
Emmanuel Macron va-t-il trouver une issue face à la colère sociale et l'enlisement politique ? A la veille d'une importante journée de grève et de mobilisation prévue le jeudi 23 mars, Emmanuel Macron a affirmé sa détermination à appliquer la réforme contestée des retraites « avant la fin de l'année » dans un entretien accordé à TF1 et France 2.
Après le séisme provoqué par l'article 49-3 et le rejet à 9 voix près de la motion de censure à l'Assemblée nationale, le chef de l'Etat entend dérouler son programme de réformes tout en condamnant la fièvre de violences des derniers jours. « Les manifestations pour dire que l'on est contre sont légitimes. Les syndicats sont légitimes. A côté de ça, il faut condamner les violences et les blocages », a-t-il tancé. L'intervention du chef de l'Etat a surtout provoqué l'ire des syndicats après son entretien à l'heure du déjeuner aux journaux télévisés avant un programme international particulièrement chargé.
Entre le sommet européen des chefs d'Etat prévu à Bruxelles jeudi et vendredi et la visite du roi Charles III ce week-end, le Président veut tenter de gagner du temps sans vraiment convaincre les oppositions et les syndicats particulièrement remontés contre le passage en force de la réforme des retraites.
Une taxe sur « les entreprises cyniques »
Lors de son entretien au journal de France 2 et TF1, le chef de l'Etat a ravivé le débat sur les superprofits. « Il y a quand même un peu un cynisme à l'œuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions », a déclaré Emmanuel Macron. Le locataire de l'Elysée n'a pas cité de nom d'entreprises précisément.
En revanche, il a demandé au gouvernement de plancher sur une contribution exceptionnelle pour que les salariés puissent « profiter de cet argent ». « Les grandes entreprises doivent distribuer davantage aux salariés », a-t-il expliqué. En 2022, les mastodontes du CAC 40 dans l'énergie, le transport ou le luxe ont dégagé des résultats exceptionnels dans le contexte inflationniste. L'année dernière, les grandes entreprises ont redistribué à leurs actionnaires environ 80 milliards d'euros, dont 23,7 milliards d'euros sous la forme de rachats d'actions selon la lettre spécialisée Vernimmen.
Une taxe aux contours relativement flous
Cette annonce va-t-elle permettre de faire redescendre la colère de certains manifestants qui brandissent des pancartes appelant à taxer les riches ? Rien n'est moins sûr. D'abord, le chef de l'Etat est resté relativement flou sur les contours de cette taxe laissant le soin à l'exécutif de faire des annonces plus précises sur un taux et une assiette. Surtout, le gouvernement a dit et répété qu'il était défavorable à toute hausse d'impôt depuis le début du quinquennat.
Lors du grand raout du Medef à l'hippodrome de Longchamp l'été dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait sur un ton provoquant déclaré qu'il « ne savait pas ce qu'était un superprofit » et s'oppose régulièrement toute hausse de fiscalité. Pourtant, plusieurs économistes et conseillers favorables aux réformes appellent de plus en plus en à mettre en place une nouvelle taxe comme Jacques Attali ou Patrick Artus.
Lors d'une intervention au Sénat jeudi après-midi, Bruno Le Maire a néanmoins apporté quelques précisions. Il s'agit de « trouver le bon équilibre entre la compétitivité des entreprises et la nécessité de mieux partager la valeur », l'idée du gouvernement serait de contraindre les entreprises qui ont les moyens de racheter leurs propres actions sur les marchés à faire davantage profiter leurs salariés de leurs largesses financières. « Nous voulons les obliger à distribuer plus d'intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées lorsqu'elles font du rachat d'action », a-t-il ajouté. Cette proposition de taxe des rachats d'action pourrait être inscrite dans une loi proposée par la députée Aurore Bergé.
Macron veut relancer la bataille du plein emploi en allant chercher les bénéficiaires du RSA
Sur le front social, Emmanuel Macron a relancé « la bataille du plein emploi ». Après avoir égrainé la liste des indicateurs sur le chômage et l'emploi, le quadragénaire a expliqué qu'il fallait « aller chercher ceux qui sont au RSA ». Sans surprise, iI reprend son programme de la présidentielle de 2022 dans lequel il voulait renforcer « les droits et les devoirs » des bénéficiaires des minimas sociaux.
Au lendemain de l'adoption chahutée de la réforme des retraites, cette annonce risque de mettre le feu aux poudres. En effet, le passage de l'âge légal de 62 ans à 64 ans a été vécu par une injustice pour beaucoup de catégories professionnelles, notamment chez ceux qui ont débuté leur carrière jeune et ont commencé à cotiser très tôt. En outre, l'objectif d'Emmanuel Macron d'atteindre le plein emploi est loin d'être gagné. Dans ses dernières projections du mois de mars, la Banque de France table sur une remontée du chômage cette année passant de 7,2% à 7,7% de la population active à la fin de l'année 2023 et 8,3% en 2024.
et la réindustrialisation verte...
Emmanuel Macron a également mis l'accent sur un sujet plus consensuel, l'industrie verte. Actuellement en préparation à Bercy, ce vaste chantier lancé par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et celui de l'Industrie Roland Lescure vise à décarboner l'industrie tricolore.
A l'issue du conseil des ministres ce mercredi midi, Bruno Le Maire a expliqué que « ce texte doit doit permettre de renforcer l'attractivité, la compétitivité et d'assurer la transition énergétique ». Le député Renaissance Guillaume Kasbarian doit présenter ce texte au Parlement à l'été.
... avec le même gouvernement pour élargir sa majorité
Après le 49-3 et l'échec de la motion de censure lundi dernier, la contestation à l'égard de la Première ministre Elisabeth Borne est montée d'un cran. Dans les rangs de l'Assemblée nationale ou dans la rue, beaucoup ont réclamé un remaniement ministériel.
Dans son entretien, le chef de l'Etat a conforté la Première ministre à Matignon. « Le mandat que j'ai donné à Elisabeth Borne est d'élargir sa majorité », a-t-il expliqué. « Malgré une majorité relative à l'Assemblée, beaucoup de textes ont pu passer à l'Assemblée. Le changement est dans l'apaisement et la co-construction de l'agenda avec les parlementaires », a-t-il ajouté. Emmanuel Macron a notamment fustigé tout « immobilisme ».
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