Lutte contre la corruption : l'Europe appelle la France à redoubler d'efforts

Par Grégoire Normand  |   |  1055  mots
Le manque de moyens pour contrôler les finances des partis politiques est particulièrement évoqué dans le rapport du Greco.
L'organe anti-corruption du conseil de l'Europe, le Greco, constate que la France est loin d'avoir suivi toutes ses recommandations en matière de transparence du financement de la vie publique.

La lutte contre la corruption a encore des progrès à faire. Dans un rapport publié ce vendredi 29 septembre, le Groupe d'Etats contre la corruption du conseil de l'Europe (Greco) appelle la France à faire des efforts en faveur de la transparence du financement des partis politiques. Sur le bilan mis en avant par les auteurs du document, "douze recommandations du Greco sur 17 ont ainsi été traitées de manière satisfaisante." Les cinq autres ont été partiellement mises en œuvre.

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Un manque de transparence du financement de la vie publique

Les experts de l'organisation avaient recommandé à la France d'étendre le dispositif sur le financement des partis et des campagnes aux candidats qui mènent des campagnes mais qui ne décident finalement de ne pas participer à l'élection. L'organisme a également proposé ces mêmes règles aux candidats aux élections sénatoriales. Les autorités françaises ont d'ailleurs admis des faiblesses sur ces deux derniers points. Les personnes de l'administration française interrogées par le Greco ont confirmé la situation, notamment du point de vue fiscal, en ces termes :

[Au plan fiscal] "la situation française est problématique puisque les dons ne sont fiscalement déductibles des impôts du donateur que pour autant que les comptes de campagne ont été déposés afin que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) vérifie que les dons ont été utilisés pour financer une campagne électorale."

Le problème a été en partie résolu en ce qui concerne l'élection présidentielle. Les reçus-dons ne sont délivrés aux donateurs que si le candidat qui a bien reçu les dons a bien effectué son dépôt de compte de campagne auprès de la commission (CNCCFP). Les autorités françaises et le Greco estiment que ce dispositif devrait être étendu aux autres élections.

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Des partis sans budget consolidé

En 2014, Médiapart avait révélé que l'ancien président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, avait prêté 3 millions d'euros au parti.

"Au lendemain des élections législatives, en attendant la dotation de l'Etat, le parti avait un trou de trésorerie et comme les finances du groupe le permettaient, on a fait un prêt de 3 millions d'euros au parti, avec une convention, un échéancier, un taux d'intérêt", avait-il expliqué.

Afin de limiter ce type de pratique, le Greco a fait plusieurs recommandations favorisant "l'étanchéité des financements entre les groupes parlementaires et les partis politiques." Si l'institution a noté quelques progrès de la part des autorités françaises, elle encourage

"la France à redoubler d'efforts pour mettre pleinement en œuvre [...] des critères permettant d'étendre plus systématiquement le périmètre comptable des partis et formations politiques aux structures liées, notamment les sections territoriales du parti et, parallèlement, d'identifier les moyens matériels des groupes parlementaires".

L'objectif : améliorer la confiance des citoyens à l'égard des partis

Pour améliorer la confiance des citoyens à l'égard des partis politiques, le Greco préconise de renforcer les moyens et la fonction de contrôle de la commission nationale des comptes de campagne.

"'une bonne partie des ressources des partis politiques n'est pas contrôlée en pratique par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP) du fait de la centralisation défaillante des flux".

Grosses lacunes dans le contrôle de la CNCCFP

Les auteurs du rapport rappellent que si des efforts ont été entrepris pour renforcer les moyens de cette instance de contrôle, "les avancées réalisées à ce jour restent toutefois insuffisantes au vu des faiblesses soulignées dans le rapport d'évaluation". Le conseil de l'Europe explique que les contrôles de la CNCCFP demeurent "largement formels" et qu'elle ne dispose pas d'un contrôle sur "pièce et sur place". Elle ne peut pas non plus faire appel aux services d'enquête judiciaire "en cas de doute sérieux sur des comptes de partis politiques."

Délai de prescription allongé, loi Sapin 2... des mesures saluées

Outre les limites soulevées dans le rapport, le Greco a néanmoins salué plusieurs mesures favorables à la lutte contre la corruption. Il se félicite notamment du prolongement du délai de prescription pour la poursuite des infractions liées à la corruption.

"Le GRECO considère [...] que la loi du 27 février 2017, déjà en vigueur, constitue une avancée incontestable pour les infractions de nature délictuelle, au rang desquelles figurent les infractions de corruption et de trafic d'influence."

L'institution européenne se réjouit également des avancées permises par la loi Sapin 2. Ce texte a notamment instauré un délit de trafic d'influence d'agent public étranger. Il a également facilité la mise en route de poursuites judiciaire sen levant des obstacles de procédures comme "la nécessité que les délits soient réprimés dans le pays de commission des faits et la nécessité d'une plainte préalable du parquet". Enfin, elle autorise -à l'instar des Etats-Unis ou du Royaume-uni- à poursuivre "des entreprises étrangères devant la justice française pour des faits de corruption commis à l'étranger dès lors que l'entreprise corruptrice a une quelconque activité économique en France".

Moralisation de la vie publique : les Français restent préoccupés

Bien que le Parlement français a adopté le projet de loi pour la moralisation de la vie publique au début du mois d'août dernier, les affaires de corruption semblent préoccuper les Français. Selon une enquête européenne réalisée à la fin de l'année 2016 par l'ONG Transparency International, un quart des personnes françaises interrogées pense que la corruption est un problème important dans leur pays. Le renforcement de la lutte contre la corruption et le népotisme par le biais d'une hausse des moyens de la justice pourrait constituer un défi de taille pour le gouvernement Philippe.

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