Pourquoi le déficit commercial s'est creusé à 59 milliards d'euros en 2018

Par Grégoire Normand  |   |  1068  mots
Les exportations françaises qui "s'accroissent pour la quasi-totalité des produits" ont augmenté de 3,8%, après 4,5% de croissance en 2017, et les importations ont crû de 3,9%, après un bond de 6,8% en 2017. (Crédits : Reuters/Benoit Tessier)
La flambée des cours du pétrole a contribué à creuser le déficit commercial de la France en 2018. Selon les douanes, le solde s'est dégradé pour s'établir à 59,9 milliards d'euros contre 57,8 milliards l'année précédente.

2018 a été une nouvelle année noire pour le commerce extérieur français. L'année dernière, le solde commercial de la France s'est détérioré passant de 57,8 milliards en 2017 à 59,9 milliards en 2018, soit une baisse de 2,1 milliards d'euros selon les dernières données communiquées par le service des douanes jeudi 7 février. « L'arbre du déficit énergétique ne doit pas cacher les succès », a estimé le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne lors d'un point de presse, soulignant que le nombre d'entreprises exportatrices est « au plus haut depuis 2003 » dans des propos rapportés par l'Agence France Presse.

En dépit de ces moins bonnes performances, les économistes de l'Insee expliquent dans leur dernière note de conjoncture que la contribution du commerce extérieur à la croissance en 2018 serait positive (+0,6 point contre 0,1 point en 2017). Pour le premier semestre 2019, les résultats devraient être moins favorables d'après les prévisions de l'institut de statistiques public (contribution de -0,3 point en acquis à mi-année).

Et la possible perspective d'un Brexit sans accord pourrait accroître les difficultés pour un bon nombre de PME françaises qui réalisent des échanges extérieurs outre-Manche. Les secteurs de l'agroalimentaire, de l'aéronautique ou de la pharmacie pourraient, entre autres, être directement touchés par le renforcement des barrières douanières et non-douanières entre le royaume britannique et le continent. Face au manque de préparation de certaines entreprises, le gouvernement a appelé les dirigeants à se mobiliser. Elles seraient près de 30.000 à réaliser des exportations de l'autre côté de la Manche.

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Flambée des cours du pétrole

La remonté des cours du pétrole a joué un rôle relativement important dans le creusement du déficit commercial français. En effet, la flambée des prix de l'or noir a contribué à plonger le déficit énergétique à 46 milliards d'euros l'année dernière contre 39,3 milliards en 2017, soit une hausse de 6,7 milliards d'euros. L'administration douanière rappelle, qu'après quatre années de baisses consécutives entre 2013 et 2016, le cours du baril de Brent a augmenté passant de 48,6 euros par baril en 2017 à 60,2 euros en 2018, soit une hausse des prix de 24%. « Les quantités importées sont en baisse pour le pétrole brut (- 8%), quasi stables pour le pétrole raffiné, tandis qu'elles progressent légèrement pour le gaz naturel. »

À l'opposé, le déficit des produits manufacturiers a légèrement baissé passant de 35,7 milliards en 2017 de 33,3 milliards en 2018. Cette amélioration est le résultat de bonnes performances dans le secteur de l'aéronautique, « dans une moindre mesure, des soldes informatique et pharmaceutique ». Rien qu'au mois de décembre, les livraisons d'Airbus ont atteint 3,3 milliards d'euros pour 43 appareils contre 3,2 milliards d'euros pour 39 appareils, le mois précédent.

Des exportations légèrement moins dynamiques

Les chiffres des douanes signalent que les exportations françaises ont légèrement freiné (3,8% contre 4,5% en 2017), même si elles restent dynamiques dans un contexte de ralentissement du commerce mondial. Cette augmentation est soutenue par les secteurs automobile et textile avec des progressions respectives de 7,9% et 8,2%.

« Les exportations de véhicules automobiles, qui progressent continuellement depuis 2014, atteignent 35,5 milliards en 2018, soit un nouveau record de ventes. Ces véhicules sont principalement destinés aux marchés allemand et espagnol. »

Au delà de ces deux domaines, le département de statistiques indique que la plupart des produits ont connu une hausse des exportations. Les parfums et cosmétiques (6,7%) et les produits agricoles (+7,2%) ont contribué à cette dynamique.

Du côté des importations, la situation est plus contrastée avec une hausse pour les produits énergétiques, l'automobile, les machines et la métallurgie, mais aussi une diminution pour l'aéronautique. Les achats de produits énergétiques ont bondi fortement à cause de l'augmentation des prix du pétrole. Les importations de véhicules automobiles restent très soutenues (7,1% en 2018 après 7,4% en 2017).

Ralentissement du commerce mondial à la fin de l'année

Le commerce international a sérieusement marqué le pas à la fin de l'année 2018. Selon un bulletin de la Banque centrale européenne (BCE) publié ce jeudi 7 février, les différentes enquêtes de conjoncture signalent une inflexion des importations mondiales de marchandises tandis que les directeurs d'achat à l'échelle de la planète ont déclaré une dégradation des nouvelles commandes à l'exportation pendant quatre mois consécutifs.

« Globalement, les données laissent penser que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine peuvent affecter la confiance dans le secteur manufacturier et exercer un impact négatif sur la croissance du commerce mondial », expliquent les économistes de l'institution bancaire.

Après plusieurs mois de tensions, les États-Unis et la Chine ont entamé un processus de négociations qui a contribué à apaiser les différends entre les deux puissances. Mais il ne reste plus que quelques semaines aux négociateurs chinois et américains pour aboutir à un accord le premier mars prochain. Si les deux géants n'ont pas trouvé de  compromis d'ici là, la bataille devrait reprendre. En effet, Donald Trump prévoit d'augmenter les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois si aucune solution n'est trouvée.

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Un dispositif pour accompagner les entreprises

À l'échelle de la France, plusieurs partenaires ont concrétisé un nouveau dispositif pour soutenir l'accompagnement des entreprises tricolores à l'exportation. Business France, CCI France et Bpifrance ont décidé d'associer leurs efforts sous la bannière Team France Export. Il y a un an, le Premier ministre Édouard Philippe avait exposé ses ambitions pour améliorer les performances des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) à l'international. Le chef du gouvernement voulait notamment mettre en place des guichets uniques dans les régions et installer des conseillers internationaux sur tout le territoire et à l'étranger.

À ce jour, 250 conseillers internationaux dans toute la France (CCI, Business France, Bpifrance), 750 conseillers internationaux à l'étranger, répartis dans 65 pays ont été recensés selon un communiqué. L'installation de ces dispositifs pourrait aider beaucoup d'entrepreneurs à identifier les acteurs incontournables. En revanche, la révision à la baisse des prévisions de croissance planétaire de la plupart des institutions économiques n'annoncent pas de bonne nouvelle pour les exportateurs.

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