Plan d'urgence contre le chômage : vers la "régionalisation" de Pôle emploi ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  936  mots
Philippe Richert président (LR) de l'Association des régions de France souhaite une "régionalisation" de Pôle emploi. Les syndicats s'y opposent.
Les présidents de régions ont rendez vous le 2 février avec le Premier ministre pour lancer le plan de formation des 500.000 chômeurs. Pour ce faire, ils réclament une "régionalisation" de Pôle emploi... dont ne veulent pas entendre parler les syndicats... qui menacent.

Ca commence déjà à ruer dans les brancards! Les acteurs de la formation professionnelle veulent être entendus sur la mise en oeuvre du plan d'urgence pour la formation de 500.000 chômeurs, annoncé le 18 janvier dernier par le président de la République. .. Mais derrière cette question se cache une polémique à venir: la régionalisation potentielle de Pôle emploi.

De fait, afin d'amorcer le grand plan de formation souhaité par François Hollande, les présidents de régions, réunis au sein de l'Association des régions de France (ARF), ont rendez-vous demain mardi 2 février avec le Premier ministre puis avec le président de la République.

Au menu de cette réunion: à partir de 10h, une première table ronde portera sur l'emploi, l'apprentissage et la formation. Les préfets de régions seront également présents. Puis une seconde table ronde doit ensuite être consacrée au développement économique.

L'ARF, maintenant présidée par le président (parti "Les Républicains") de la région Grand Est, Philippe Richert, a des idées très arrêtées sur ce qu'il convient de faire pour mettre en oeuvre le plan. D'abord, les régions ne veulent surtout pas que ces nouvelles formations se déroulent en parallèle des actions de formation déjà menées par les régions, elles réclament donc "l'unification du processus de commande de formation pour les chômeurs sous le pilotage des Régions".

Les régions veulent piloter Pôle emploi

Surtout, les régions demandent aussi "le pilotage du service public d'accompagnement vers l'emploi au-delà des dispositions de la loi NOTRe ( nouvelle organisation du territoire de la République, qui a fixé les nouvelles compétences des collectivités locales, avec le transfert aux régions des subventions versées par l'Etat aux organismes concernés (crédit budgétaires et Fonds social européen)".

Concrètement, les régions reviennent donc à la charge en demandant à l'Etat de leur confier la responsabilité de la gestion de... Pôle emploi. Un point qui leur avait été refusé lors de la discussion de la loi NOTRe, l'Etat souhaitant garder l'unité au niveau national de Pôle emploi et refusant de créer autant de Pôle(s) emploi qu'il y a de régions... Un faux problème pour le président (PS) de l'ARF à l'époque, Alain Rousset, président de la région Aquitaine, qui estimait que c'était un "leurre" de croire que la politique de Pôle emploi était la même sur l'ensemble du territoire.

Les régions sont d'autant plus incitées à réclamer la "régionalisation" de Pôle emploi, que, le 18 janvier, en présentant le plan d'urgence contre le chômage, François Hollande s'était dit "prêt à modifier la loi" s'il le faut...

La CFDT menace...

Reste que cette revendication de l'ARF ne plaît pas du tout aux partenaires sociaux. Ainsi, dans un communiqué assez virulent, Veronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, estime que "pour l'emploi, il faut jouer collectif" et que "l'Etat, les Régions et les partenaires sociaux ont la responsabilité collective de travailler en partenariat pour rendre ce plan opérationnel"

Aussi la CFDT "regrette la décision d'exclure les partenaires sociaux de la réunion du 2 février... C'est un mauvais signal adressé aux citoyens".

Par ailleurs - et elle n'est pas le seul syndicat - la CFDT réaffirme son opposition à la régionalisation de l'emploi, "a fortiori la régionalisation de Pôle emploi (... ). Cela ferait courir des risques de rupture d'égalité au regard des moyens, voire des objectifs politiques des régions".

Et la CFDT, qui détient la vice-président de l'Unedic, l'organisme qui gère l'assurance chômage, de menacer.... Alors que l'assurance chômage finance les deux tiers du budget de Pôle emploi, "si les régions réclamaient la régionalisation de Pôle emploi, il faudrait qu'elles en tirent toutes les conséquences en matière de financement".

De fait, l'Unedic est le premier contributeur au budget de Pôle emploi avec un financement à hauteur de 64 % du budget de l'organisme. Pour ce faire, l'Unedic prélève 10% du produit des cotisations chômage pour les verser à Pôle emploi, soit environ... 3 milliards d'euros par an.

Cette participation de l'Unedic a été prévue par convention quand, en 2008, l'ex-ANPE a fusionné avec les Assedic pour créer Pôle emploi. Il n'est juridiquement pas certain que l'assurance chômage puisse se libèrer de cette obligation en cas de régionalisation de Pôle emploi mais la CFDT espère que la menace potentielle jouera en faveur du maintien d'un Pôle emploi "national".

Qui aurait imaginé que le lancement d'un plan de formation d'urgence en faveur des chômeurs provoquerait de tels remous?

Partenaires sociaux et régions se retrouvent dans quinze jours

En tout état de cause, pour désamorcer un éventuel conflit, à Matignon, on précise que la réunion du 2 février ne donnera lieu à aucune décision et qu'il s'agit simplement d'un tour de table. D'ailleurs, dans une quinzaine de jours, une nouvelle réunion réunira autour de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, les présidents de régions et les partenaires sociaux pour évoquer concrètement la mise en place du plan d'urgence. En attendant, la ministre du Travail reçoit dès ce soir Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi...toujours pour désamorcer.