Déficit public : il sera bien supérieur à 5%, admet le ministre des Comptes publics

Par latribune.fr  |   |  1357  mots
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait déjà admis, début mars, que le déficit public serait « significativement au-delà des 4,9% » en 2023. (Crédits : JOHANNA GERON)
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui avait déjà admis début mars que le déficit public serait « significativement au-delà des 4,9% » en 2023, avait dévoilé le mois dernier un plan d'économies de 10 milliards d'euros pour 2024. Le Sénat a annoncé procéder à un contrôle sur pièces et sur place ce jeudi, à Bercy.

[Article publié le jeudi 21 mars 2024 à 08h11 et mis à jour à 13h44] Alors que le chiffre officiel devrait être communiqué par l'Insee le 26 mars prochain, il semble d'ores et déjà établi que le déficit public de l'année passée dépassera largement ce à quoi s'attendait le gouvernement. Le déficit public sera « supérieur à 5% » du PIB en 2023, un niveau « plus élevé » que l'objectif de 4,9%  qui avait été fixé par le gouvernement, a admis ce jeudi le ministre délégué chargé des Comptes publics Thomas Cazenave, au micro de France info.

Le ministre, qui a invoqué un « nouveau contexte » économique pour expliquer ce dérapage. Il s'est toutefois refusé à confirmer des informations de presse selon lesquelles l'exécutif s'attendrait désormais à un déficit autour de 5,6% du PIB.

« C'est l'Insee qui publie le chiffre du déficit public de 2023 », a balayé Thomas Cazenave, au lendemain de réunions à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron sur les finances publiques.

Le Sénat à Bercy pour « un contrôle sur pièces »

Selon une information des Echos, dévoilée mercredi, citant des « sources gouvernementales », il tablerait désormais sur un déficit public de l'ordre de 5,6% du PIB en 2023. Le Figaro cite, lui, une source selon laquelle il atteindrait 5,5 % avec une marge d'erreur de 0,3 point.

Déjà début mars, son co-locataire à Bercy, Bruno Le Maire, avait prévenu début mars qu'il serait « significativement au-delà des 4,9% » en 2023, ce qui était l'objectif fixé par l'exécutif.

Dans ce contexte, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, se trouve ce jeudi à Bercy pour effectuer un contrôle des informations officielles sur le déficit public de 2023, qui devrait être bien plus élevé que les 4,9% initialement prévus par le gouvernement.

« Ce contrôle sur pièces et sur place (...) vise à obtenir communication de l'ensemble des notes et documents produits par les services de Bercy et expliquant cette dégradation et à obtenir des réponses aux nombreuses questions qu'elle pose », explique un communiqué de la commission des Finances du Sénat, qui s'est lancé dans ce contrôle après des révélations dans la presse sur « une dégradation sans précédent, puisqu'il serait prévu à 5,6% du PIB au lieu des 4,9% attendus ».

« Depuis quand cette dégradation est-elle connue ? Quelle en est l'ampleur exacte ? Quelles en sont les facteurs (moindres recettes, dépenses en hausse) ? Quel impact sur la trajectoire de redressement (...) qui semblerait à première vue intégralement remise en cause ? », énumère le communiqué.

« Le manque patent d'informations à disposition du Parlement marque encore une fois le mépris dont il fait l'objet de la part du gouvernement », estime la commission des finances sénatoriale, qui indique s'être lancée dans ce contrôle après des révélations dans la presse sur « une dégradation sans précédent » du déficit.

Jean-François Husson donnera une conférence de presse à propos du contrôle ce jeudi à 17 heures, au Sénat.

La gestion des finances pointée du doigt par la Cour des comptes

Quant à 2024, le gouvernement prévoit 4,4% de déficit public, et ce, dans l'optique de repasser sous la barre des 3% d'ici la fin du quinquennat en 2027, à 2,7%. Une cible inatteignable, pour la Cour des comptes. Dans son rapport annuel publié la semaine dernière, l'institution a pointé du doigt la gestion des finances publiques. Elle estime, en effet, que le scénario initial pour l'année en cours est « improbable » et que la trajectoire sur le déficit public est « peu ambitieuse et fragile », jugeant la situation budgétaire « préoccupante », voire « sérieuse ».

Avec une dette publique prévue à 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027, « on est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro », avec la Grèce et l'Italie, a ainsi alerté Pierre Moscovici, le premier président de l'institution.

Pour tenter de trouver des solutions, Emmanuel Macron a reçu mercredi son ministre de l'Économie, ainsi que ceux chargés des collectivités locales et des affaires sociales, Christophe Béchu et Catherine Vautrin afin de remettre sur la table certaines pistes déjà avancées par le gouvernement, notamment pour freiner les dépenses d'assurance chômage et de santé.

Dans le viseur de l'exécutif se trouvent, par exemple, les remboursements de soins liés aux affections dites « de longue durée », les ALD, comme le diabète, le cancer, etc. Les patients qui bénéficient de ce système sont pris en charge à 100% par l'Assurance maladie. Or, selon le ministère de la Santé, ces ALD représentent les deux tiers des remboursements de l'Assurance maladie.

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Réforme de l'assurance chômage

L'assurance chômage devrait, elle aussi, évoluer comme l'annonçait, fin février, le Premier ministre. Gabriel Attal s'était, en effet, dit favorable à ce « qu'on rouvre le chantier de l'assurance chômage pour avoir un modèle social qui incite davantage à l'activité ». D'autant que, selon les prévisions de l'Unédic publiées quelque temps plus tôt, l'excédent du régime atteindra un peu plus de 1,5 milliard d'euros contre les cinq milliards estimés en septembre 2023.

Les efforts reposeront également sur la transition écologique, le travail ou l'éducation, selon le plan de 10 milliards d'économies pour 2024 dévoilé par Bruno Le Maire le mois dernier et concrétisé rapidement par un décret au Journal Officiel. Ce dernier assurait d'ailleurs dans le JDD dimanche dernier que « nous devons remplacer l'État-providence par l'État protecteur », car « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » est « intenable ». Et pour 2025, ce sont au moins 20 milliards qui devront être économisés, avec les dépenses de la Sécurité sociale dans la ligne de mire de Bercy.

Pas de coup de rabot sur les APL

Interrogé au micro de France info, le ministre des Comptes publics, lui, n'a pas souhaité dévoiler quelles étaient les « pistes d'économies » envisagées par Bercy pour redresser les comptes publics, assurant vouloir « prendre tout le temps nécessaire pour construire » le budget 2025 « le meilleur possible ».

Il a toutefois démenti « catégoriquement » un éventuel projet du gouvernement de toucher aux aides au logement, dont les APL, versées aux foyers les plus modestes.

« Il n'y a pas de projet de réforme de suppression ou de rabot sur les aides publiques au logement. (...) Je ne sais pas d'où cette information est venue, mais je la démens catégoriquement », a affirmé Thomas Cazenave.

La France doit être « responsable en termes de finances publiques » tout en assumant des « choix politiques » en faveur d'investissements d'« avenir », a fait valoir de son côté Emmanuel Macron ce jeudi. « La France doit être claire : nous devons être responsables en termes de finances publiques et garder nos ancres », a insisté le président français à son arrivée à un sommet sur l'énergie nucléaire à Bruxelles.

Interrogé sur la difficulté d'investir simultanément dans cette énergie, la transition climatique, l'aide militaire à l'Ukraine, dans un contexte budgétaire très contraint, il a estimé qu'il fallait faire « des choix de finances publiques et des choix politiques ».

« On fait le choix d'investir sur l'avenir sur nos services publics, sur les grandes transitions [et] pour faire ces choix, on fait des réformes », a-t-il plaidé.

« C'est pour ça qu'on a fait la réforme des retraites, qu'on fait la réforme de l'assurance chômage », a-t-il ajouté, estimant qu'il fallait « gagner la bataille de la réindustrialisation, du plein emploi et gagner la bataille des transitions ».

Prié de dire s'il y aurait un nouveau tour de vis budgétaire dès cette année, après les dix milliards d'euros d'économies supplémentaires récemment décidés par l'exécutif, le chef de l'État n'a pas répondu.

(Avec AFP)