Mixité sociale  : le Sénat retoque la loi égalité et citoyenneté

Par Mathias Thépot  |   |  508  mots
Le Sénat s'oppose à une mesure emblématique de la loi égalité et citoyenneté portée par la ministre du logement Emmanuelle Cosse.
Le Sénat tente d'édulcorer la loi pour l'égalité et la citoyenneté, qui projette de modifier la façon de faire de la mixité sociale par le logement.

Majoritairement de droite, le Sénat met des bâtons dans les roues du gouvernement à quelques mois des échéances électorales nationales. Il a amendé la loi égalité et citoyenneté, afin de la vider de son sens. Pour donner des gages pour 2017 à un électorat socialiste globalement déçu par son quinquennat, le chef de l'Etat François Hollande prévoit, il faut dire, de faire passer rapidement des lois contenant des « marqueurs de gauche ». La loi égalité et citoyenneté est de celles-là.

 Atteinte à l'esprit du projet

Votée par l'Assemblée nationale début juillet, elle vient donc d'être amendée cette semaine en commission spéciale au Sénat, soit lors de l'étape précédent le débat en hémicycle. Un amendement a concrètement supprimé une mesure qui instaurait l'obligation de réserver 25% des logements sociaux aux demandeurs les plus pauvres dans les quartiers non prioritaires de la ville, en moyenne plus aisés. L'amendement ne conserve que la possibilité d'un taux fixé localement, exonérant donc les collectivités locales récalcitrantes aux obligations en matière de mixité sociale. De quoi agacer fortement la ministre du Logement Emmanuelle Cosse qui « regrette vivement ces atteintes à l'esprit d'un projet de loi destiné à renforcer la cohésion sociale en s'attaquant aux ségrégations par le logement ».

Limiter la ghettoïsation

Le titre II de la loi, attaqué par le Sénat, contient en effet un panel de mesures visant à limiter la ghettoïsation et qui a pour ambition de renverser la façon de faire de la mixité sociale en France. Ce n'est pas une mince affaire au regard de la situation très compliquée héritée des politiques d'urbanisme menées dans les années 1960 et 1970. Une situation qui se matérialise aujourd'hui par des zones à forts pourcentages de logements très sociaux, éloignés des centres-villes et des banlieues résidentielles des classes moyennes et riches. Pour lutter contre ce phénomène, beaucoup de choses ont été expérimentées, et peu ont réellement fonctionné.

Les pauvres chez les riches

C'est pourquoi la loi égalité et citoyenneté tente de poser les bases au niveau national d'une conception jusqu'ici peu mise en oeuvre de la mixité sociale : déplacer les populations les plus pauvres vers des quartiers plus aisés, où l'entre-soi des classes moyennes et riches reste très vif. Et c'est bien sur ce point que la loi portée par Emmanuelle Cosse est attaquée par le Sénat.

La Chambre haute devrait, du reste, voter cet amendement de la commission spéciale, comme c'est souvent le cas. Ensuite le projet de loi partira en commission mixte paritaire. On verra alors les véritables intentions du gouvernement concernant cette loi. Fera-t-il des concessions à la droite sur le sujet de la mixité sociale ? Ce ne sera, dans l'absolu, pas nécessaire. Car si aucun compromis n'était trouvé entre les deux chambres du Parlement, c'est l'Assemblée Nationale, majoritairement à gauche, qui aura le dernier mot.