Nicolas Sarkozy condamné en appel : l'affaire des « écoutes » en cinq dates clés

Par latribune.fr  |   |  1438  mots
Nicolas Sarkozy a été condamné en appel à trois ans de prison, dont un an ferme, ce mercredi. (Crédits : STEPHANE MAHE)
Ce mercredi 17 mai, Nicolas Sarkozy a été condamné en appel à trois ans de prison, dont un an ferme sous bracelet électronique, au terme de dix ans d'une affaire politique aux multiples rebondissements... et qui devrait se poursuivre puisque l'ancien président se pourvoit en cassation. Des écoutes, à la révélation de l'existence de Paul Bismuth en passant par les multiples recours en justice, retour sur cette affaire en cinq dates clés.

C'est une première dont la France se serait bien passée. Ce mercredi, l'ancien président, Nicolas Sarkozy, a été condamné en appel à trois ans de prison, dont un an ferme, une première dans l'histoire de la République et pour un ancien chef de l'Etat. Une condamnation en appel pour « corruption et trafic d'influence » qui intervient dans l'affaire des « écoutes ». Cette décision vient confirmer le jugement de première instance en 2021.

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Fustigeant une décision « stupéfiante, inique et injuste », son avocate Jacqueline Laffont a immédiatement annoncé qu'elle allait « former un pourvoi en cassation, pourvoi qui est suspensif de toutes les mesures qui ont été prononcées aujourd'hui ».

L'ancien président de 68 ans a été condamné aux côtés de son avocat historique Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, eux aussi, reconnus coupables d'avoir noué un « pacte de corruption » avec Nicolas Sarkozy en 2014 et condamnés à la même peine. L'ex-président a été en outre condamné à une privation de ses droits civiques pendant trois ans, ce qui le rend inéligible, tout comme Gilbert Azibert. Me Herzog s'est vu, lui, infliger une interdiction d'exercer sa profession d'avocat pour une durée de trois ans également.

Retour sur cette affaire en quatre dates clés :

Fin 2013 : la mise sur écoute

Fin 2013, les juges d'instruction chargés de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 décident de brancher les deux lignes de Nicolas Sarkozy. Celui qui a occupé les fonctions de président de la République de 2007 à 2012 est soupçonné d'avoir réceptionné plusieurs millions d'euros entre 2006 et 2007 par l'intermédiaire du Franco-libanais Ziad Takieddine pour financer sa campagne. Nicolas Sarkozy était alors ministre de l'Intérieur. Une information judiciaire a été ouverte le 19 avril 2013 et c'est dans ce cadre que les juges Serge Tournaire et René Grouman décident de le mettre sur écoute.

Lors de ces écoutes, les juges découvrent des éléments compromettants concernant une autre affaire. Ils découvrent, en effet, l'existence d'une troisième ligne téléphonique, officieuse et achetée le 11 janvier 2014 sous l'identité de « Paul Bismuth », une connaissance de lycée de Me Herzog. Elle est, d'ailleurs, uniquement dédiée aux échanges entre les deux hommes.

Le résultat de ces écoutes, diffusées pour la première fois au procès en appel, concerne l'affaire Bettencourt du nom de la richissime héritière de L'Oréal (affaire dans laquelle Nicolas Sarkozy a obtenu un non-lieu). Les juges y apprennent que Nicolas Sarkozy, alors dans l'attente d'une décision de la Cour de cassation dans le cadre de cette enquête, s'engage à faire monter le magistrat Gilbert Azibert ou à faire une « démarche » en sa faveur pour un poste honorifique à Monaco. En échange, l'homme politique et son avocat auraient tenté d'obtenir auprès du magistrat des informations concernant la saisine par la justice de ses agendas.

Juillet 2014 : La mise en examen

Dans la nuit du 1er et 2 juillet 2014, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour « corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel » après avoir été placé en garde à vue la veille - une première historique pour un président français - et suite à l'ouverture d'une une enquête contre X pour trafic d'influence et violation du secret de l'instruction, le 26 février 2014. Il en va de même pour Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert.

Mars 2016 - la confirmation des écoutes

Les trois mis en examen tentent en vain de faire annuler les écoutes en contestant leur légalité, mais le 7 mai 2015, elles sont validées par la Cour d'appel de Paris puis par la Cour de cassation le 22 mars de l'année suivante, ouvrant ainsi la voie à un possible procès de l'ancien homme fort de la droite alors que ce dernier nourrit des ambitions pour la présidentielle de 2017. Ainsi, pour les magistrats de la Cour de cassation, le contenu des écoutes entre Nicolas Sarkozy et son avocat « révèle des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale ». La justice n'a toutefois pas validé les écoutes entre Me Herzog et son bâtonnier, Pierre-Olivier Sur.

Ce qui n'empêche pas l'avocat, ainsi que l'homme politique et le haut magistrat d'être renvoyés en correctionnelle le 26 mars. Thierry Herzog et Gilbert Azibert le sont, en plus, pour violation du secret professionnel. Malgré leur décision de faire appel, la Cour de cassation leur donne, une nouvelle fois, tort et valide leur renvoi devant la justice en juin 2019.

Mars 2021 - Condamnation par le tribunal correctionnelle de Paris

Le 23 novembre 2020 s'ouvre le procès de l'ancien chef d'Etat qui dénonce un « scandale qui restera dans les annales », promettant d'être « combatif » et assurant ne pas être « un pourri ». Il encourt alors dix ans de prison et un million d'euros d'amende. Le 10 décembre, le procès prend fin et le jugement est mis en délibéré au 1er mars 2021.

A cette date, Nicolas Sarkozy, Gilbert Azibert et Thierry Herzog sont condamnés à trois ans d'emprisonnement dont un an ferme pour corruption et trafic d'influence. « La preuve du pacte de corruption ressort d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d'amitié noués entre les protagonistes », a ainsi estimé le tribunal. Nicolas Sarkozy, qui a été « garant de l'indépendance de la justice, s'est servi de son statut d'ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel », a, en outre, déclaré la présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, Christine Mée.

Après ce « jugement extrêmement sévère » et « totalement infondé et injustifié », Nicolas Sarkozy « est calme mais déterminé à poursuivre la démonstration de son innocence », assure alors, son avocate, Me Jacqueline Laffont. Et pour cause, l'homme politique, ainsi que les deux autres mis en cause, fait appel. Thierry Herzog a, en effet, écopé de trois ans de prison, dont deux avec sursis, assortis de cinq ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat et Gilbert Azibert de trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis.

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18 mai 2023 : Nicolas Sarkozy est condamné en appel

Le procès en appel s'ouvre le 5 décembre 2012. Huit jours plus tard, au terme d'un réquisitoire de plus de trois heures, les avocats généraux requièrent une peine de trois ans de prison avec sursis à l'encontre de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert

A la barre, Nicolas Sarkozy conteste « avec la plus grande force » les accusations qui pèsent contre lui, réaffirmant n'avoir « jamais corrompu qui que ce soit ». En vain. Ce mercredi, la Cour d'appel ira finalement au-delà de ces réquisitions et condamne l'ancien président à trois ans de prison, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique, ainsi qu'à une privation de ses droits civiques pendant trois ans. Même condamnation pour Gilbert Azibert et Me Herzog qui écope également d'une interdiction d'exercer sa profession d'avocat pour une durée de trois ans également.

En effet, pour la Cour d'appel, il y a bien eu un « pacte de corruption ». En échange d'un coup de pouce pour le poste honorifique à Monaco, le magistrat a tenté d'influer sur un pourvoi en cassation formé par l'ex-président. « Certes, les actes entrepris n'ont pas eu la réussite escomptée », Gilbert Azibert n'ayant pas eu le poste en question, « mais cette affaire n'en demeure pas moins d'une gravité certaine en termes d'atteintes à nos institutions et à la confiance publique », a estimé la Cour.

Nicolas Sarkozy devient ainsi le premier ancien président condamné à de la prison ferme, son ancien mentor Jacques Chirac s'étant vu infliger en 2011 deux ans de prison avec sursis dans le dossier des emplois fictifs de la ville de Paris.

D'autant que d'autres menaces de condamnation pèsent sur l'homme politique qui sera rejugé en appel à l'automne dans l'affaire « Bygmalion » après une condamnation à un an de prison ferme en septembre 2021. Cette dernière porte sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012. Il pourrait également devoir affronter un nouveau procès retentissant, le PNF ayant requis jeudi son renvoi en correctionnelle dans l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Cette même affaire pour laquelle les juges d'instruction l'ont, initialement, mis sur écoute...menant à la condamnation de ce mercredi.

(Avec AFP)