Déficit public : face à la dérive des comptes, l'Élysée cherche des « bonnes idées »

Emmanuel Macron reçoit ses ministres de l'Économie, des collectivités locales et des affaires sociales, ce mercredi en fin d'après-midi, avant de dîner avec les chefs des partis et présidents de groupes parlementaires de la majorité. Au programme des discussions : la situation budgétaire jugée « préoccupante » par la Cour des comptes.
Preuve de la sensibilité du sujet du déficit : il s'invite à l'agenda du président de la République Emmanuel Macron.
Preuve de la sensibilité du sujet du déficit : il s'invite à l'agenda du président de la République Emmanuel Macron. (Crédits : Christophe Ena)

Le chiffre officiel ne sera dévoilé par l'Insee que le 26 mars prochain, mais le gouvernement sait déjà qu'il ne sera pas bon. Le déficit 2023, prévu à 4,9%, sera « significativement » supérieur, comme l'a déjà averti le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. L'objectif d'un déficit ramené à 4,4% cette année apparaît même déjà plus que jamais hors de portée. Pour rappel, l'exécutif s'est fixé de le repasser sous la barre des 3% d'ici la fin de son quinquennat en 2027, à 2,7%.

La Cour des comptes a, de son côté, déjà étrillé le gouvernement pour sa gestion des finances publiques dans son rapport annuel, publié la semaine dernière. Elle lui reproche un scénario initial « improbable » pour 2024 et une trajectoire « peu ambitieuse et fragile » sur le déficit public, jugeant la situation budgétaire « préoccupante », voire « sérieuse ». Avec une dette publique prévue à 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027, « on est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro », avec la Grèce et l'Italie, a alerté Pierre Moscovici, le premier président de l'institution.

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Ces niveaux sont bien au-dessus des plafonds fixés par les traités européens. En vertu des règles budgétaires européennes, le déficit public des États membres de l'UE ne doit pas, en théorie, dépasser le seuil symbolique de 3%, tandis que leur dette publique ne doit pas être supérieure à 60% du PIB. Le Parlement européen et les États membres de l'UE se sont cependant mis d'accord début février pour réformer ces règles budgétaires, jugées obsolètes et - dans les faits - peu respectées.

Réduire la dépense publique...

Le sujet du déficit est, en France, assez sensible. Preuve en est : il s'invite carrément à l'agenda du président de la République. Emmanuel Macron recevra à partir de 17h30 ce mercredi son ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, ainsi que ceux chargés des collectivités locales et des affaires sociales, Christophe Béchu et Catherine Vautrin. L'occasion de remettre sur la table certaines pistes déjà avancées par le gouvernement, notamment pour freiner les dépenses d'assurance chômage et de santé.

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Dans ce contexte, Bruno Le Maire mise sur la réduction des dépenses publiques et prône la rigueur. « Nous devons remplacer l'État-providence par l'État protecteur », car « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » est, selon lui, « intenable », a-t-il lancé dans le JDD dimanche dernier, à l'occasion de la parution d'un nouveau livre aux airs de programme politique. Une sortie qui a agacé le chef de l'État : « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l'Économie depuis sept ans », a raillé le locataire de l'Elysée, selon Le Canard enchaîné. Propos confirmés à l'AFP par un familier du Palais, où l'on se dit malgré tout « toujours preneurs des bonnes idées ».

Le ministre de l'Économie a ainsi annoncé en février un plan d'économies de 10 milliards pour 2024, concrétisé rapidement par un décret au Journal Officiel. Ces coupes, qui visent notamment la transition écologique, le travail ou l'éducation, doivent permettre au gouvernement de respecter son objectif de réduire le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut en 2024, selon lui. Et pour 2025, ce sont au moins 20 milliards qui devront être économisés, avec les dépenses de la Sécurité sociale dans la ligne de mire de Bercy.

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... ou taxer les « ultra-riches » et les grandes entreprises...

Emmanuel Macron a par ailleurs convié à dîner ce mercredi les cadres de sa majorité, chefs de partis et de groupes parlementaires, pour tenter d'accorder les violons alors que des dissonances se font entendre. Quelques députés plaident, en effet, pour augmenter les impôts des « ultra-riches » ou des grandes entreprises. Minoritaires dans le camp présidentiel, ces élus de l'aile gauche et du MoDem estiment que le dérapage du déficit devrait pousser l'exécutif à revoir sa doctrine.

Le chef du groupe centriste, Jean-Paul Mattei, réclame par exemple une hausse ciblée de la taxation des revenus du patrimoine en relevant la « flat-tax » instaurée en 2018. Lors des précédents budgets, le parti avait déjà soutenu, en vain, une taxe sur les superdividendes des plus grandes entreprises ou leurs rachats d'actions.

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À l'aile gauche de Renaissance aussi, on revient à la charge pour dégager de nouvelles recettes fiscales. Pour la députée Stella Dupont, il faut se pencher sur le taux d'imposition global des « milliardaires », « synonyme d'injustice pour nombre de Français », a-t-elle lancé à Bruno Le Maire lors d'une audition à l'Assemblée début mars. Ce dernier lui a répondu en écartant toute mesure nationale.

« La taxation des individus n'a de sens qu'à l'échelle européenne et internationale », sinon « vous aboutirez au départ des personnes les plus fortunées de France », estime-t-il.

... mais pas de hausse d'impôt

A ce stade, Matignon n'envisage pas de hausse d'impôt. « Nous préférons augmenter la pression sur les fraudeurs plutôt qu'augmenter les impôts sur les Français », a déclaré Gabriel Attal en présentant les « résultats historiques » du fisc, qui a recouvré plus de 15 milliards d'euros de fraude fiscale l'an dernier. Un record qui conforte sa volonté de « renforcer les moyens humains » dans ce domaine, car « chaque euro compte » vu « la situation budgétaire dans laquelle nous sommes ».

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Pour les oppositions en tout cas, le compte n'y est pas. « Jamais on n'a eu des chiffres aussi épouvantables » en matière de déficit public, a affirmé sur France Inter la présidente des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, fustigeant les « résultats pitoyables » et « l'incompétence de ce gouvernement dans le domaine financier ».

Mêmes accusations à gauche du député Adrien Quatennens (LFI) : « Ces gens-là sont de piètres économistes » qui « ont creusé le déficit et la dette pour faire des cadeaux toujours aux mêmes » et « n'ont pas à donner des leçons aux Français », a-t-il fustigé sur CNews et Europe 1.

Le tour de vis envisagé sur les dépenses sociales ne satisfait même pas la droite. « C'est trop tard, parce qu'on va s'y prendre de la plus mauvaise façon, en faisant des coupes un peu aveugles », a déploré Bruno Retailleau sur Public Sénat. Le chef de file des sénateurs Républicains blâme même le patron de Bercy. « On lui avait dit : "Votre budget est truqué, il n'est pas sincère" (...) aujourd'hui on est au pied du mur », déplore-t-il.

L'exécutif, qui envisageait de présenter un budget rectificatif « à l'été », c'est-à-dire après les élections européennes du 9 juin, devra-t-il revoir son calendrier au risque d'un 49.3 et d'une censure ? Si la question reste entière, il faudra au moins donner des gages avant le couperet des agences de notation : Fitch et Moody's le 26 avril, et surtout S&P le 31 mai, une semaine avant le scrutin.

L'Espagne, elle, a réduit son déficit public

Alors que les comptes français sont à la dérive, tel n'est pas le cas de ceux du voisin espagnol. Le pays a ramené son déficit public à 3,7% de son PIB en 2023, soit mieux que l'objectif de 3,9% initialement fixé par le gouvernement, a annoncé ce mercredi le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez. Ce taux, en baisse de plus d'un point par rapport au chiffre de 2022 (4,8%), a été atteint à la faveur d'une croissance de 2,5%, parmi les plus élevées de la zone euro.

« L'Espagne se porte mieux que l'Union européenne : notre croissance est cinq fois supérieure à la moyenne de la zone euro », a souligné le dirigeant socialiste, vantant sa politique de « redistribution », mais aussi son sérieux budgétaire.

Le gouvernement Sánchez s'est d'ailleurs engagé auprès de Bruxelles à poursuivre cette politique d'assainissement des comptes publics en 2024, en ramenant son déficit à 3%.

(Avec AFP)

Commentaires 25
à écrit le 21/03/2024 à 12:59
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15 points de PIB de désindustrialisation en 30 ans. C'est autant de salaires d'ouvriers biens payés (2000 euros voire +) qui sont remplacés par des emplois de service payés au smic (1000 euros). C'est autant de points de PIB qui se sont évaporés en d...

le 21/03/2024 à 14:41
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bizare m je sais tout sur tout les sujet la sur sa fonction et son metier de banquiers il est en rade ou en panne seche a oui gerer un pays est bien plus complique surtout quand le peuple vous exprime que votre vision personne n'en souhaite sa mise...

à écrit le 21/03/2024 à 9:57
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900 milliards de dépenses sociales, un pays de consommateurs où on explique qu’il faut travailler moins et que les chinois vont produire à notre place, une pompe aspirante des populations les plus pauvres de la planète grâce à nôtre système de santé ...

le 21/03/2024 à 11:59
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[La France paye 40 ans de conditionnement marxiste des élites politiques et médiatiques et de la majorité de sa population] Vous faites une erreur magistrale en pêchant par ignorance. Tout d'abord, la France est singulièrement menée par les monétaris...

le 21/03/2024 à 14:46
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N'importe quoi RAYMOND Bruno Lemaire et C.Lagarde les plus grands responsables de la dette ne sont pas marxiste mais viennent des LR et Lemaire le LR incompétent dirige l'eco depuis 7 ans

à écrit le 20/03/2024 à 21:03
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Il n'y a pas de secret, si on veut réduire sensiblement et surtout durablement les dépenses publiques, il faut se débarrasser d'une partie de la population et se poserait la question des critères de sélection entre ceux qui resteraient et ceux qui de...

à écrit le 20/03/2024 à 19:03
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Une bonne idée? Faire tourner la table où paraissait Macron et demander conseil à Sully? Il faut y croire, évidemment.

à écrit le 20/03/2024 à 18:43
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Geler toutes les prestations sociales et revaloriser les retraites de moins de 50% de l'inflation. D'après Thomas Cazenave, la hausse de 5,3% des pensions en 2024 a représenté 14 milliards d'euros de dépenses: dans un pays en faillite cela s'appell...

le 20/03/2024 à 20:27
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C'est marrant, vous proposez souvent les réformes à la grecque tout en continuant à suggérer de continuer à augmenter les retraites alors qu'en Grèce, on avait commencé par diviser par deux ou par trois les grosses pensions...

le 20/03/2024 à 21:54
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On pourrait peut-être gelé toutes les subventions aux entreprises, qui ne servent qu'à verser des dividendes à des directions (souvent incompétentes) et à beaucoup d'actionnaires (qui sont souvent des héritiers). Il faut arrêter de faire du social p...

le 20/03/2024 à 21:55
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On pourrait peut-être geler toutes les subventions aux entreprises, qui ne servent qu'à verser des dividendes à des directions (souvent incompétentes) et à beaucoup d'actionnaires (qui sont souvent des héritiers). Il faut arrêter de faire du social ...

le 21/03/2024 à 9:52
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Vous parlez d'une augmentation exceptionnelle de 5,3 pour cent quand l'inflation sur l'alimentation est de 20%, quand l'électricité augmente chaque année de 10%. Citez donc toutes les augmentations de retraite depuis dix ans si vous en êtes capable. ...

à écrit le 20/03/2024 à 18:24
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C'ets pas dans la came que vous la trouverez en tout cas les gars même si je ne ferais pas votre job sans me droguer non plus je vois pas comment c'est humainement possible. Nos dirigeants et leurs opposants sont nuls.

à écrit le 20/03/2024 à 18:14
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Le gaspillage de l'argent des contribuables dans la gestion R.H. des fonctionnaires et des administrations comme les CHU, éducation nationale à la gestion calamiteuse et toujours en déroutes mais c'est toujours le même problème avoir le courage de r...

à écrit le 20/03/2024 à 18:04
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" mais le gouvernement sait déjà qu'il ne sera pas bon." Comme sur le reste, rien de nouveau.

à écrit le 20/03/2024 à 17:46
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C est sur que ca va etre difficile. L electorat macroniste qui reste c est les gens gagnent plus de 5000 € et les plus de 60 ans (cf article du monde). donc si on augmente les impots ca va faire raler les premiers. si on baisse signifcativement les d...

à écrit le 20/03/2024 à 17:41
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Au lieu de tomber dans la facilité par manque de courage et de toujours taper et stigmatiser les chômeurs, les pauvres, les salariés du privé, il faudrait avoir le courage de réformer la fonction publique et territoriale ! des milliards d'euros vers...

à écrit le 20/03/2024 à 17:34
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Quand le problème est trop grand, on le divise ! Tant que cela n'est pas reporté sur des non-responsables cela peut être assainie !

à écrit le 20/03/2024 à 15:59
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une hausse TVA et CSG ça rapporte rapidement mais après les JO

à écrit le 20/03/2024 à 15:40
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« la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » c'est quoi qui est gratuit ? On paie pour tout, non ? Même le TGV, là y a 0 subvention, 100% du prix payé par le client. Mais partout ce qui est subventionné est payé par ailleurs (le gratuit n'existe...

à écrit le 20/03/2024 à 15:39
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Pourquoi OU? C'est réduire la dépense publique ET taxer (corriger l'injustice fiscale pathologique) les "ultra-riches" et les grandes entreprises côtées.

à écrit le 20/03/2024 à 14:59
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des "bonnes idées" : Apprendre à Lemaire à compter? Apprendre à Macron d'arrêter de faire des chèques en bois sur notre dos? Commencer par mettre des gens compétents au gouvernement et à l'Elysée?

le 20/03/2024 à 15:04
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Virer tout les incapables.

le 20/03/2024 à 15:06
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la bonne idee est la plus simple mais surtout ne pas etre lache c"est lache d'acheter a des pays qui considere les travailleurs comme des esclaves car contrairement au elite les francais ne demande qu'a travailler et commencer par produire au li...

le 20/03/2024 à 15:53
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@Ludwig : l'idéal des écolos c'est le retour à la caverne.

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