Nouvelles compétences des régions et des départements : une loi pour rien ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  825  mots
Le projet de loi sur les nouvelles compétences des collectivités locales ne brille pas par sa simplicité
Le projet de loi portant sur la "nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a été adopté par l'Assemblée nationale. Mais ses objectifs initiaux de simplification et de rationalisation se sont perdus en chemin, au grand dam des sénateurs UMP.

A boulets rouges ! Le groupe UMP du Sénat estime que le gouvernement a « tout faux » avec le projet de loi « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) voté ce mardi 10 mars par l'Assemblée nationale et qui doit revenir en deuxième lecture devant le Sénat début juin.

« Tout faux » tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme d'abord, car pour Bruno Retailleau, président du groupe UMP au Sénat, il est tout à fait inconcevable que « les candidats aux élections départementales des 22 et 29 mars ne connaissent pas eux-mêmes les compétences qu'ils devront exercer »... puisque la loi n'est pas encore définitivement adoptée.

Sur le fond, car la loi ne remplit pas ses objectifs de simplification. Par exemple, pour les sénateurs UMP très remontés, les nouveaux schémas d'aménagement du territoire et de développement économique qui devront être élaborés au niveau de chaque région sont trop « prescriptifs » alors qu'il aurait fallu de la « compatibilité » avec les missions menées par les départements. Quant à la possibilité pour les régions de déléguer à une autre structure territoriale une compétence qui vient de leur être octroyée (par exemple l'aide aux entreprises où les transports scolaires), « c'est vraiment l'inverse de la clarification qui était pourtant l'un des objectifs de la loi », explique le sénateur Jean-Jacques Hyest, rapporteur du projet de loi NOTre.

"Les départements sont sauvés"

En revanche, les sénateurs UMP se félicitent « d'avoir sauvé les départements » alors que l'objectif initial de Manuel Valls était de les supprimer à l'horizon 2020. De fait, finalement, les départements, outre leurs compétences sociales comme le versement du RSA, vont garder la gestion des collèges et de la voirie alors que le gouvernement voulait la transférer à la région. Une majorité de députés et de sénateurs ont refusé un tel transfert. Ce qui fait dire à Bruno Retailleau : « le gouvernement a été battu sur les routes à l'Assemblée nationale ». En revanche, pour les transports scolaires, à la différence des sénateurs, les députés ont voté le transfert de leur gestion aux régions.... Mais comme celles-ci pourront la déléguer.

En revanche, les sénateurs UMP ne comprennent pas pourquoi le gouvernement a refusé de décentraliser la politique de l'emploi en en confiant le pilotage aux régions. « Le ministère du Travail était vent debout devant cette idée, il avait peur de gros troubles à Pôle Emploi », avance Jean-Jacques Hyest. Pour les sénateurs UMP, il y avait en effet un vraie logique à confier la politique de l'emploi aux régions dès lors que celles-ci étaient compétentes en matière de développement économique, d'orientation, de formation professionnelle et d'apprentissage.

Les sénateurs UMP trouvent aussi « ridicule » que l'Assemblée nationale ait voté le relèvement de la taille minimales des intercommunalités de 5.000 à 20.0000 habitants "mais avec tellement de dérogations pour les zones montagnardes, les zones à faible densité démographique, etc. que c'est illisible. Nous revoterons par amendement en deuxième lecture le maintien à 5.000 habitants".

L'épineux problème de la fiscalité locale


Reste le problème de la fiscalité. Dans son projet initial, le gouvernement souhaitait transférer aux régions environ 14 milliards d'euros de dépenses jusqu'ici assumées par les départements - sur un total d'environ 60 milliards d'euros. Avec les moindres transferts finalement prévus, cette somme transférée tombe à 4 milliards d'euros. « En vérité, c'était une façon de mettre la main sur la part de la Cotisation sur la Valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue par les départements », explique Jean-Jacques Hyest. « Mais que va-t-il se passer maintenant ? On n'en sait rien encore. Or si nous avons sauvé les compétences des départements, il n'en va pas de même du point de vue financier car il sont asphyxiés du fait de la baisse de la dotation générale de fonctionnement, des moindres rentrées de TIPP du fait de la baisse du prix du pétrole et des moindres taxes perçues sur les ventes du foncier bâti du fait de la chute des transactions ».

En tout état de cause, pour le groupe UMP du Sénat, la loi NOTRe souffre d'un péché originel expliqué par Bruno Retailleau : « Le gouvernement aurait dû commencer par s'interroger sur les missions déconcentrées de l'Etat. Faire un bilan et voir ce qui pouvait être confié aux collectivités locales. C'est à partir de là qu'aurait dû être déterminées les compétences des uns et des autres. Mais cela n'a pas été fait ». Le projet de loi NOTRe va revenir en deuxième lecture au Sénat à compter du mois de juin. Les lignes vont donc encore bouger.... Et dire qu'il devait s'agir d'un projet de simplification.