Pouvoir d'achat : à l'approche de la présidentielle, cette colère française qui monte, qui monte...

Par latribune.fr  |   |  1063  mots
Après avoir progressé entre décembre et janvier pour s'établir à 2,9% à la surprise des économistes, l'inflation pourrait osciller entre 3% et 3,5% dans les mois à venir. Les prix de l'énergie continuent de propulser l'indice des prix à la consommation vers des sommets. (Crédits : Sarah Meyssonnier / Reuters)
Une étude du syndicat de l'Unsa dévoile que la question du pouvoir d'achat est au cœur des préoccupations des Français et pourrait entraîner un climat social éruptif. La hausse des salaires apparait comme une exigence forte, mais l'équation est complexe : si les candidats à la présidentielle défendent tous une hausse du salaire minimum, syndicat patronal et gouvernement se renvoient la responsabilité.

Un risque de "colère sourde, froide et explosive". Ces mots forts sont à porter au crédit du patron du syndicat Unsa, Laurent Escure. Le responsable s'inquiète, suite à la publication d'une enquête lancée par son organisation, de l'affaiblissement du pouvoir d'achat des Français. La "première" des priorités est le pouvoir d'achat, qui "va être la grande question des mois qui viennent, et sans doute du quinquennat", estiment les auteurs.

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Baptisée "primaire sociale" et lancée mi-novembre, cette enquête sur les "aspirations et priorités des salariés et agents publics" pour les cinq ans à venir a totalisé plus de 40.000 réponses.

L'inflation ronge le pouvoir d'achat des Français

Après avoir progressé entre décembre et janvier pour s'établir à 2,9% à la surprise des économistes, l'inflation pourrait osciller entre 3% et 3,5% dans les mois à venir. Les prix de l'énergie continuent de propulser l'indice des prix à la consommation vers des sommets.

Fin novembre, 8 Français sur 10 avaient le sentiment que le pouvoir d'achat a plutôt eu tendance à se dégrader depuis les 12 derniers mois, selon ce sondage. Les Français estiment que la hausse des prix de l'essence et de l'énergie a été la plus pénalisante pour leur pouvoir d'achat depuis ces 18 derniers mois, mais la hausse des prix des produits de consommation courante les a aussi beaucoup affectés.

Parmi les propositions pour améliorer la vie des salariés, figurent donc en tête l'augmentation des salaires (27,4%), soulève l'étude. Le pouvoir d'achat et les salaires, thématique qui va "enjamber" la présidentielle, sont un sujet qui "n'est pas conjoncturel". Il est "profond" et vécu "comme une injustice qui n'a que trop duré", a estimé Laurent Escure. "C'est un sujet profond dont je crains qu'il puisse amener à une crise sociale difficile à maîtriser", a-t-il alerté. Le syndicaliste a plaidé pour une "hausse générale des salaires", à commencer par le dégel du point d'indice (qui sert de base au calcul de la rémunération des fonctionnaires) et par la hausse du Smic.

Hausse générale des salaires

Quant à lui, l'exécutif affirme que, entre 2017 et 2022, les revenus des Français, après prise en compte de l'inflation, ont progressé de 8%, soit « deux fois plus vite que sous les deux quinquennats précédents ». Sur ces 8% de hausse, environ 5,5% seraient liés au dynamisme des salaires et des créations d'emplois, tandis que 2,5% viendraient directement des mesures sociales et fiscales prises durant le quinquennat. Et selon le gouvernement, toutes les couches de population ont gagné en niveau de vie : surtout les 10% les plus modestes qui enregistrent une hausse de 4% quand les 10% les plus riches, eux, ont connu une progression de 2%. Pour les autres, les gains oscillent entre 1,8% et 2,6%.

Quoi qu'il en soit, pour le gouvernement, les entreprises doivent faire des efforts. Avec le "quoi qu'il en coûte", et les nombreuses aides versées, elles ont - globalement - pu maintenir leurs marges. Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, l'a répété en septembre : "La bonne croissance - plus de 6% - doit profiter à tout le monde. Il faut une meilleure rémunération pour ceux qui ont les revenus les plus faibles." Et de cibler ces salariés de la deuxième ligne, qui ont fait fonctionner le pays pendant les confinements. "Il faut savoir les remercier", a assuré le locataire de Bercy, fin janvier.

Vendredi dernier, le Premier ministre Jean Castex a rappelé cette exigence aux entrepreneurs, leur rappelant combien l'État les avait aidés pendant la crise, les appelant à améliorer les salaires des Français au moment où une inflation persistante mine leur pouvoir d'achat.

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Le Medef reste prudent

De son côté, le patron du Medef avait expliqué dès l'été s'attendre à une hausse des salaires dans certains secteurs, notamment la restauration, au regard de la pénurie de main-d'oeuvre. Plus globalement, Geoffroy Roux de Bézieux avait aussi expliqué que "ce qui me remonte, c'est le fait que les salariés du privé attendent, après deux ans d'efforts, leur juste récompense".

Le responsable avait ajouté que l'État devait donner l'exemple en matière d'augmentation des bas salaires en payant mieux les entreprises de sous-traitance dans les services, mettant l'accent cette fois sur d'autres métiers : le nettoyage et le gardiennage. Mais le responsable s'inquiétait au passage du risque d'inflation en cas de hausse généralisée des salaires, particulièrement des bas salaires.

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Des candidats favorables à la hausse du SMIC

Les candidats déclarés à l'élection présidentielle s'accordent sur la nécessité d'augmenter le SMIC et les bas revenus. Valérie Pécresse souhaite une hausse de 3% du salaire net dès l'été 2022 en baissant les charges. Marine Le Pen défend l'idée de la fin des cotisations patronales sur les hausses de rémunération, tandis qu'Éric Zemmour veut que tout employeur puisse accorder une prime à ses salariés sans aucune cotisation salariale ni patronale.

À gauche, l'augmentation du SMIC serait à la charge intégrale des entreprises. Jean-Luc Mélenchon propose une hausse de 131 euros par mois dès son élection. Anne Hidalgo et Yannick Jadot proposent respectivement 200 et 231 euros de hausse.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire s'est montré favorable, de son côté, à une baisse des cotisations sociales pour les salaires au-dessus de 2,5 SMIC lors de ses voeux à la presse, en janvier. L'institut Montaigne, dans une récente note, prône des évolutions des charges notamment pour les salaires entre 1,6 SMIC et 3,5 SMIC."

Autre piste pour les candidats à l'Élysée : pour améliorer durablement le pouvoir d'achat, 48,7% des répondants de l'étude de l'Unsa citent, parmi les propositions prioritaires, le fait d'encadrer le prix des produits de première nécessité et des loyers.

Une intersyndicale réunissant la CGT, la FSU, Solidaires, l'Unsa et les organisations de jeunesse Fidl, MNL, Unef et VL a appelé jeudi dernier à une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle le 17 mars sur les salaires et le pouvoir d'achat.