Négociations ou "Grexit" : gauche et droite françaises s'opposent

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  913  mots
Alain Juppé, candidat à la primaire à droite, plaide pour une sortie "sans drame" de la Grèce de la zone euro.
La crise grecque alimente les joutes politiques franco-françaises. Si Alain Juppé plaide pour un "Grexit sans drame". Jean-Christophe Cambadélis et d'autres leaders de gauche, eux, plaident pour une reprise des négociations et appellent à une refondation de l'Europe.

C'est assez symptomatique, alors que le dossier grec concerne l'ensemble de l'Europe, la victoire du « Non » lors du referendum hellénique provoque un débat... franco-français qui oppose droite et gauche. A droite, globalement, on commence à prendre acte qu'une sortie de la Grèce de la zone euro serait la meilleure chose. A l'inverse, à gauche, on plaide plutôt pour une reprise des négociations avec le gouvernement d'Alexis Tsipras.

Juppé pour un "Grexit" tranquille


Il faut dire qu'Alain Juppé (Les Républicains) a jeté un sacré pavé dans la mare en demandant dans un billet publié sur son blog à l'Union européenne d'organiser la sortie de la Grèce de la zone euro, ce que l'on appelle le « Grexit » :


« La Grèce n'est plus en mesure aujourd'hui d'assumer des disciplines de la zone euro. Chercher à l'y maintenir à tout prix, par des arrangements de circonstance, fragiliserait l'ensemble du système. Nous devons l'aider à organiser sa sortie, sans drame. Ce qui ne veut pas dire qu'elle doit aussi sortir de l'Union ».


Des propos qui ne sont pas pour rassurer des places boursières déjà très fortement dans l'expectative au lendemain de la victoire du « Non ». Ainsi, la bourse de Paris perdait 2,01% à la clôture et Wall Street ouvrait à la baisse.

Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a rejeté l'idée d'Alain Jupé : « A titre personnel je ne partage pas du tout cet avis (...). Il y a une responsabilité collective en terme de solidarité et de refinancement ». Le ministre appelle « à reprendre des discussions politiques avec la Grèce ». Mais, un peu plus tard, répondant à des lecteurs du quotidien La Provence, le même Emmanuel Macron a déclaré dans un singulier raccourci: "Le FN est un Syriza à la française, c'est le repli sur soi"...Dérapage non contrôlé?


Luc Chatel (Les Républicains) semble se rallier aussi à cette idée de Grexit . Il estime que si une « alternative » n'est pas trouvée dans les 48 heures, la Grèce « sortira de la zone euro ».
Éric Woerth, ancien ministre du Budget et conseiller politique de Nicolas Sarkozy, a lui aussi tenu des propos à peine moins durs que ceux d'Alain Juppé. Pour lui, une sortie de la Grèce de la zone euro ne serait « pas très grave » car la Grèce ne pèse pas grand chose. Mais, dans le même temps, il reconnaît que, niveau des principes, "c'est grave". De fait c'est le principe de l'irréversibilité de l'euro qui en prendrait un coup.
Mais, surtout, Eric Woerth souhaite que les négociations à venir sur la Grèce continuent d'imposer des réformes à ce pays : « On maintient les réformes et puis ensuite on discute du calendrier d'une nouvelle restructuration de la dette grecque ».

Le couple franco-allemand à l'épreuve


Une façon de faire pression sur François Hollande, tenté d'adopter une attitude plus ouverte qu'Angela Merkel - les deux dirigeants se rencontreront ce soir à Paris - à l'occasion de la tenue de l'Eurogroupe et du sommet des dirigeants de la zone euro qui se tiendront demain mardi à Bruxelles pour adopter la marche à suivre vis-à-vis de la Grèce. L'Allemagne ne veut pas entendre parler d'un nouveau plan d'aide à la Grèce, via une restructuration de sa dette. La France est sur une ligne moins dure, le ministre des Finances Michel Sapin appelle les grecs « à faire de nouvelles propositions »... façon de ne pas complètement fermer la porte.
Benoit Hamon, l'ancien ministre PS de l'Education Nationale, voit dans la position allemande très fermée, une occasion rêvée pour François Hollande « de reprendre le leadership ». Pour lui : "François Hollande, qui voulait peser sur les institutions européennes, a une opportunité historique de le faire et de proposer à l'Europe qu'elle ne se contente pas de coordination budgétaire".

Cette "exigence démocratique" à impulser en Europe passe selon lui par:

"un budget commun de la zone euro", "une harmonisation fiscale", en particulier sur le taux de l'impôt sur les sociétés, et "une convergence sur des questions sociales", comme l'égalité hommes-femmes et le salaire minimum."

Vers une refondation de l'Europe?


Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du PS, veut lui aussi profiter de la crise grecque pour encourager une refondation de l'Europe:

"il faut négocier, toujours négocier. Derrière tout cela, il y a deux conceptions qui s'affrontent. Celle qui dit, comme l'évoquait Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne), que la démocratie n'a pas la place en Europe et que c'est seulement les traités qui doivent fonctionner, et celle qui dit que la démocratie existe et que l'Europe s'est toujours construite sur des compromis".
"Plutôt que l'éviction de la Grèce en catimini", "je préfère une situation qui permette un compromis fiable et durable", a résumé le premier secrétaire du PS, dénonçant "l'ordo-libéralisme développé par certains contre une conception solidaire et de compromis de la construction européenne".

Mais surtout, le Premier secrétaire n'a pu s'empêcher de tacler Nicolas Sarkozy en des termes plutôt rudes:

"Il s'est planté sur toute la ligne, l'excité du bocal qui nous a conduit à la situation telle qu'elle est aujourd'hui parce que c'est lui qui a refusé le référendum sur l'Europe proposé par Papandréou (en) son temps.

Décidément, en France, tout est bon pour alimenter les querelles politiques internes...