Primaire à droite : Juppé accélère et compte sur des ralliements

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1331  mots
Nouveau local de campagne, sortie d'un nouvel ouvrage, raliements en ce début d'année de primaire à droite en vue de la présidentielle Alain Juppé accélère dans l'espoir de battre Nicolas Sarkozy en novembre prochain.
Alain Juppé va multiplier les initiatives cette semaine dans la perspective de la primaire à droite. Il compte également sur des ralliements de poids, notamment celui de Xavier Bertrand, pour contrer Nicolas Sarkozy.

2016... La France va commémorer le centenaire de la terrible bataille de Verdun. Or, cette année, avec l'organisation de la « primaire ouverte de la droite et du centre »dans la perspective de la présidentielle, on va assister à une autre bataille de tranchées, heureusement nettement moins meurtrière mais qui, symboliquement, sera également très sanglante. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Bruno Lemaire, François Fillon, Hervé Mariton, etc. ... tous sont sur la ligne de départ et, dans moins d'un an, il n'y en aura plus qu'un, quoique !

Ce qui signifie que pendant de longs mois - le scrutin aura lieu les 20 et 27 novembre - les candidats vont rivaliser de propositions, de petites phrases et de « coups » pour faire la différence. Pour la plus grande joie de François Hollande et de Marine Le Pen qui ne manqueront pas d'exploiter l'étalage des divisons de la droite.

C'est Alain Juppé qui a décidé de frapper fort en ce début d'année pour tenter de confirmer son statut de « candidat préféré des Français », si l'on en croit les sondages. Le maire de Bordeaux va en effet avoir une semaine assez chargée. Après un long entretien accordé au Journal du Dimanche du 3 janvier, le 5 janvier, il va inaugurer ses nouveaux locaux de campagne Boulevard Raspail à Paris et publiera son nouveau livre « Pour un Etat fort » (Editions LC Lattès, 205 p, 12 euros) où il insiste sur le renforcement nécessaire des fonctions régaliennes de l'Etat, notamment en matière de sécurité. Le 12 janvier, il tiendra une réunion de ses responsables de comités de soutien parisiens, ainsi que des élus de Paris qui lui sont proches.

Xavier Bertrand devrait se rallier à Alain Juppé

Mais, c'est surtout dans quelques semaines que l'ancien Premier ministre compte frapper un gros coup. En effet, selon nos informations, Alain Juppé va bénéficier de ralliements de poids au sein du parti « Les Républicains » (LR). De fait, le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais Picardie, Xavier Bertrand, devrait prochainement annoncer son ralliement à Alain Juppé. « Il n'a échappé à personne que Xavier Bertrand a voulu tenir Nicolas Sarkozy le plus éloigné possible de sa campagne durant les régionales » commente un proche d'Alain Juppé.

Et ce n'est pas fini. Dans la série « règlements de comptes chez Les Républicains », Jean-François Copé pourrait aussi annoncer son rapprochement avec le maire de Bordeaux, consommant ainsi définitivement son divorce d'avec Nicolas Sarkozy. C'est peu de dire que Jean-François Copé n'a pas oublié l'attitude de Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bygmalion et, au-delà, des possibles dépassements de frais de campagne de la présidentielle de 2012. D'où une certaine amertume... D'ailleurs, une partie des « réseaux Copé » se sont déjà mis au service d'Alain Juppé, faute de pouvoir défendre les intérêts de leur champion qui n'est plus en situation.

" Il y a manifestement une accélération de la campagne d'Alain Juppé, note ce proche. On passe du stade de la petite PME à quelque chose de plus grande envergure. Pour autant, il n'est pas question que Juppé descende systématiquement dans l'arène. Il ne répondra pas à toutes les provocations de Nicolas Sarkozy. En outre, il a 70 ans, alors, certes, il est en pleine forme et soigne sa condition physique. Mais s'il franchi le cap de la primaire cela fera dix-huit mois de campagne jusqu'à la présidentielle de mai 2017. Il faut gérer ce temps long ", explique un proche du maire de Bordeaux.

 Pour maîtriser sa communication, Alain Juppé reçoit les discrets conseils de Claude Chirac - fille de... - qui considère Alain Juppé comme « le fils aîné de Jacques Chirac ». Une façon de drainer vers Alain Juppé une partie de l'immense popularité dont jouit l'ancien président.

Juppé "drague" sur sa droite

Certes, Alain Juppé est « le chouchou des sondages » chez les Français, mais ce n'est pas le cas auprès du noyau dur des militants « LR », ceux qui sont quasiment certains d'aller voter à la primaire et dont le héros incontournable est Nicolas Sarkozy.
Le dernier opus d'Alain Juppé « Pour un Etat fort » est opportunément destiné à cette aile droite. Le maire de Bordeaux pratique à son tour la triangulation, très à la mode en politique en ce moment, en « empruntant » des idées à Nicolas Sarkozy en matière de sécurité.

Ainsi, Alain Juppé fait sienne l'idée de renégocier les accords de Schengen pour mettre en place une police commune de l'air et des frontières. Mais il développe aussi des idées propres en matière de sécurité en voulant renforcer le renseignement territorial. Il souhaite créer un service spécifique au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)... instaurée par Nicolas Sarkozy et qui avait conduit à la disparition des Renseignements généraux (RG). Il prône aussi une meilleure transparence du financement des lieux de culte.

Sarkozy veut continuer de labourer à  la droite du parti

Autant de messages pour signifier qu'Alain Juppé n'est pas le « mou » que d'aucuns veulent décrire... Surtout, dans l'entourage de Nicolas Sarkozy, on commence à s'inquiéter de la persistance de la bonne tenue dans les sondages d'Alain Juppé. Mais l'ancien président de la République reste persuadé que la primaire se jouera sur la droite, il continuera donc à labourer ces terres-là et notamment cette frange de l'électorat pour qui les frontières entre le vote LR et Front National sont très poreuses. D'où sa « sortie », le 16 décembre lors de la «Matinale des travaux publics », un événement co-organisé par « La Tribune », où il a estimé que « le vote Front National, c'est un symptôme, une fièvre mais ce n'est pas le virus. Il faut se focaliser sur la cause, pas les conséquences ». Et s'il passe victorieusement l'épreuve de la primaire, l'ancien chef de l'Etat - qui rêve de le redevenir - ne craint pas l'émergence d'une candidature Bayrou, faisant le pari que le président du MoDem « piquera » davantage de voix à gauche auprès d'un électorat déçu par François Hollande que dans son propre camp.

Fillon et Lemaire jouent chacun leur partition

Quant à Bruno Lemaire et François Fillon qui, à ce stade, ne font pas la course en tête, ils comptent cependant jouer leur propre partition, quitte à vendre plus tard chèrement leur ralliement. Bruno Lemaire joue sur le nécessaire renouvellement du personnel politique, les Français ne voulant pas rejouer en 2017 la même pièce qu'en 2012. Il n'hésite pas à rappeler qu'il a obtenu près de 30% des suffrages contre Nicolas Sarkozy lors de l'élection à la présidence de l'UMP (l'ancien nom du parti « Les Républicains »). François Fillon, lui, continue d'étayer son programme, notamment économique, d'obédience libérale. Il veut ainsi réduire de 100 milliards d'euros la dépense publique sur la durée d'un quinquennat. Selon nos informations, le député de la Sarthe devrait pouvoir compter sur le ralliement de Valérie Pécresse, la nouvelle présidente de la région Ile-de-France.

En 2016, sur le front politique, on devrait donc beaucoup entendre parler du parti « Les Républicains » mais certains caciques de cette formation s'en inquiètent. :

« A la différence des socialistes, nous n'avons aucune expérience des primaires. J'espère que les candidats seront retenir leurs coups sinon on va donner une image désastreuse. Et ça va durer près d'un an. Or, il faudra bien qu'on se retrouve uni dernière le candidat qui sortira du scrutin de novembre ».

C'est vrai que, confrontés aux soucis de la vie quotidienne, à l'angoisse des attentats et aux incertitudes sur l'avenir, les Français pourraient regarder d'un d'œil sévère ces bisbilles entre les ténors de « LR ». Et ils pourraient s'en souvenir en 2017.