Comment le gouvernement espère relancer l'investissement

Par Fabien Piliu  |   |  1022  mots
Manuel Valls a fait de l'investissement sa priorité
Manuel Valls, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures pour stimuler l'investissement des entreprises. La principale consiste en une accélération de l'amortissement de l'investissement. L'investissement public n'est pas oublié.

La reprise est là, palpable. En 2015, le PIB devrait progresser de 1%. Peut-être un peu plus. En 2016, le rythme de croissance sera un plus peu élevé, proche de 1,5%. C'est encourageant. Mais c'est insuffisant pour réduire le nombre de demandeurs d'emploi. L'exécutif le sait. Pour permettre à la croissance d'accélérer, Manuel Valls, le Premier ministre s'est donc vu confier par François Hollande, le président de la République, la mission de relancer l'investissement des entreprises.

Au total, c'est un effort de 2,5 milliards d'euros sur la période 2015-2017 que le gouvernement réalise pour atteindre cet objectif jugé crucial. Quelles sont ces mesures ? La principale est une mesure de " suramortissement ". S'étalant sur une durée de dix ans, soit la durée maximale prévue par la loi, elle doit inciter les entreprises - toutes les entreprises - à investir rapidement en augmentant la rentabilité de leur investissements industriels en leur permettant de majorer de 40 % les montants amortis. Quelle est l'utilité de cette mesure qui s'appliquera un an sur les biens acquis entre avril 2015 et avril 2016 et ce, sur toute la durée de l'amortissement ? Elle permettra aux entreprises de déduire de leur assiette imposable leurs amortissements, réduisant in fine l'impôt sur la société dont elles doivent s'acquitter.

La CGPME salue le geste. " Cette mesure financièrement significative pourra générer une réduction d'IS allant jusqu'à 13% de la valeur de l'investissement. Son impact sera donc réel et tangible pour les entreprises en capacité d'investir ", estime la Confédération.

Pour l'Etat, ce sont des ressources fiscales en moins. Est ce grave ? Le gouvernement pense avoir quelques marges de manoeuvre après avoir annoncé  que le déficit public s'était élevé à 4% et non plus à 4,4% comme initialement prévu.

Point important, Manuel Valls a annoncé que cette mesure ne sera en revanche pas financée par l'enveloppe prévue dans le cadre du pacte de responsabilité. Comment seront-elles financées ? Par de nouvelles économies, tout simplement. Le gouvernement présentera le 15 avril, dans une semaine, la nouvelle trajectoire des dépenses publiques.

De nouveaux produits d'épargne ?

Autre dispositif annoncé par le chef du gouvernement, le renforcement de l'attractivité des produits d'assurance vie investis dans le capital des entreprises. Cette mesure ciblera également des produits comme le PEA-PME, afin de réorienter l'épargne des ménages vers le capital des entreprises françaises. De nouveaux produits poursuivant les mêmes objectifs pourraient être créés en intégrant par exemple le capital risque. Quant aux prêts de développement de la BPI, ils seront portés de 6 à 8 milliards d'euros.

En panne, austérité oblige, l'investissement public n'est pas oublié. Le plan prévoit d'accélérer le remboursement de TVA pour les collectivités qui investissent. Un prêt à taux zéro sera mis en place par la Caisse des dépôts pour rembourser les collectivités concernées plus rapidement, dans les deux ans. Cette mesure devrait donner un bol d'air au secteur de la construction et du bâtiment-travaux publics.

Autre annonce faite par le Premier ministre, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui permet aux ménages de déduire de leurs impôts une partie des frais engagés pour rénover leur logement, sera prolongé d'un an, de fin 2015 à fin 2016. en outre, les crédits de l'agence nationale de l'habitat seront augmentés. L'ensemble de ces mesures seront intégrées dans différents véhicules législatifs, notamment la loi Macron. Pour l'instant, un collectif budgétaire n'est pas envisagé par Matignon.

Le gouvernement a peu de marge de manœuvre

Pourquoi le gouvernement se focalise-t-il ainsi sur l'investissement ? Soutenue par la baisse des prix des cours du brut, et donc celle des prix à la pompe, et plus globalement de l'énergie, la consommation des ménages repart. Egalement stimulé par cette baisse des prix du brut mais aussi par la dépréciation de l'euro face au dollar, le commerce extérieur retrouve de très légères couleurs. Sachant qu'il ne peut pas forcer les entreprises à se lancer contre leur gré à la conquête des marchés étrangers, le gouvernement n'a donc pas d'autres choix que de tenter d'actionner le levier de l'investissement. Le cabinet Asteres approuve ce choix :

" L'investissement des entreprises non-financières est considéré, à juste titre, comme un levier efficace de croissance économique. Dans une phase de stagnation des prix, de chômage élevé, de croissance atone et de déficit commercial, l'investissement a l'avantage d'actionner à la fois les leviers d'offre et de demande. En effet, investir améliore l'offre, soit en la rendant plus productive, soit en l'élargissant, et la demande. Investir signifie souvent consommer des biens d'équipement ou des services "

La panne de l'investissement est-elle chronique ? En d'autres termes, le tissu productif tricolore est-il vieillissant, voire obsolète ? C'est l'un des constats du rapport Gallois. Publié en novembre 2012, ce rapport mettait en lumière la faible robotisation de l'industrie tricolore.

Une priorité, moderniser l'outil

Contrairement aux idées reçues, l'investissement n'aurait pas été atone ces dernières années. Selon Asteres, qui plaide toutefois pour une modernisation de l'industrie :

" Une fois retirés les investissements immobiliers, le taux d'investissement des entreprises françaises est largement supérieur aux taux allemands et anglais : 19% pour la France, 16% pour l'Allemagne, 13% pour le Royaume-Uni en 2013. La stagnation de l'investissement des entreprises françaises s'explique donc par la faible demande mais aussi par le niveau élevé de ces investissements : il n'y a pas d'effet rattrapage ou rebond "

Et le cabinet de conclure :

" L'enjeu actuellement porté par l'investissement des entreprises françaises ne tient pas à sa reprise globale mais plutôt au type d'investissement des entreprises. Depuis 2007, les investissements de renouvellement sont plus courants que les investissements dans le lancement de nouveaux produits et dans la modernisation des chaînes de production. La baisse de l'euro permet une baisse des prix des produits français face à leurs concurrents non-européens. La reprise de l'investissement doit permettre une amélioration de la qualité des produits."