Mobilisation massive contre la réforme des retraites, des annonces attendues la semaine prochaine

Par latribune.fr  |   |  1169  mots
Édouard Philippe devrait annoncer, « en milieu de semaine prochaine », « l'architecture générale » du projet. (Crédits : Reuters)
Entre 806.000 et 1,5 million de personnes ont manifesté, jeudi, dans toute la France contre la réforme des retraites. Le Premier ministre Edouard Philippe, qui prendra la parole la semaine prochaine pour dévoiler "l'architecture générale" du projet, a salué la bonne organisation des manifestations, malgré quelques incidents à Paris notamment. Les conditions de transport devraient demeurer fortement perturbées ce vendredi et la grève sera reconduite lundi à la RATP.

[Article publié à 18h47 et mis à jour à 19h43]

Le Premier ministre Édouard Philippe a salué, jeudi après-midi, la bonne organisation des manifestions et rendu "hommage aux organisations syndicales", au premier jour d'une grève reconductible très suivie contre la réforme des retraites. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 806.000 personnes ont défilé dans toute la France, dont 65.000 à Paris. Selon la CGT, elles étaient jusqu'à 1,5 million au niveau national(*), et 250.000 dans la capitale.

"Dans l'ensemble, les grèves et les manifestations se passent conformément à ce qui était prévu, je voudrais dire qu'il y a eu beaucoup de manifestations organisées en France, et que dans un très grand nombre de villes, elles se sont bien passées car elles ont été bien organisées", a souligné le chef du gouvernement à l'issue d'un déplacement au ministère des Transports, à Paris.

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"C'est une très forte mobilisation dans le public comme dans le privé", s'est réjoui de son côté Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, dans le carré de tête parisien. "Je veux rendre hommage aux organisations syndicales qui les ont encadrées", a déclaré Edouard Philippe, tout en mentionnant "quelques villes où on a constaté des débordements souvent liés à la présence de casseurs qui ne venaient pas pour manifester", dont Paris.

Des incidents ont en effet éclaté dans la capitale vers 16h. Une remorque de chantier a été retournée et incendiée et plusieurs vitrines brisées non loin de la place de la République, tandis que les forces de l'ordre essuyaient des jets de projectile et répliquaient par des tirs de lacrymogène. À 17h, la police recensait 87 interpellations et le parquet 57 personnes en garde à vue en marge de la manifestation. Une partie des manifestants a dû quitter le cortège très tôt, certains tentant de le rattraper par la suite et exprimant leur frustration vis-à-vis de la police ou des "black blocks".

Trafic fortement perturbé ce vendredi

Concernant la situation des transports, le Premier ministre a indiqué que, d'après les prévisions, "l'impact [de la grève] sur le trafic sera probablement comparable" vendredi. 90% des TGV seront en effet annulés, ainsi que 70% des liaisons TER. Du côté du métro, 10 lignes sur 16 seront également fermées. Comme jeudi, il n'y aura aucun métro sur les lignes 2, 3, 3bis, 5, 6, 7bis, 10, 11, 12 et 13, a indiqué la RATP dans un communiqué, tandis qu'un RER A sur deux et un RER B sur trois circuleront aux heures de pointe uniquement.

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La compagnie aérienne Air France a par ailleurs annoncé l'annulation de 30% de ses vols intérieurs et de près de 10% de ses vols moyen-courrier vendredi.

Annonces attendues la semaine prochaine

Selon l'Elysée, Édouard Philippe devrait annoncer, "en milieu de semaine prochaine", "l'architecture générale" du projet. Avant cette prise de parole, le Haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye "achèvera les consultations avec les partenaires sociaux en début de semaine et s'exprimera pour effectuer une synthèse de ces discussions".

Pas d'économies immédiates

Emmanuel Macron en a fait un principe: le futur "système universel" censé remplacer les 42 régimes existants devra être "équilibré financièrement" dès le départ. Pour remettre les compteurs à zéro, il faudrait combler un déficit de 8 à 17 milliards à l'horizon 2025, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites. Mais selon certaines sources, le président de la République souhaite désormais dissocier les deux sujets : la réforme systémique et la réforme paramétrique, pour éviter toute confusion. Bercy, qui plaidait pour une mesure d'âge, aurait perdu cet arbitrage. L'équilibre des retraites pourrait attendre, afin de préserver le principe du régime universel par point.

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Et les options sont limitées: l'exécutif ne veut ni augmenter les cotisations, ni baisser les pensions, ni relever l'âge légal de départ. Reste donc l'option d'un allongement de la durée de cotisation, dont la CFDT ne veut pas entendre parler. "C'est niet", balaie son secrétaire général Laurent Berger, qui prévient que le premier syndicat français "se mobilisera" si cette piste était finalement retenue. Le sujet irrite aussi la CFTC, pour qui "s'il n'y pas de mesure paramétrique, ce serait déjà pas mal", selon sa vice-présidente Pascale Coton.

Une "clause du grand frère"

Le chef de l'État avait promis avant son élection que sa réforme ne concernerait pas "ceux qui sont à moins de 5 ans de la retraite". À l'opposé, les cheminots de l'Unsa et de la CFDT demandent qu'elle ne s'applique qu'aux nouveaux entrants à la SNCF. Une "clause du grand-père" jugée "impossible" par M. Delevoye car, "si on la fait pour une profession, il faut la faire pour tout le monde"."La généraliser serait un renoncement", acquiesce Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT.

"Entre ces deux extrêmes, on doit pouvoir trouver le bon curseur", veut croire le Premier ministre. En guise de compromis, le numéro un de l'Unsa, Laurent Escure, propose une "clause du grand frère" qui "protégerait tous les régimes" pour les 10 à 15 prochaines années. On évoque ainsi le report de l'application de la réforme, initialement prévue pour la génération 1963 en 2025, à la génération née en 1973 voire 1975.

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Des "garanties" ciblées

Le président de la République admet que "certaines professions" pourraient être "lésées" par sa réforme, notamment les personnels hospitaliers et les enseignants.

Face à l'ampleur de la mobilisation dans l'Éducation nationale, le ministre Jean-Michel Blanquer assure que "les pensions ne baisseront pas". Mais l'Unsa exige "des garanties de revalorisation pour les profs". Des gages que le Premier ministre s'est "engagé à inscrire dans la loi", sans toutefois évoquer la question salariale.

À la SNCF et à la RATP aussi, les personnels attendent "des compensations pour ne pas y perdre", même si "le sujet est plutôt celui de l'âge de départ", observe Frédéric Sève, de la CFDT, qui juge que le gouvernement "a intérêt à lâcher du lest" sur ce point.

Il l'a déjà fait pour les policiers et les contrôleurs aériens, assurés de conserver leur droit à un départ anticipé à 57, voire 52 ans. Un statu quo envié par d'autres, comme les chauffeurs routiers. "Chacun a ses propres revendications", souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière.

(*)La CGT parle de "plus de 250 manifestations" dans toute la France.

(Avec AFP)