Nitrate d'ammonium : la France représentait "8% de la consommation mondiale" en 2017

Par AFP  |   |  734  mots
(Crédits : © Jean Philippe Arles / Reuters)
À l'origine des explosions au Liban mardi 4 août, le nitrate d'ammonium est très présent dans l'Hexagone. Ce produit est notamment utilisé dans les engrais pour l'agriculture.

Importatrice et productrice, la France est friande de nitrate d'ammonium, substance chimique à l'origine des explosions à Beyrouth, entourée d'une règlementation particulièrement stricte en Europe depuis le drame d'AZF en 2001.

8% de la consommation mondiale

La France consomme d'importantes quantités de nitrates d'ammonium, principalement pour l'agriculture sous forme d'engrais azoté, l'ammonitrate. Le reste est employé pour produire des explosifs, notamment dans le secteur minier et des travaux publics, avec une concentration plus élevée et donc plus dangereuse, selon le cabinet IHS.

En 2017, la France a importé 332.694 tonnes de nitrate d'ammonium et 823.727 tonnes de nitrate d'ammonium calcique (un mélange de nitrate d'ammonium et de carbonate de calcium) rien que pour les besoins de l'agriculture, selon l'Agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO). Elle représentait 8% de la consommation mondiale, selon la fédération internationale des fertilisants (IFA).

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Une dizaine de millions de tonnes de fertilisants minéraux sont utilisés en France sur une année, selon le ministère de la transition écologique, dont 5 à 6 millions d'engrais azotés.

Benoît Labouille, qui cultive en Gironde du maïs, du colza et des légumes, utilise ainsi chaque année "un peu plus de 10 tonnes" d'ammonitrate, "sur presque toutes les cultures en conventionnel", explique-t-il à l'AFP. Cet engrais est "très utile", dit-il, car "directement assimilable par la plante" qui a besoin d'azote pour se développer.

La quantité totale stockée en France varie fortement au cours de l'année. "Les engrais produits ne restent pas plus de quelques semaines sur les sites industriels, et sont consommés dans l'année", a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'union des industries de la fertilisation (Unifa). "C'est un produit qui voyage très peu, on est vraiment sur du flux tendu en fonction des besoins agricoles."

108 sites sous surveillance

"Le risque zéro n'existe pas", assure-t-on à l'Unifa, "mais en France on a une industrie qui tend vers cela. A ma connaissance, en France, un stock d'ammonitrate qui soit resté six ans sans être contrôlé, surveillé, tracé, ça n'existe pas."

Près de deux décennies après l'accident meurtrier d'AZF à Toulouse, les explosions de Beyrouth ravivent pourtant les inquiétudes des associations.

"Les risques sont multiples", alertait mardi le président de Robin des Bois sur RTL. "Il y a sur les quais de Saint-Malo entre 3.000 et 4.000 tonnes de nitrate d'ammonium qui séjournent pendant plusieurs semaines avant que les camions viennent les charger et les distribuer dans les coopératives agricoles. Et il y a un risque camion aussi à ne pas négliger."

Depuis la fin des années 1980, le gouvernement a recensé dix incidents en France susceptibles d'avoir impliqué le nitrate d'ammonium, plus que dans n'importe quel autre pays. Le plus meurtrier reste celui de l'usine AZF à Toulouse, qui avait fait 31 morts et 2.500 blessés dans l'explosion de 300 tonnes de nitrate d'ammonium.

La législation européenne a été depuis renforcée, notamment pour le stockage, encadré par la directive Seveso 3. Dans l'hexagone, 108 sites classés Seveso stockent des ammonitrates. Le ministère de la Transition écologique recense 16 entrepôts Seveso haut (plus de 2.500 tonnes pour les ammonitrates les plus courants) et 31 sites Seveso bas (à partir de 350 tonnes de nitrate d'ammonium.

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Tests de détonabilité

Ilots de taille réduite et séparés, distanciation des sources de chaleur, détecteurs de fumée, nettoyages et surveillances régulières sont également imposés. De même que des critères techniques précis.

Pour les produits fortement concentrés en nitrate d'ammonium utilisés comme fertilisants, le règlement européen exige une épreuve de détonabilité. "Mais ces essais n'étant réalisés que sur quelques kilogrammes, un essai négatif ne signifie pas que le produit est incapable de détoner à plus grande échelle ou dans des conditions de stockage inadaptées ou dégradées", nuance Marie-Astrid Soenen, responsable à la direction des risques accidentels à l'Institut français de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

Le nitrate d'ammonium explose au contact de produits incompatibles comme des combustibles, s'il est exposé à une forte source de chaleur, ou à la suite d'un impact violent avec un projectile.

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