Réindustrialisation : la commande publique doit-elle favoriser le « made in France » ?

OPINION. La préférence nationale doit être un critère de la commande publique parmi d'autres, notamment le coût écologique et social des produits étrangers. Par Philippe Trainar, professeur titulaire de la chaire assurance du CNAM et membre du Cercle des Économistes. Par Philippe Trainar, Professeur titulaire de la chaire assurance du CNAM et Membre du Cercle des Economistes
(Crédits : DR)

En France, comme dans les autres pays, les commandes publiques se trouvent soumises à une double contrainte d'efficacité et de préférence nationale. L'impératif de réindustrialisation, dictée par des considérations de sécurité des chaînes d'approvisionnement et de sécurité géostratégique, ainsi que de cohérence dans notre développement économique, notamment vis-à-vis de nos engagements climatiques, impose le respect d'un équilibre entre ces deux contraintes, qui permette d'optimiser le bien-être national sur le long terme, sans verser dans le protectionnisme coûteux.

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La contrainte d'efficacité est évidente

La puissance publique ne peut contribuer à l'amélioration du bien-être de la population qu'elle a la charge d'administrer que si la dépense publique est efficace, c'est-à-dire si elle est de qualité et si son coût est proportionné. L'optimisation du couple prix-qualité peut imposer de choisir des fournisseurs étrangers, comme ce fût le cas pour Westinghouse en matière de réacteur nucléaire. Le choix du bon équilibre entre les prix laisse forcément pas mal de place à des choix publics discrétionnaires. Mais, lui substituer la règle déterministe du moins-disant est plus risqué.

La contrainte de préférence nationale est tout aussi évidente

On voit mal ce qui justifierait que l'on choisisse systématiquement des fournisseurs étrangers aux dépens de la production nationale, tant que le choix la préférence nationale n'implique pas une perte de bien-être, une fois pris en compte les risques intrinsèques au commerce international. Nous nous trouvons ici confrontés à un problème d'optimisation délicat, qui ne saurait se résoudre par une règle simple. Et le problème se complexifie encore plus dès lors que l'on combine les deux contraintes d'efficacité et de préférence nationale.

Comment sortir de ce dilemme ?

Pour cela, il suffirait de donner une valeur économique à la sécurité et à la cohérence, en imposant une prime de risque aux biens et services issus de producteurs jugés risqués et en taxant les émissions de carbone, qu'elles soient nationales ou importées. La taxation optimale des émissions de carbone est probablement plus aisée à calculer, car objective et fondée sur le coût social de l'émission de carbone, qui a fait l'objet d'études empiriques sérieuses.

La prime de risque à appliquer aux biens et services délivrés par des fournisseurs à risque, en termes géostratégiques ou de sécurité de la chaîne d'approvisionnement, est beaucoup moins aisée à calculer car elle doit varier en fonction de la qualité du fournisseur et de son pays d'origine. L'administration devrait donc établir, en interne, pour les commandes publiques d'intérêt général, une grille de primes de risque proportionnées à la sécurité du fournisseur. Pour que cette grille soit acceptable par rapport à nos engagements commerciaux dans le cadre de l'OMC, elle devrait être construite de façon à s'appliquer aux producteurs nationaux comme aux producteurs étrangers.

Ainsi la commande publique pourrait-elle contribuer à la réindustrialisation de la France sans tomber dans les travers d'un protectionnisme coûteux en termes de bien-être national.

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Commentaire 1
à écrit le 08/06/2023 à 16:01
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"L'argent n'a pas de patrie ; les financiers n'ont pas de patriotisme et n'ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain." Napoléon Bonaparte A eux de nous prouver l'inverse et il va falloir se retourner les manches puisque le gars là il étai...

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