Réforme des retraites : mobilisation en baisse pour cette dixième journée d'action

Par latribune.fr  |   |  1672  mots
Ce mardi 28 mars, les autorités tablent sur de 650.000 à 900.000 manifestants dans près de 200 villes, dont 70.000 à 100.000 à Paris. (Crédits : YVES HERMAN)
Ce mardi 28 mars, la France connaissait sa dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites marquée par des perturbations dans le transport ferroviaire et aérien et, depuis plusieurs jours, des pénuries dans les stations-service ainsi que des baisses de production d'électricité. Mais la mobilisation des manifestants comme des grévistes était en baisse par rapport à la précédente journée d'action.

[Article publié le mardi 28 mars à 11h10 et mis à jour à 17H15]

C'est une dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites en demi-teinte qui s'est déroulée ce mardi, cinq jours après un sursaut de participation lors de la précédente journée. Nettement moins de monde s'est rassemblé dans les rues de France, notamment au sein du cortège parisien où le nombre était en baisse de l'ordre de 20%, selon le numéro un de la CFDT, Laurent Berger. La CGT a, elle, annoncé 450.000 manifestants, contre 800.000 le 23 mars, les chiffres des autorités n'étant pas immédiatement disponibles.

À Nantes, les syndicats ont revendiqué 60.000 manifestants, quand la préfecture en a dénombré 18.000. Le reflux était souvent encore plus important, en baisse de 30% à 40% à Rennes (13.600 à 25.000), Brest (12.000 à 28.000) ou Bayonne (6.500 à 13.000), jusqu'à 50% à Montpellier (10.000 à 20.000).  À Marseille, malgré leur grand écart habituel, les chiffres de la police (11.000) et des organisateurs (180.000) reculaient ensemble d'un tiers.

Idem dans de plus petites villes, comme Guéret, où les deux estimations, toujours très proches, ont fondu de moitié à 2.000 participants. Le reflux est encore plus spectaculaire à Rodez, où la police a compté 1.200 manifestants, soit cinq fois moins que le 23 mars, et les syndicats 3.000, soit dix fois moins.

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Bien moins qu'escompté

C'est bien moins que les chiffres avancés initialement par les syndicats. « Je m'attends à une forte mobilisation et une détermination des manifestants », avait ainsi prédit sur RMC le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot. Même les autorités tablent sur de 650.000 à 900.000 manifestants dans près de 200 villes, dont 70.000 à 100.000 à Paris. S'attendant à « une présence des jeunes nettement plus importante » dans les cortèges, selon une source policière qui pronostiquait « un doublement, voire un triplement » de leur nombre par rapport aux précédentes mobilisations, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin avait d'ailleurs annoncé un « dispositif de sécurité inédit » composé de 13.000 policiers et gendarmes, dont 5.500 à Paris.

D'autant que, la veille, le président de la République s'est, de nouveau, montré inflexible sur le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans tout en disant voulant « continuer à tendre la main » aux syndicats, lors d'un déjeuner à l'Elysée en présence des ténors du gouvernement et des dirigeants de son camp.

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Un trafic moins perturbé dans les transports

Du côté des grèves, les syndicats s'attendaient déjà à une mobilisation moindre que lors de la précédente journée d'action. En effet, le taux provisoire de grévistes était en baisse, atteignant 16,5% mardi midi à la SNCF. Dans le détail, on comptait 45% de grévistes chez les conducteurs, 24,5% chez les contrôleurs, 18,5% chez les aiguilleurs, 20% au matériel, 19% à l'équipement et 17% dans les services commerciaux et d'information aux voyageurs, selon une source. Ce taux de participation est comparable aux 15% de grévistes comptabilisés à la mi-journée lors de la journée interprofessionnelle de mobilisation, le 15 mars.

La SNCF avait toutefois annoncé que la circulation des trains serait « fortement perturbée » sur certaines lignes, ce mardi, avec notamment 3 TGV sur 5, 1 TER sur 2 et toujours des difficultés en Ile-de-France. SNCF Voyageurs a ainsi recommandé aux voyageurs qui le peuvent d'annuler ou reporter leurs déplacements prévus ce jour-même. Dans le détail, la compagnie prévoyait de faire circuler mardi 60% de ses TGV Inoui et Ouigo, le quart de ses Intercités --mais aucun train de nuit-- et la moitié de ses TER.

En Ile-de-France, le trafic de SNCF Transilien était passablement perturbé, avec 1 train sur 3 sur le RER C, 2 trains sur 5 sur le RER D, et 1 train sur 2 sur la partie SNCF des RER A et B --la RATP prévoyant 3 trains sur 5 de son côté, et les interconnexions étant maintenues-- ainsi que les lignes K et N. La situation s'annonçait toutefois meilleure sur le RER E et la ligne R avec 3 trains sur 5 annoncés, et sur les lignes H, J, L, P et U avec 2 trains sur 3. Enfin, le service était normal sur les trams-trains T4, T11 et T13.

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Du côté de la RATP, les perturbations étaient également moins importantes que lors de la précédente journée de mobilisation. En effet, toutes les lignes de métro étaient ouvertes bien que le trafic restait perturbé. Il était, en revanche, « très perturbé » dans le RER avec 40% des trains supprimés sur les lignes A et B.

Au-delà du transport ferroviaire, l'aérien était, lui aussi, perturbé comme c'est le cas depuis la semaine dernière. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a, ainsi, annoncé, ce mardi, avoir demandé aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs vols jeudi et vendredi, notamment à Paris-Orly, en raison de la grève de contrôleurs aériens contre la réforme des retraites. Ces mesures préventives, exigées par la DGAC pour les 11e et 12e journées consécutives, concerneront jeudi 20% des mouvements à Orly, Marseille et Toulouse, et vendredi 25% des vols à Orly ainsi que 20% de ceux de Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes, a précisé l'administration dans un communiqué.

8,37% de grévistes dans l'Education nationale

Le ministère de l'Education a fait état de 8,37% d'enseignants grévistes mardi pour la dixième journée d'action contre la réforme des retraites, dont 7,60% dans le primaire et 9,13% dans le secondaire (collèges et lycées), dans un communiqué diffusé ce mardi. Du côté des collèges et des lycées, le premier syndicat Snes-FSU comptait mardi midi « autour de 30% de professeurs grévistes », selon sa secrétaire générale Sophie Vénétitay.

Il s'agit d'un effectif de grévistes moins important que prévu. Le Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires, avait en effet estimé lundi 27 mars que 30% des professeurs du primaire seraient en grève mardi. Pour la précédente journée de mobilisation jeudi dernier, le ministère de l'Education avait annoncé un taux d'enseignants grévistes de 21,41%.

Pour expliquer cette plus faible mobilisation par rapport à la précédente, le Snuipp-FSU a avancé lundi le fait que « les journées de mobilisation se succèdent et deviennent un sacrifice financier pour les enseignants (...) Il y a également une préoccupation de leur part de ne pas pénaliser enfants et parents au dernier moment », a expliqué à l'AFP sa secrétaire générale, Guislaine David.

Pénurie de carburant et baisse de la production d'électricité

Autre secteur largement perturbé par les mouvements de grève : l'énergie. A commencer par l'acheminement du carburant. Quelque 15,7% des stations-service de France sont, en effet, en pénurie d'au moins un des carburants (essence et/ou gazole) qu'elles proposaient au 1er mars, d'après l'analyse faite par l'AFP des données du site gouvernemental des prix des carburants, lundi. Parmi elles, 7,4% sont à sec. Le département le plus touché reste la Loire-Atlantique (55,06% des stations en pénurie d'au moins un carburant).

En cause, les blocages dans les dépôts pétroliers et les raffineries. Seules deux des sept que compte la France continuent de produire, celle d'Esso-Exxon-Mobil de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et celle de TotalEnergies de Feyzin (Rhône), qui tourne néanmoins en service à débit réduit, selon la direction du groupe. A l'inverse, la raffinerie de Port-Jérôme-Gravenchon (Esson-ExxonMobil) - dont les expéditions sont toujours bloquées - a été mise à l'arrêt ce week-end, à défaut d'être alimentée en brut du fait de la poursuite du mouvement de grève à la Compagnie industrielle maritime (CIM), sur le dépôt pétrolier du Havre. De même, la raffinerie TotalEnergies dite "de Normandie", à Gonfreville-L'Orcher (Seine-Maritime), est à l'arrêt, a précisé la direction du groupe. Les grévistes ont, d'ailleurs, voté, lundi, la reconduction de leur mouvement pour 72 heures. Selon la direction de TotalEnergies, sur l'ensemble de ses sites, « sur les 304 opérateurs postés ce matin (lundi, ndlr), 32% étaient en grève sur nos sites, soit 98 personnes », s'agissant d'« opérateurs sur le premier quart et non de l'ensemble des salariés des raffineries ».

Le secteur de l'électricité est, lui aussi, touché et les baisses de production se poursuivent. Selon la CGT, 14.763,7 Mégawatts (MG) dans les centrales (nucléaire, thermique et hydraulique) sont ainsi passés aux mains des grévistes en cumulé sur la journée de lundi, soit l'équivalent de la puissance de 14 réacteurs nucléaires.

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En outre, le mouvement de grève entraîne également des « blocages d'arrêts » et d'« activités » sur des chantiers de centrales nucléaires. Deux barrages filtrants ont, ainsi, été mis en place lundi matin à l'entrée de la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne), dont le deuxième réacteur a été mis à l'arrêt dans la nuit.

Les ordures continuent de s'amonceler

Par ailleurs, deux des trois sites parisiens d'incinération des déchets étaient toujours bloqués lundi, trois semaines après le début de la grève contre la réforme des retraites, et 7.300 tonnes d'ordures jonchaient encore les rues de la capitale, ont annoncé la Ville et le syndicat métropolitain Syctom. Le volume de déchets dans les rues de Paris est passé à 7.300 tonnes contre 8.000 dimanche et 10.500 vendredi, selon la mairie.

Côté tourisme, l'accès à la Tour Eiffel était fermé au public mardi. L'appel à la grève des deux syndicats des employés de la société d'exploitation (Sete), la CGT et FO, fait que la Dame de Fer « n'a pas les effectifs pour ouvrir », a précisé la Sete, mais le parvis reste accessible.

(Avec AFP)