des Jeux (FDJ) et Engie, votées plus tôt dans la journée. Pour Bruno Le Maire, elles répondent aux inquiétudes exprimées par l'opposition, qui a fustigé le désengagement du gouvernement auprès de ces "bijoux de famille", puisqu'elles visent à protéger des secteurs clefs de l'économie française.

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Car "dans le même temps, et c'est ce qui fait l'équilibre de ce texte, nous renforçons les pouvoirs de l'État sur le contrôle des investissements étrangers en France avec un objectif (...) qui est d'éviter le pillage de nos technologies", a argué le ministre en s'adressant aux rares députés présents. Il y a quelques mois, ce projet d'extension du décret Montebourg, pour protéger des secteurs stratégiques, avait suscité de vives réactions de la part de Jean-David Chamboredon, porte-parole des Pigeons et co-président de France Digitale.

Un contrôle étendu

Le projet de loi Pacte va inclure, d'une part, via un décret actuellement à l'étude au Conseil d'état, de nouveaux domaines d'activité (intelligence artificielle, drones, stockage de données, aérospatial ou encore la production de semi-conducteurs) dans lesquels les investisseurs étrangers devront obtenir un agrément du ministère de l'Economie pour y investir. Cela s'inscrit dans le prolongement du décret Montebourg de 2014 qui avait étendu la nécessité d'une telle autorisation aux secteurs de l'énergie, des transports, des télécoms, de l'eau ou de la santé.

Dans un second temps, ce projet de loi renforce le pouvoir coercitif du ministère de l'Economie. Ce dernier pourra notamment retirer les autorisations si les conditions ne sont pas respectées, suspendre le versement des dividendes et la disposition des actifs pour l'investisseur ou encore désigner un mandataire "chargé de veiller au sein de l'entreprise à la protection des intérêts nationaux", rapporte le texte. D'après l'article 55, le ministère de l'Economie pourra appliquer des sanctions financières sur quatre manquements : la réalisation d'une opération sans autorisation préalable; l'obtention d'une autorisation préalable par fraude; le manquement aux conditions ; le non-respect d'une injonction.

Le montant des amendes ne pourra pas excéder 10 % du chiffre d'affaires annuel de la société fautive, un million d'euros pour les personnes physiques et cinq millions d'euros pour les personnes morales, précise le texte législatif.  Enfin, un troisième volet instaure la création d'une délégation parlementaire ayant un droit de regard sur les investissements étrangers en France.

L'opposition dénonce un manque "d'ambition"

Pour le député LREM Guillaume Kasbarian, ces mesures s'alignent sur "les meilleurs standards internationaux comme l'ont fait les Américains avec une réforme du Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis)", cet organisme chargé d'analyser les acquisitions d'entreprises américaines par des compagnies étrangères.

Une analyse en porte-à-faux avec celle du député LR Daniel Fasquelle. Ce dernier a vivement critiqué ces mesures qui, selon lui, "manquent de souffle et d'ambition". Le député de la 4ème circonscription du Pas-de-Calais a ainsi estimé que le renforcement des sanctions a peu de poids si les conditions requises pour obtenir l'agrément du ministère, qu'il considère comme "très légères", ne sont pas renforcées. Il a également déploré le rachat d'Alstom par General Electric : "un scandale d'État". Le député de la France Insoumise Bastien Lachaud a, pour sa part, notamment regretté que la délégation parlementaire ne puisse pas exercer sa mission de contrôle "en temps réel" mais "seulement a posteriori", une année après les opérations.

L'opposition s'est également interrogée sur les raisons pour lesquelles l'élargissement des autorisations se limitait aux domaines dit "d'avenir" et non à l'ensemble des secteurs. "Pour ne pas envoyer un signal ultra-protectionniste mais faire en sorte que la France adopte une politique industrielle conquérante dans un contexte de compétition mondiale", a répondu le rapporteur de la commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle.

(Avec agences)