Que valent les recettes de la Banque de France pour redresser la compétitivité ?

Par Fabien Piliu  |   |  1314  mots
Les réformes structurelles sont la clé du redressement de la compétitivité tricolore
Ce mercredi, la Banque de France et France Stratégie organisent conjointement un colloque intitulé « La compétitivité française : nouveaux enjeux, nouvelles mesures ». En attendant les conclusions des débats des tables-rondes, François Villeroy de Galhau, le nouveau gouverneur de la Banque de France a, dans discours introductif, donné des pistes de réforme. Révolutionnaires ?

Comment redresser la compétitivité française ? La question taraude, obnubile, inquiète le gouvernement, les partenaires sociaux - surtout le patronat - et les économistes. Aucune réponse n'ayant été trouvée - les solutions testées par les derniers gouvernements ont démontré leur inefficacité - la Banque de France et France Stratégie organisent conjointement un énième colloque sur le sujet ce mercredi. Intitulé « La compétitivité française : nouveaux enjeux, nouvelles mesures » qui doit permettre, espérons-le, de dégager des solutions qui marchent, enfin. Sinon, il n'aura servi à rien.

En attendant les conclusions des débats des tables-rondes et les éventuelles solutions miracles qui permettraient à la France d'afficher une progression de son PIB supérieure à 1,5% et une baisse significative du nombre de demandeurs d'emplois, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France a, dans discours introductif, donné des pistes très proches pour redresser la compétitivité tricolore.

La politique monétaire a ses limites

 Après avoir rappelé l'action volontariste de le Banque centrale européenne, et ses limites, - " pour autant, gardons-nous de tout attendre de la politique monétaire", explique-t-il -, l'ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn et ex-directeur général délégué de BNP Paribas suggère plusieurs pistes.

S'il constate les effets des réformes introduites récemment par le gouvernement pour soutenir la compétitivité-coût, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et les allègements de charges contenues dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, il estime que ces " réformes ont un coût et ne sont que partielles ". " En témoigne l'exemple de la difficile réforme des règles de revalorisation du SMIC, qui sont pour partie à l'origine de l'augmentation relative des coûts salariaux unitaires en France et de la faiblesse de l'emploi ".

François Villeroy de Galhau est également favorable à une réforme du système d'éducation et de formation, à commencer par l'apprentissage. " Selon une enquête conduite par l'Eurosystème, sur la période 2010-2013, en pleine crise donc, plus de 70 % des entreprises françaises disent ne pouvoir recruter par manque de travail qualifié : c'est le taux le plus élevé d'Europe, et cette exception française est la plus choquante de toutes alors que, parallèlement, le chômage frappe des millions d'adultes et de jeunes." C'est juste. Le taux de chômage des 18-24 ans s'élève à 23% actuellement.

Dérégulez, dérégulez, il en restera toujours quelque chose...

Proche d'Emmanuel Macron, François Villeroy de Galhau est sans surprise sur la même longueur d'ondes que le ministre de l'Economie. Dans la foulée de la loi Macron, il prône un nouvel allègement de la régulation de certaines professions, de réformer l'ouverture des marchés, des biens et du service comme du travail. L'objectif de cette dérégulation est de " rechercher une meilleure efficacité des secteurs abrités de la concurrence ", qui, parce qu'ils affichent un niveau élevé de valeur ajoutée, captent une partie de la compétitivité des secteurs exposés à la mondialisation.

Quels commentaires peut-on faire de ce discours et des solutions énoncées par le gouverneur de la Banque de France ? De la part d'un homme qui fut un temps au cœur de l'exécutif, en tant que directeur de cabinet de DSK, ces propositions laissent un peu sur leur faim. Le keynésianisme affiché et revendiqué de l'ancien directeur général du FMI semble ne plus faire partie du logiciel de François Villeroy de Galhau. En effet, plaider pour de nouvelles réformes structurelles permettant de réduire un coût du travail qui, dans l'industrie, est déjà inférieur à celui observé en Allemagne, appeler à la dérégulation de certains services peut avoir du sens si ces mesures s'accompagnent simultanément d'une relance de la demande.

Le CICE coûte cher ? C'est un fait. La facture devrait s'élever à une dizaine de milliards d'euros cette année. Cependant, le gouverneur, qui ne propose aucune réforme financière,  oublie de dire qu'il est utilisé par les entreprises pour combler leurs besoins de trésorerie que les banques ne veulent pas financer, préférant se concentrer sur les projets d'investissements qu'elles estiment rentables.

Le gouverneur de la banque centrale n'hésite d'ailleurs pas, chiffres à l'appui, à vanter les effets si positifs des réformes structurelles. Ainsi, l'excédent courant de la zone euro, qui s'élevait à 2,5% de son PIB sur un an en avril 2015, trouverait selon lui son origine en Espagne dont il met en avant  " la réussite de réformes structurelles mises en œuvre durant la crise, avec un retour des excédents commerciaux en 2013, après plus de quarante ans de déficits ". C'est faire peu de cas du niveau toujours incroyablement élevé du taux de chômage. Certes, il recule. Mais il s'élevait en octobre à 21,2% de la population active. C'est également faire fi d'une autre statistique qui permet de relativiser le "miracle" espagnol : un quart des ménages est sous le seuil de pauvreté.

En lisant son discours, on comprend entre les lignes qu'une relance de la demande lui semble inconcevable en France, en raison du nécessaire rééquilibrage des finances publiques. En dépit de la faiblesse des taux d'intérêts, relancer l'investissement public serait donc une erreur. Prendre des mesures en faveur du pouvoir d'achat des ménages le serait tout autant. Certes, l'augmentation de la consommation profiterait en partie aux entreprises étrangères, ce qui aggraverait le déficit commercial. Le made in France a déserté trop de secteurs pour que la consommation des ménages soit un moteur suffisamment puissant pour réduire le chômage. Mais l'augmentation du nombre de pauvres est une réalité en France. Quant à la peur de devenir pauvre, elle progresse au fil des mois.

Le salut vient de l'Allemagne

En revanche, le salut pourrait venir d'Allemagne. En effet, François Villeroy de Galhau se réjouit de la " la mise en œuvre d'un salaire minimum légal en Allemagne et la prise en charge courageuse d'un grand nombre de réfugiés dans ce pays ", qui, selon lui contribueront, " en partie seulement, à atténuer les effets de ce défaut de coordination " des politiques de demande en Europe. Un commentaire qui, pour certains, ressemble à un véritable aveu d'impuissance.

Pourtant, le bulletin de la BCE daté de décembre 2015 est en totale contradiction avec les arguments développés par François Villeroy de Galhau. Le coût du travail n'est cité qu'en 7ème position par les dirigeants d'entreprises interrogés par la banque centrale, parmi les entraves à l'investissement. Les charges administratives et le droit du travail ne sont classés qu'en 8ème et 10ème position. En revanche, les trois premiers obstacles à l'investissement sont " la faiblesse de la demande ", " les faibles perspectives " ainsi que " la surcapacité " qu'expliquent indéniablement la faiblesse de la demande.

Enfin, faut-il rappeler que la capacité de la Banque de France à se réformer a été pointée du doigt par la Cour des Comptes en 2012.  Dans son rapport, la Cour, recommandait notamment à la banque centrale "d'élaborer des plans d'action à horizon 2020, en examinant l'objectif de non-remplacement de deux départs sur trois ; de modérer les augmentations générales de salaires et les avantages non salariaux ; d'accélérer dans ce cadre la baisse des dépenses sociales et culturelles et d' accentuer les gains de productivité des fonctions supports". En 2014, l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF), un think tank européen constatait notamment que les salaires à la Banque de France étaient 24% plus élevés qu'à la Bundesbank.

On espère que les vœux du gouverneur de la Banque de France inviteront davantage à l'optimisme.