Macron présente son plan pour relocaliser la production d'une cinquantaine de médicaments

Par latribune.fr  |   |  1034  mots
Pour Emmanuel Macron, « déléguer à d'autres la production de nos produits pharmaceutiques essentiels est une impasse pour le pays ». (Crédits : GONZALO FUENTES)
Emmanuel Macron a présenté, ce mardi, un plan de relocalisation de la production de médicaments en France, lors d'une visite dans un laboratoire en Ardèche. Objectif, faire face à des pénuries structurelles sur des produits importés.

[Article publié le mardi 13 juin 2023 à 07h10, mis à jour à 15h52] Antibiotiques, paracétamol, antiépileptiques, anticancéreux... Les pharmacies ont peiné cet hiver, et peinent encore, à délivrer des médicaments en raison de la dépendance à d'autres pays, notamment de la Chine. Selon une étude BVA réalisée pour France Assos Santé en mars 2023, 37% des Français ont été confrontés à des pénuries en pharmacie, souligne ainsi l'Elysée.

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Emmanuel Macron veut y répondre. Le président s'est ainsi déplacé au site du laboratoire pharmaceutique Aguettant à Champagne ce mardi. Il a évoqué une cinquantaine de médicaments dont la production doit être « relocalisée ». Il a aussi précisé que 25 d'entre eux « verront leur production relocalisée ou augmentée significativement (...) dans les semaines à venir ». « On n'a pas le droit d'avoir de faiblesses », a dit le chef de l'Etat qui a évoqué une liste de « 450 molécules prioritaires ». Le ministre de la Santé François Braun devait la dévoiler dans l'après-midi.

Huit nouveaux projets de relocalisation, représentant un investissement total de plus de 160 millions d'euros, seront soutenus par l'Etat. Ils portent sur l'amoxicilline - avec le renforcement des capacités du britannique GSK en Mayenne -, des médicaments stratégiques pour l'anesthésie-réanimation, des antidouleurs morphiniques ou encore des anticancéreux, a détaillé l'Elysée. « Ces relocalisations dont on a tant parlé montrent que nous avons réinversé le sens de l'histoire », a lancé le chef de l'Etat.

Un guichet lancé dans tous les prochains jours

L'un des projets concerne aussi la production de médicaments stratégiques d'urgence et de réanimation par le laboratoire Aguettant. Pour les autres médicaments identifiés, un guichet sera lancé « dans les tous prochains jours » afin de soutenir les projets, avec une « première enveloppe de 50 millions d'euros », a précisé Emmanuel Macron. « Comme nous l'avait déjà enseigné la crise du Covid, déléguer à d'autres la production de nos produits pharmaceutiques essentiels est une impasse pour le pays », a relevé mardi le chef de l'Etat, selon un texte transmis à l'AFP par l'Élysée, publié dans la matinée sur son compte Twitter.

Avant son discours, le chef de l'Etat avait seulement fait état d'un investissement de 22 millions d'euros du Britannique GSK afin de moderniser son site de production d'amoxicilline en Mayenne. Cet antibiotique, le plus prescrit aux enfants pour soigner les infections, est régulièrement en rupture de stock.

Ce n'est pas le seul. Selon l'étude BVA réalisée pour France Assos Santé en mars 2023, 37% des Français ont été confrontés à des pénuries en pharmacie. En 2022, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a reçu plus de 3.700 signalements de ruptures de stock et déclarations de risque de ruptures : une hausse de plus de 73% en un an, et même huit fois plus qu'en 2014. Le manque de paracétamol et d'amoxicilline a causé des sueurs froides cet hiver en pleine triple épidémie de grippe/bronchiolite/Covid-19. Mais le problème touche surtout des médicaments dits « à intérêt thérapeutique majeur », du système cardio-vasculaire, du système nerveux (antiparkinsoniens, antiépileptiques) et les anti-infectieux. Les corticoïdes ne sont pas épargnés non plus.

La France dépend à hauteur de 60 à 80% des importations, notamment de la Chine, pour la production de médicaments dit matures (antibiotiques, produits d'anesthésie...), un seuil qui grimpe à 95% pour les biomédicaments. Pour répondre à ces pénuries, une liste de 281 médicaments « critiques », dont la production est susceptible d'être relocalisée, a été remise à François Braun à la mi-mai. Mais elle n'est toujours pas publiée, suscitant de nombreuses attentes dans le secteur.

« Les nouveaux projets annoncés aujourd'hui par le Président de la République, ainsi que ceux soutenus depuis 2020 dans le cadre des actions du Gouvernement, permettent d'atteindre le renforcement de la production d'une part significative des médicaments essentiels dont l'approvisionnement est identifié comme particulièrement vulnérable à date », fait valoir Bercy dans un dossier de presse dédié.

Cette visite intervient après le lancement la semaine dernière d'une campagne grand public pour inciter à un meilleur usage des médicaments. Ainsi, d'après une étude menée en 2021 par l'institut Viavoice, près d'un Français sur deux donne un médicament à un proche, car il a des symptômes similaires, un sur dix le fait même systématiquement ou souvent.

La souveraineté industrielle au cœur des préoccupations

Ce déplacement lancera une série de rendez-vous présidentiels consacrés au renforcement de la souveraineté industrielle et technologique française, qui vont se poursuivre jusqu'à lundi prochain. Emmanuel Macron entend ainsi prolonger son offensive de communication lancée en mai sur le thème de la réindustrialisation, dont il semble de plus en plus vouloir faire le fil rouge de ses mandats, pour montrer qu'il reprend la main après la crise des retraites.

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Le chef de l'État se rendra ainsi ce mardi dans une autre entreprise de l'Ardèche, Chamatex à Ardoix. Celle-ci s'est lancée dans la relocalisation de baskets en France, faisant fi de la toute-puissance asiatique en la matière. Mercredi, le président fera un « certain nombre d'annonces » au salon VivaTech à Paris, l'un des grands rendez-vous mondiaux de la technologie, sur le « financement, la formation et la recherche en matière d'intelligence artificielle ».

Vendredi et en début de la semaine prochaine, le chef de l'Etat s'exprimera sur la décarbonation de l'aviation, notamment via des carburants durables produits en France, à l'occasion du Salon du Bourget. « Oui, l'avion zéro émission est possible. Je veux qu'il soit français et européen », a également souligné le Président.

(Avec AFP)