Medef et gouvernement s'affrontent sur la transformation du CICE

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  828  mots
Pierre Gattaz s'oppose aux décisions du gouvernement en matière de fiscalité des entreprises. Selon lui, la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations patronales va augmenter le coût du travail de 7 milliards d'euros. Il demande donc davantage de baisses de cotisations pour ne pas alourdir les prélèvements pesant sur les entreprises.
Le Président du Medef Pierre Gattaz estime que la transformation en 2019 du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales patronales va paradoxalement entraîner une hausse du coût du travail en raison du mécanisme retenu. Le gouvernement s'en défend.

Face au gouvernement, le Medef s'est trouvé un motif d'insatisfaction : la fiscalité pesant sur les entreprises et plus particulièrement le mécanisme de transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales patronales, annoncé par le Premier ministre Edouard Philippe. Autant donc l'organisation patronale applaudit des deux mains la réforme du droit du travail, autant il se montre nettement plus sceptique en matière d'imposition des sociétés.

Pour Pierre Gattaz, le projet du gouvernement sur le CICE est inacceptable car « il conduirait à augmenter de nouveau les prélèvements des entreprises ».

Qu'en est-il réellement ? De fait, à la différence d'un crédit d'impôt qui correspond au remboursement par l'Etat aux entreprises d'une certaine somme non imposable, une baisse des cotisations patronales, en revanche, conduit mécaniquement à augmenter le bénéfice imposable et donc à payer d'avantage d'impôt sur les société (IS). C'est cette augmentation automatique de l'IS que dénonce le Medef.... qui assimile, au passage, IS et coût du travail.

Transformation en 2019 du CICE en baisse pérenne de cotisations patronales

Or, en effet, le gouvernement a décidé de supprimer le CICE en 2019 et de le remplacer par un allègement des cotisations patronales pérenne de 6 points pour les salaires inférieurs à 2,5 Smic complété par un allègement renforcé de 4,1 points au niveau du Smic, soit un total de 10,1 points au niveau du salaire minimum.

En outre, le Premier ministre a aussi annoncé que le taux de CICE serait ramené de 7% des salaires versés inférieurs à 2,5 Smic à 6% en 2018. C'est François Hollande qui avait décidé pour 2017 d'augmenter le taux de CICE de 1 point. Mais, furieux de cette baisse du taux applicable, Pierre Gattaz rappelle que cette progression de 6% à 7% avait été décidée en raison du maintien de la dernière tranche de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui devait initialement être supprimée.

Alors le Medef a fait ses comptes, il estime que la transformation du CICE en 2019, sur la base d'un taux de 6%, en baisse pérenne des cotisations patronales va provoquer une hausse du coût du travail d'environ 7 milliards d'euros pour les salaires compris entre 1,5 et 2,5 Smic, là où la baisse de cotisations ne sera « que » de 6 points. Pierre Gattaz admet qu'au niveau du Smic, il n'y a en revanche aucune perte, en raison de l'abattement supplémentaire de 4 points. Il réclame donc une « neutralité » totale en demandant davantage de baisse de cotisations sur les salaires compris entre 1,5 et 2,5 Smic. Au passage, il prône aussi un plafonnement des cotisations sociales pour les hauts revenus afin de rendre la France plus attractive aux professionnels étrangers de haut calibre.

Alors, certes, le « coût du travail » - en vérité l'IS payé - pour les entreprises qui ont une main d'œuvre essentiellement située dans la tranche salariale comprise entre 1,5 et 2,5 Smic risque de légèrement progresser. Mais, en vérité, il faudrait davantage évoquer un moindre gain, car, de toute façon, le « coût » de la main d'œuvre pour cette tranche de salaires restera inférieur à ce qu'il était avant l'instauration du CICE en 2013.

Baisse globale des prélèvements sur les entreprises

En outre, Matignon rappelle, à juste titre, qu'en 2019, les entreprises bénéficieront à la fois du CICE au titre des salaires versés en 2018 - le crédit d'impôt étant exigible l'année N+1  - et des allègements de cotisations sociales. Un cumul rendu nécessaire pour éviter toute rupture dans le soutien à l'emploi. Les entreprises bénéficieront ainsi d'un gain supplémentaire de trésorerie de l'ordre de... 21 milliards d'euros. Certes, celui-ci ne sera enregistré qu'une seule année.

Plus globalement, à Matignon, on estime que, in fine, les prélèvements pesant sur les entreprises en 2019 baisseront. En effet, pour le gouvernement, il convient d'ajouter à cette transformation du CICE, la première étape de la baisse du taux d'IS actuellement fixé à 33,3%. De fait, dès 2018 un taux à 28% s'appliquera désormais pour l'ensemble des entreprises pour les bénéfices inférieurs à 500.000 euros. Puis, en 2019, le taux appliqué sera de 31% pour les bénéfices supérieurs à 500.000 euros.

Sans oublier la suppression de la Contribution additionnelle de 3% sur la distribution des dividendes, dont l'instauration « provisoire » en 2012 avait été invalidée par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), soit un soulagement d'environ 2 milliards d'euros pour les trésoreries des entreprises. A priori, aucune création d'un nouvel impôt ne serait à l'ordre du jour pour compenser la fin de cette taxe, même si le Medef reste vigilent.

Globalement donc, contrairement à ce qu'affirme le Medef, les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises ne devraient pas être orientés à la hausse en 2019. Le « coût du travail » devrait donc continuer de diminuer. A moins, bien sûr, que certaines taxes locales n'augmentent...