Paris : Anne Hidalgo s'émancipe de la tutelle de l'Etat

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  892  mots
La maire (PS) de Paris Anne Hidalgo marque des points. Après avoir obtenu le droit d'être la seule à pouvoir accorder les dérogations en matière de repos dominical, elle vient maintenant d'obtenir de nouvelles compétences pour la capitale ainsi que la possibilité de "fusionner" les quatre premiers arrondissements parisiens.
Un projet de loi reprend quasiment à la lettre le projet de réforme des statuts de la ville de Paris élaboré par Anne Hidalgo. La mairie aura davantage de compétences s'agissant de la sécurité et de la voirie. Le redécoupage des arrondissements est également acté.

La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), va être davantage chez elle dans sa ville en récupérant des pouvoirs qui, jusqu'ici, pour des raisons historiques, lui échappaient. Progressivement, Anne Hidalgo réussit à émanciper Paris du pouvoir central. Un projet de loi allant dans ce sens a en effet été adopté mercredi 3 août en conseil des ministres. Une victoire pour Anne Hidalgo qui avait fait de la "reconquête" de plusieurs compétences l'un de ses principaux combats depuis le début de sa mandature, et qui avait fait voter en début d'année par le Conseil de Paris un projet de réforme des statuts allant dans ce sens.

Sur le fond, en réalité, le projet de loi tend à faire de Paris une collectivité "normale" et non plus dotée d'un statut exceptionnel lié à son rôle de capitale de la France. C'est en effet en 1800 que Napoléon, alors Premier consul, avait placé la capitale sous l'autorité du préfet de Police pour de nombreuses compétences liées à la circulation et à la sécurité.

La mairie récupère des compétences pour la voirie et la sécurité

Dans le détail, à compter du 1er janvier 2017, la mairie sera compétente pour : la verbalisation du stationnement payant et du stationnement gênant (le personnel affecté à ses taches sera transféré de la préfecture de police à la mairie de Paris et permettra de constituer une brigade de 1.800 agents chargés de la lutte contre les nuisances quotidiennes) ; la gestion des fourrières automobiles ; la sécurité des parties communes des immeubles d'habitation ; la police des baignades ; la réception des demandes de cartes nationales d'identité et des demandes de passeports, etc.

Autant de domaines qui, jusqu'ici, et c'est souvent peu connu, relevaient de la compétence de la préfecture de police de Paris. Cependant, sur les "axes essentiels à la sécurité à Paris", le préfet de police continuera de disposer d'un "pouvoir de prescription dans le cadre des projets d'aménagement de voiries engagés par la mairie dans le but de garantir la fluidité de la circulation des véhicules de secours et de sécurité"... On sait, en effet, que la mairie de Paris souhaite restreindre de façon drastique la circulation automobile dans le centre de Paris.

Le département de Paris est supprimé

Par ailleurs, autre particularité datant d'une loi de 1964, la Ville de Paris est à la fois une commune et... un département. Le projet de loi explique que "l'existence de deux collectivités intervenant sous la direction d'une même assemblée délibérante - le conseil de Paris - est source de complexité. L'existence de deux budgets est difficilement compréhensible".

Dès lors, à compter du 1er janvier 2019, ces deux collectivités seront fusionnées et remplacées par une nouvelle collectivité "à statut particulier", dénommée "Ville de Paris".

Une "fusion" des quatre premiers arrondissements

Mais le projet de loi a aussi une dimension politique en officialisant un autre projet cher à Anne Hidalgo : le regroupement des quatre premiers arrondissements de Paris, les plus centraux.

Ainsi, à partir des prochaines élections municipales de 2020, il y aura un maire unique pour les 1er ,2e, 3e et 4e arrondissements qui garderont cependant chacun leur code postal. Pour le projet de loi, "cette fusion permet de corriger d'importants écarts de représentativité des parisiens". De fait, la représentativité moyenne par conseiller de Paris est de 13.000 habitants, alors qu'elle est de 17.000 dans le 1er et seulement de 11.000 dans le 2e. D'après le projet de loi, le nouveau secteur comptera 8 sièges de conseillers de Paris pour un total de 101.764 habitants, soit un siège pour 12.720 habitant, c'est à dire quasiment la moyenne parisienne. Le groupe UDI-MoDem de Paris a dénoncé le "calcul politicien" de la fusion des quatre premiers arrondissements, évitant, selon le groupe, à l'exécutif actuel de perdre le IVe arrondissement où la majorité avait gagné de justesse en 2014 avec... 55 voix d'avance. Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, la chef de file du parti "Les Républicains" à Paris, elle ne voit dans la fusion de ces arrondissements qu' "une logique politicienne".

La mairie aussi compétente pour l'ouverture dominicale

Reste que, incontestablement, Anne Hidalgo est en train d'asseoir son autorité à Paris et marque pas mal de points actuellement. Il y a en effet quelques semaines, la maire de Paris a remporté son bras de fer contre le ministre de l'Economie Emmanuel Macron. Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par la mairie de Paris, a jugé que, comme dans les autres communes, c'était au maire de Paris et non au préfet de fixer le nombre de dimanches, dans la limite de douze par an, durant lesquels les commerces de détail peuvent ouvrir.

De fait, la "loi Macron" du 6 août 2015 avait confirmé le régime particulier qui s'appliquait pour la ville de Paris en matière de repos dominical des salariés des commerces de détail. Contrairement aux maires des autres communes de France, le maire de Paris n'aurait donc pas eu le pouvoir de supprimer, dans la limite de douze fois par an, le repos hebdomadaire dominical, cette compétence étant dévolue au préfet. Mais le Conseil constitutionnel a donc rétabli la mairie dans ce droit.