Énergie : la production de certains médicaments pourrait s'interrompre en France

La flambée des prix, en particulier ceux de l'énergie, pèse lourdement sur la production pharmaceutique en France au point que certains sites ont d'ores et déjà suspendu leur activité pour ne pas produire à perte. Alors que les ministre européens de l'Energie se réunissent ce vendredi à Bruxelles, tous espèrent voir adopter un plafonnement des prix du gaz. Au-delà de la hausse des tarifs, ils s'inquiètent d'être soumis à des coupures d'électricité cet hiver.
Coline Vazquez
Certains sites industriels pharmaceutiques ont d'ores et déjà mis sur pause leur activité, en France, pour ne pas produire à perte tant le coût de production a augmenté du fait de l'inflation, en particulier énergétique.
Certains sites industriels pharmaceutiques ont d'ores et déjà mis sur pause leur activité, en France, pour ne pas produire à perte tant le coût de production a augmenté du fait de l'inflation, en particulier énergétique. (Crédits : Yves Herman)

L'hiver approche et l'inquiétude grandit chez les industriels en particulier ceux du secteur pharmaceutique. Du fait de l'inflation générale, en particulier celle de l'énergie, fabriquer des médicaments revient de plus en plus cher mettant en péril la production de certains d'entre eux. « On enregistre une hausse en moyenne de 25% des coûts de production », témoigne Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du Leem, syndicat qui rassemble 260 entreprises adhérentes réalisant près de 98 % du chiffre d'affaires total du médicament en France.

Certains sites ont d'ores et déjà mis sur pause leur activité pour ne pas produire à perte, alerte-t-il, précisant que si certains produits sont plus concernés comme ceux stériles ou injectables qui ont un coût de production, notamment du fait de leurs besoins en énergie, naturellement plus élevé, « cela peut concerner n'importe quel médicament, actuellement. Si on ne trouve pas une solution à court terme, on pourrait voir les arrêts de commercialisation s'enchaîner ». D'autant que les fabricants ne disposent pas de la possibilité d'augmenter leurs prix de vente puisque ces derniers sont fixés par l'Etat, rappelle-t-il.

Ces arrêts de production ne menacent toutefois pas l'accès aux médicaments pour les malades puisqu'il existe des produits de substitution. La France peut, en outre, se fournir auprès de pays européens qui continuent, eux, d'en produire, au grand dam des fabricants français. « On ne craint pas tant des tensions sur le produit fini qu'une fragilisation du tissu industriel français. D'autant que le plan de relance post-Covid était en partie axé sur une relocalisation des produits matures (dont la rentabilité est stabilisée, ils n'en gagnent ni n'en perdent, ndlr). De nombreuses entreprises ont joué le jeu et ont investi pour augmenter leurs capacités de production grâce à ce plan. Mais, aujourd'hui, leur viabilité économique est remise en question et elles ne trouvent pas forcément l'aide nécessaire », déplore Paul Mirland, responsable transformation industrielle au sein du Lem qui demande notamment une revalorisation des prix des médicaments.

Plafonnement du prix du gaz

Au-delà d'un soutien financier, le Leem plaide pour un plafonnement du prix du gaz à l'échelle des Vingt-Sept pour éviter une concurrence intra-européenne avec les Etats membre, comme l'Espagne et le Portugal, qui ont déjà mis en place un tel dispositif à l'échelle nationale.

Réunis à Bruxelles pour examiner les mesures d'urgence proposées par la Commission afin d'endiguer l'inflation des prix de l'énergie, les ministre européens de l'Energie ont validé les propositions visant à récupérer une partie des « superprofits » des producteurs d'énergie pour les redistribuer aux consommateurs, et imposer une réduction de la demande d'électricité aux heures de pointe. Ils sont toutefois restés divisés sur un plafonnement du prix des importations de gaz, qui bute en particulier sur les réticences allemandes, malgré les appels de la France en sa faveur.

Lire aussi : Les Européens veulent plafonner le prix du gaz...sans savoir comment faire

 Cette solution est d'ailleurs aussi prônée par les industriels européens. En témoigne la lettre ouverte adressée mardi dernier aux ministres européens de l'Énergie et aux Commissaires européens par Medicines for Europe (Mfe), qui rassemble des industriels européens du médicament générique (Teva, l'unité Sandoz de Novartis ou encore l'activité Kabi de Fresenius SE). Dans sa missive, l'organisation professionnelle appelle en outre l'UE à adopter « des mesures visant à réduire les coûts énergétiques pour le secteur des médicaments génériques ». Parmi les pistes détaillées, Mfe insiste notamment sur la nécessité pour l'industrie pharmaceutique d'être exclue des mesures de réduction exigées par les Etats membres dans leurs plans nationaux de sécurité de l'approvisionnement en gaz.

Une production difficile à redémarrer en cas d'interruption

Comme le Leem, Medicines for Europe ne cache pas son inquiétude quant aux risques qui pèsent sur la production pharmaceutique, en particulier ceux de pénurie d'énergie. « Certains de nos producteurs risquent de voir leur approvisionnement en gaz rationné ou de ne pas pouvoir poursuivre leurs activités de fabrication en raison des prix élevés », explique-t-elle. « Cela menace de saper l'approvisionnement en médicaments et les efforts de notre industrie pour investir dans la fabrication en Europe », conclut-elle dans sa lettre.

Lire aussiLa crainte de coupures d'énergie tourne au cauchemar pour les industriels français

 Du côté du syndicat français, on redoute aussi les délestages qui pourraient survenir dans les mois à venir en cas de pics de consommation. « Concernant le gaz, nous avons la garantie du gouvernement de faire partie des industries prioritaires en termes d'approvisionnement, mais il n'en va pas de même pour l'électricité, qui ne se stocke pas. Si on nous demande de baisser notre consommation à certains moments de la journée, entraînant un arrêt de la production, cela serait très problématique », s'inquiète le directeur général adjoint du Leem. Redémarrer un site peut, en effet, prendre « plusieurs jours voire plusieurs semaines » en cas d'une interruption non prévue à l'avance, affirme Paul Mirland. « Dans le cas d'une production de produits stériles, il faut mettre en place tout un processus de nettoyage et de restérilisation. S'il s'agit d'une production biologique avec par exemple des cultures cellulaires, un arrêt imprévu, même de deux heures, entraînera la perte de toutes les cultures en cours qu'il faudra donc recommencer avec un coût pouvant grimper jusqu'à une dizaine de milliers d'euros », détaille-t-il.

Et si Emmanuel Macron s'est montré confiant, cet été, assurant qu'« il n'y a aucun risque de coupure parce que quand il y a des besoins, on s'approvisionne sur le marché européen», pour certains experts du secteur, le risque zéro n'existe pas. Il demeure même «extrêmement élevé pour l'hiver prochain et le Président ne peut pas l'ignorer», affirmait, ainsi, Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, à La Tribune en juin dernier. En particulier en cas d'un hiver très froid.

Coline Vazquez

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