Quelle est la stratégie industrielle de la France ?

Par Fabien Piliu  |   |  1006  mots
Bien que certains secteurs aient vu leur activité décoller (le matériel de transport, le matériel informatique, la chimie, la pharmacie...), la production industrielle n'a progressé de 4% depuis 2010 !
Pour l'instant, la stratégie industrielle de la France est surtout défensive, en témoigne l'interventionnisme du gouvernement sur les dossiers GM&S et STX France.

Le gouvernement se démène. A La Souterraine, à Saint-Nazaire, l'exécutif fait entendre sa voix, tranche pour essayer de sauver l'existant. Quitte à se fâcher sérieusement avec l'Italie sur le dossier STX France. Quand ce n'est pas pour sauver des emplois dans des régions qui en comptent peu, c'est au nom de la défense des intérêts stratégiques que le gouvernement intervient.

Fait assez rare pour être souligné, cet interventionnisme est unanimement salué. De la France insoumise au Front national, toutes les tendances politiques approuvent l'action du gouvernement. C'est particulièrement vrai dans le dossier STX France. La décision de nationaliser les anciens chantiers de Saint-Nazaire reçoit l'approbation générale. Et tant pis si cette intervention met à mal les efforts entrepris depuis 2007 par la France pour attirer les investisseurs étrangers.

Une politique industrielle dans les limbes

Mieux, une large partie des commentateurs saluent la politique industrielle de la France. Pourtant, il faut bien avoir conscience que, pour l'instant, celle-ci est encore dans les limbes. Dans les dossiers GM&S, STX France ou encore Areva - l'Etat injectera 4,8 milliards d'euros dans le groupe nucléaire cette année -, l'action du gouvernement, si politique industrielle il y a, est essentiellement défensive. Ce fut déjà le cas dans les dossiers ArcelorMittal en 2012, Alstom et Dailymotion en 2014. Pour l'instant, le gouvernement, au sein duquel il n'existe pas de ministère de l'Industrie, tente seulement d'éteindre les incendies qui se déclarent ici ou là, sans que cette action ne s'intègre dans le cadre d'une stratégie industrielle globale.

Si on observe avec attention les statistiques de l'Insee portant sur la production industrielle, on se rend compte que certains secteurs sont encore très loin d'afficher une production supérieure à celle observée en 2010. Nombreux sont les secteurs qui n'ont pas encore panser les plaies de la crise de 2008-2009. Il s'agit notamment des industries extractives, de l'électronique, du textile et de l'habillement, du bois et du papier, ou encore de la métallurgie.

Bien que certains secteurs aient vu leur activité décoller (le matériel de transport, le matériel informatique, la chimie, la pharmacie...), la production industrielle n'a progressé que de 4% depuis 2010 ! Rappelons que deux millions d'emplois ont disparu dans l'industrie depuis 1980. Le nombre des défaillances a bien reculé de 8,3% en 2016, pour atteindre 4.084 unités selon la société Altares, mais certains secteurs restent encore fragiles. C'est par exemple le cas de l'imprimerie.

Quid de l'industrie du futur ?

Certes, une initiative a déjà été prise par le gouvernement dans le domaine industriel. Début juillet, Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique a annoncé la fin de la vente des voitures à essence et diesel d'ici 2040. Le problème, c'est que ce plan a été conçu sans que les constructeurs automobiles aient réellement été consultés en amont. C'est la raison pour laquelle ils ont accueilli cette ambition avec prudence, pour ne pas dire froideur.

Un autre plan est en cours. A moins d'une surprise, l'exécutif devrait laisser se poursuivre le dispositif « Alliance pour l'industrie du futur » dans le cadre de La nouvelle France industrielle, dispositif revu et corrigé par ses soins en 2015 des 34 plans de "reconquête industrielle" lancé par Arnaud Montebourg en 2013.

Ce projet repose sur cinq piliers. Il est articulé autour de "neuf solutions industrielles" correspondant à de grands marchés. « Pour répondre aux grands défis sociétaux désormais ancrés dans l'ère digitale, le projet vise à moderniser l'outil industriel et transformer son modèle économique par le numérique », indique toujours Bercy, signe que ce dispositif n'a pas disparu des radars, à moins que le gouvernement n'ait pas encore actualisé son site Internet.

Dans le cadre de ce dispositif, l'Etat joue plutôt les chefs de meute. Il se contente de réunir les acteurs privés, les fédérations professionnelles, les chercheurs issus des sphères publiques et privées afin qu'ils puissent, tous ensemble, dessiner l'industrie de demain.

Un choc fiscal

Dans ce contexte, en attendant que cette initiative produise ses premiers effets, le patronat et en particulier les industriels attendent avec impatience que l'exécutif dévoile sa stratégie pour permettre à la France de renouer avec son passé industrielle glorieux. Si l'on parcoure le programme du candidat Macron, on se rend compte que sa vision sur ce point est assez mince. Il ne rentre pas dans les détails, optant pour la mise en place de réformes structurelles qui, conjuguées, peuvent permettre au secteur de décoller. Il propose notamment un alignement du taux de l'impôt sur les sociétés sur la moyenne européenne, à 25%, au cours de son quinquennat, la création d'une flat tax avec une taxation des revenus du capital au taux unique de 30%, un choc de simplification...

Quant à la promesse de François Hollande, reprise par Emmanuel Macron de remplacer le crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) par des baisses de charges pérennes, elle représenterait un allègement de la fiscalité pesant sur les entreprises d'environ 20 milliards d'euros. Compte tenu de ces éléments et du flou qui entoure encore la stratégie industrielle du gouvernement d'Edouard Philippe, Pierre Gattaz, le président du Medef a martelé une nouvelle fois son souhait de voir « baisser la fiscalité qui pèse sur les entreprises » lors de sa dernière conférence de presse mensuelle. Un message à l'adresse du gouvernement qu'il devrait encore répéter lors de l'université d'été du Medef qui se tiendra les 29 et 30 août.

Cette méthode consistant à actionner progressivement plusieurs leviers, tout en comptant sur les initiatives du secteur privé pour dessiner le monde de demain peut-elle réussir ? François Hollande l'a déjà employée. Elle n'a pas eu les effets escomptés sur la compétitivité du Made in France. Il suffit de jeter un œil aux statistiques du commerce extérieur pour s'en convaincre.