Paris décentralisé, Paris administré, mais Paris libéré... de l'Etat !

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  873  mots
La maire PS de Paris Anne Hidalgo va disposer de davantage de pouvoirs aux dépens de l'Etat avec l'adoption du nouveau statut de la capitale.
La loi réformant le statut de la capitale a été définitivement adoptée. La Mairie récupère des compétences appartenant jusqu'ici au préfet de police. Et, sujet qui fait polémique avec l'opposition de droite, les quatre premiers arrondissements de Paris sont fusionnés.

Anne Hidalgo, la maire PS de Paris, peut être satisfaite. Après deux ans de concertation, notamment entre les services de l'Etat et ceux de la capitale, l'Assemblée nationale a adopté définitivement le 16 février un projet de loi relatif « au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain ». Une loi qui donne davantage de latitude à la maire pour administrer la ville.  Mais, point noir, sur un sujet qui aurait pu être consensuel, les élus UDI et « Les Républicains » (LR) ont voté contre le texte qu'ils jugent « électoraliste » et destiné à servir les intérêts politiques d'Anne Hidalgo.

Incontestablement, ce texte constitue une victoire pour Anne Hidalgo qui avait fait de la "reconquête" de plusieurs compétences l'un de ses principaux combats depuis le début de sa mandature. La maire s'émancipe ainsi de la tutelle de l'Etat.

 La Mairie récupère des compétences dévolues au préfet

Sur le fond, en réalité, la loi tend à faire de Paris une collectivité "normale" et non plus dotée d'un statut exceptionnel lié à son rôle de capitale de la France. C'est en effet en 1800 que Napoléon, alors Premier consul, avait placé la capitale sous l'autorité du préfet de Police pour de nombreuses compétences liées à la circulation et à la sécurité.

Dans le détail, la mairie sera à l'avenir compétente pour : la verbalisation du stationnement payant et du stationnement gênant (le personnel affecté - dont les fameuses « pervenches »- à ces taches sera transféré de la préfecture de police à la mairie de Paris et permettra de constituer une brigade de 1.800 agents chargés de la lutte contre les nuisances quotidiennes) ; la gestion des fourrières automobiles ; la sécurité des parties communes des immeubles d'habitation ; la police des baignades ; la réception des demandes de cartes nationales d'identité et des demandes de passeports, la police des funérailles, etc.

Autant de domaines qui, jusqu'ici, et c'est souvent peu connu, relevaient de la compétence de la préfecture de police de Paris. Dans un communiqué, Anne Hidalgo s'est d'ailleurs félicitée de l'adoption de la loi, saluant « le retour de la ville de Paris au droit commun en récupérant des compétences aujourd'hui exercées de façon dérogatoire par l'Etat"

Paris ne sera plus une commune et...  un département

Autre mesure phare attendue avec impatience par Anne Hidalgo, il est mis fin à une particularité datant d'une loi de 1964 faisant de Paris à la fois une commune et... un département. Le projet de loi expliquait que "l'existence de deux collectivités intervenant sous la direction d'une même assemblée délibérante - le conseil de Paris - est source de complexité. L'existence de deux budgets est difficilement compréhensible"

Aussi donc, ce double statut ville-département de la capitale est supprimé avec la création d'une collectivité à statut particulier dénommée "Ville de Paris". C'est ce que préconisait un rapport de la chambre régionale des comptes dans un rapport de 2014.

La très polémique fusion des quatre premiers arrondissements

Un autre sujet fait nettement plus polémique, notamment dans les rangs de l'opposition municipale. La loi prévoit en effet qu'à l'horizon 2020, " pour tenir compte des nouveaux équilibres démographiques et créer de nouvelles synergies, les conseils et les services des quatre arrondissements centraux [ les 1er, 2e, 3e et 4e] vont être regroupés. Aux prochaines élections municipales, les habitants de ces quatre arrondissements éliront un seul Conseil d'arrondissement pour l'ensemble de ce secteur, et n'auront plus qu'un seul Maire d'arrondissement".

Le projet de loi notait en effet une représentativité moyenne par conseiller de Paris de 13.000 habitants, alors qu'elle est de 17.000 pour le Ier et de 11.000 pour le IIe.

La « patronne » du groupe « Les Républicains » au Conseil de Paris, la députée Nathalie Kosciusko-Morizet, a estimé que cette réforme visait à offrir une "circonscription sur mesure" à la maire [Anne Hidalgo est actuellement élue du 15e arrondissement] et à "transformer le centre de la capitale en forteresse du socialisme municipal".

Pour sa part, Jean-François Legaret, l'actuel maire « LR » du 1er arrondissement, a estimé qu'une telle mesure risquait de le condamner mathématiquement lors des prochaines élections municipales de 2020, les trois autres arrondissements avec lesquels le 1er sera fusionné étant mathématiquement acquis à la majorité d'Anne Hidalgo.

Par ailleurs, la loi va donner « davantage de pouvoirs et de responsabilités aux Maires d'arrondissements », par exemple dans le domaine de la propreté. Pour autant, les maires d'arrondissement, au grand dam de l'opposition, n'auront pas la gestion d'agents dédiés. Dans un communiqué le groupe « LR » de Paris évoque une «  gigantesque occasion gâchée ». L'opposition souhaitait en effet que les arrondissements disposent davantage de compétences en matière d'urbanisme, d'entretien, de voirie et de logement... Le tout aux dépens de la mairie centrale.

7 nouvelles métropoles

Enfin, il est à noter que la loi ne s'intéresse pas qu'à Paris. Elle constitue en fait une nouvelle étape dans la décentralisation en instituant sept nouvelles métropoles : Dijon, Orléans, Saint-Etienne, Metz, Tours et Clermont-Ferrand, portant ainsi à 22 le nombre des métropoles sur le territoire.