À seulement quatre mois du premier tour de la présidentielle, l'interview télévisée est toujours un moment délicat pour un président en exercice. Surtout qu'Emmanuel Macron, même s'il a prévu de se présenter à la magistrature suprême dans les prochaines semaines, doit jongler entre sa casquette de chef d'État et celle de candidat. Lors de son entretien télévisé accordé à TF1 et LCI mercredi soir, Emmanuel Macron a défendu le bilan de son quinquennat, en laissant transpirer son envie de rester à l'Élysée cinq ans de plus, sans toutefois officialiser sa candidature. Tout en dressant un tableau favorable de son action, le chef de l'État a reconnu avoir fait quelques erreurs et, surtout, "avoir appris" des différentes crises qu'il a affrontées depuis 2017. Il faut dire que la résurgence de la pandémie ces dernières semaines pourrait encore compliquer la fin de son mandat fortement secoué par les vagues à répétition.
Mea culpa
Évoquant à plusieurs reprises le quotidien difficile du personnel hospitalier ou de certains "gilets jaunes", dont les manifestations ont marqué son quinquennat, Emmanuel Macron a fait un mea culpa à demi-mots, reconnaissant avoir pu tenir des propos qui ont heurté certains de ses compatriotes. "Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n'est jamais bon, et c'est même inacceptable; le respect fait partie de la vie politique, et donc j'ai appris", a assuré le chef de l'État.
"Je pense que dans certains de mes propos, j'ai blessé des gens et je pense qu'on peut bouger les choses sans blesser des gens et c'est ça que je ne referai plus parce que, au moment où je l'ai fait, je n'ai pas mesuré que je blessais."
Le pouvoir d'achat, enjeu crucial de la présidentielle
La flambée des prix de l'énergie a remis au centre des débats la question du pouvoir d'achat. La montée des prix du gaz et des carburants pèsent sur le porte-monnaie des Français à hauteur de 40 euros en moyenne, selon une récente étude de l'Insee. Lors de l'échange avec les journalistes, le locataire de l'Élysée a déclaré :
"Sur le pouvoir d'achat, soyons honnêtes sur ce qui a été fait: il n'y a jamais eu une telle baisse de la fiscalité pour les classes moyennes [...] Les plus riches comme les plus pauvres, tout le monde a vu son pouvoir d'achat augmenter."
Sur ce dernier point, les différentes études dévoilées depuis le mois de septembre ne tirent pas vraiment le même constat que le président Macron.
Dans une étude de la direction générale du Trésor, Bercy avait montré que l'ensemble de la population française découpée en déciles avait globalement vu son revenu augmenter sur l'ensemble du quinquennat. Plus récemment, les économistes de l'Institut des politiques publiques, qui avaient divisé la population française en centiles, ont montré que les individus en bas de la distribution avaient enregistré une baisse de leur revenu. À l'opposé, le sommet de la pyramide avait connu une hausse relativement élevée par rapport aux autres catégories.
Retraites : vers trois grands régimes
Emmanuel Macron a réitéré mercredi sa volonté d'aller "vers une sortie" des régimes spéciaux de retraites, tout en reconnaissant que les faire passer de 42 à un seul, comme il en avait l'intention initialement, est "trop anxiogène". "Il nous faut aller vers un système simplifié" avec "grosso modo trois grands régimes", pour la fonction publique, pour les salariés du privé et pour les indépendants, a-t-il exposé lors de cet entretien télévisé sur TF1 et LCI.
"Nous avons besoin de conduire cette réforme", mais "je ne pense pas qu'il faille exactement faire la même réforme que celle qui était envisagée" et qui, "s'il n'y avait pas eu l'épidémie" de Covid-19 en 2020, "serait allée à son terme, c'est évident", a-t-il souligné. "Il faut simplifier nos règles et (...) qu'on aille tous vers une sortie de ce qu'on appelle des régimes spéciaux", a-t-il expliqué, rappelant que la France compte "42 régimes aujourd'hui".
En revanche, en faire un seul, "ce qui était mon projet initial, je crois que c'est trop anxiogène, mais je pense qu'il nous faut aller vers un système simplifié où pour la fonction publique, pour les salariés [du privé, Ndlr] et puis pour les indépendants, on a grosso modo trois grands régimes", a développé Emmanuel Macron.
Par ailleurs, "on doit être préparés à l'idée qu'il faut travailler plus longtemps", même si placer le curseur doit être "le fruit d'un débat démocratique", et même si "ça ne signifie pas la même réalité pour tout un chacun", a insisté le président de la République.
Il a notamment cité "un conducteur poids lourd", "une auxiliaire de vie qui fait plus de 150 kilomètres chaque jour", ou "quelqu'un qui travaille à la chaîne", et jugé nécessaire d'"adapter ce temps de vie au travail (...) aux difficultés de certaines tâches". "On doit aussi sans doute repenser ce qu'est le travail des seniors, ce qui est un vrai défi de société", a enfin relevé Emmanuel Macron.
Les opposants tirent à boulets rouges sur la prestation du président
Cette émission intitulée "Où va la France?", enregistrée dimanche dans la salle des fêtes de l'Élysée et diffusée hier soir, a déclenché de vives réactions tant chez les adversaires que chez les partisans du président à moins de quatre mois de la présidentielle. L'opposition a dénoncé une atteinte à l'"équité" du temps de parole tandis que la majorité défendait le droit du président à s'expliquer face aux Français.
Plusieurs prétendants à l'Élysée ont fait appel à l'arbitre, en saisissant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Réagissant à chaud, le socialiste Boris Vallaud a déclaré voir dans cette émission un "confessionnal à ciel ouvert et pas une idée neuve".
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) a dénoncé "un monologue" et "une fausse humilité" "difficilement supportables à une heure tardive" tandis que Geoffroy Didier (LR) a jugé que "l'autosatisfaction d'Emmanuel Macron sur le chômage met mal à l'aise" alors que "20% des jeunes sont sans emploi".
(avec agences)