Réforme du Code du travail : de nombreuses nouvelles opportunités pour les entreprises

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1390  mots
"Notre réforme change l'état d'esprit du droit du travail" a déclaré la ministre du Travail Muriel Penicaud en présentant les ordonnances. De fait, ces textes créent de multiples outils nouveaux qui ne peuvent être utilisés que sur la base de la conclusion d'un accord majoritaire dans l'entreprise
Nouveaux types d'accords "simplifiés" pour aménager le temps de travail; invention de la "rupture conventionnelle collective"; possibilité de conclure des accords sans les syndicats... les ordonnances réformant le Code du travail fourmillent de nouveautés.

"Notre réforme change l'état d'esprit du Code du travail" a lancé Muriel Penicaud, la ministre du Travail, en présentant le contenu des cinq ordonnances tendant à revoir profondément les règles régissant les relations sociales dans les entreprises. Alors, certes, ce n'est pas "le grand soir libéral", tel que le craignaient certains ou l'espéraient d'autres. Mais, il est exact, comme le dit la ministre, que sur de très nombreux chapitres du Code du travail les ordonnances modifient "l'état d'esprit" en accélérant une tendance à l'oeuvre depuis une vingtaine d'années: la loi cède la place au contrat, en l'occurrence la convention de branche ou d'entreprise. Mais, cette fois, un pas décisif a été franchi.

Au ministère du Travail, on ne cache pas que la réforme proposée constitue un "pari" et l'on ne saura que, dans deux ans peut-être, s'il est réussi. C'est-à-dire, si la "fluidification" des relations sociales a permis de favoriser l'emploi.

En tout cas, c'est peu dire que les ordonnances ont accédé à un certains nombre des très vielles revendications patronales. D'ailleurs, Medef, CPME et U2P en ont convenu. Des revendications toujours présentées comme devant lever les freins à l'embauche.

Le "coût" d'un licenciement sera connu pour les entreprises

Il en va ainsi des dommages et intérêts accordés par les juridictions prud'homales en cas de licenciement abusif. Comme le souhaitait de longue date Emmanuel Macron, avant même d'accéder à la présidence, elles seront bien plafonnées, pouvant au maximum atteindre 20 mois de salaire pour un salarié ayant 30 ans d'ancienneté....Mais le plancher, lui, point beaucoup plus important quand l'on connaît le fonctionnement des prud'hommes, est fixé à 3 mois... au lieu de 6 mois actuellement pour les salariés ayant deux ans d'ancienneté et travaillant dans une entreprise de plus de 11 salariés. Avec ce plafond - que les juges ne sont absolument pas obligés d'accorder -, les entreprises, et notamment les plus petites, sauront exactement le risque maximum qu'elles encourent en cas de contentieux. Elles pourront donc budgéter le "coût" d'un licenciement.

La possibilité de négocier... sans syndicat

En matière de négociation également, les entreprises ont été entendues, notamment les TPE/PME. Pour la première fois, il sera possible aux très petites entreprises, y compris celles de... deux salariés, de négocier de la même façon que celles... du CAC 40. En effet, la barrière du "mandatement syndical" ou de la présence d'un délégué syndical est tombée. Dans les très petites entreprises de moins de dix salariés, un employeur pourra proposer aux salariés de ratifier par une simple "consultation" un projet d'accord. Cependant, après, une commission départementale composée de représentants des syndicats de salariés et d'organisations patronales vérifiera la validité du texte. Cette technique pourra même être utilisée dans les entreprises entre 11 et 20 salariés qui n'ont pas de délégué du personnel. Ainsi donc, pour la première fois, des accords pourront être formellement conclus sans l'aval des syndicats. Certes la présence syndicale est rare dans les petites entreprises...Mais c'est une véritable novation.

Et il y en a d'autres. Par exemple, les entreprises de toutes tailles pourront aussi négocier le montant de certaines primes qui, jusque là, relevait des accords de branche. Concrètement, si un accord majoritaire l'autorise, un entreprise pourra fixer des primes d'ancienneté à des montants inférieurs à ceux fixés par les accords de branche.... Il y a donc bien sur ce point là une inversion de la hiérarchie des normes.

En matière de référendum d'entreprise, en revanche, les ordonnances n'ont pas été jusqu'au bout des souhaits patronaux. Actuellement, lorsque des syndicats sont présents dans une entreprise, un accord, pour être valide, doit avoir été signé par une majorité d'entre eux, c'est-à-dire par des organisations qui avaient récolté au moins 50% des votes des salariés lors des dernières élections professionnelles. Mais des syndicats minoritaires ayant au moins obtenu 30% des suffrages pouvaient décider d'organiser un référendum sur le projet d'accord. Et si une majorité de salariés se déclarait favorable, alors l'accord était validé. Les organisations patronales souhaitaient que l'employeur puisse aussi, à sa propre initiative, organiser un tel référendum. Les ordonnances n'ont pas été aussi loin, elles permettent simplement à l'employeur de co-organiser avec les syndicats minoritaires cette consultation. Mais on peut considérer qu'il ne s'agit là que d'une première étape...

Des accords "dérogatoires" sur le temps de travail et les rémunérations plus facile à négocier

En matière de mobilité interne, de rémunération et de temps de travail, la réforme permet aussi de simplifier les choses pour les entreprises. Jusqu'ici, il existait plusieurs types d'accords pour négocier sur ces trois thèmes: les accords "loi Aubry sur le temps de travail", les accords de modulation du temps de travail, les accords de maintien de l'emploi (appelés aussi accords de compétitivité), les accords de prévention de l'emploi, etc. Ils obéissaient tous à des règles différentes. Aussi, une des ordonnances institue ce que l'on appelle des "accords majoritaires simplifiés".

Ces accords particuliers pourront être conclus pour pérenniser le fonctionnement de l'entreprise ou pour assurer la prévention de l'emploi. Ils permettront de diminuer la rémunération et/ ou de modifier la durée du travail. Mais à l'instar des actuels accords "défensifs de maintien de l'emploi", ils ne pourront être conclus qu'avec des syndicats majoritaires et pour une durée maximale de cinq ans. Et un salarié ne peut pas refuser l'application d'un tel accord, sauf à être licencié. Il s'agira d'un licenciement sui generis, c'est-à-dire que la cause réelle et sérieuse du licenciement résidera dans le seul refus du salarié. L'employeur n'aura aucun autre justificatif à apporter et aucune autre obligation à remplir. Un outil précieux pour des entreprises qui ont besoin de s'adapter à une situation nouvelle...

Enfin, autre novation de taille prévue par les ordonnances : le concept de "rupture conventionnelle collective".

Des ruptures conventionnelles collectives

On connaissait la rupture conventionnelle individuelle, créée en 2008, sorte de troisième méthode pour mettre fin au contrat de travail en plus du licenciement et de la démission. Lors d'une rupture conventionnelle, le salarié et l'employeur se mettent d'accord sur toutes les modalités de la fin du contrat, étant entendu que le salarié doit percevoir des indemnités au moins égales à celles perçues en cas de licenciement. Il est également éligible à l'assurance chômage.

Avec l'actuelle réforme, ce sont plusieurs salariés, sur la base du volontariat, qui vont pouvoir quitter l'entreprise dans des conditions identiques, via cette rupture conventionnelle collective. Au ministère du Travail, on explique qu'il s'agit, en réalité, de sécuriser juridiquement parlant ce que l'on appelle aujourd'hui les "plans de départs volontaires" (PDV), pas vraiment reconnus par la loi et assimilés par la jurisprudence à des plans sociaux. Il s'agit donc sur le papier de créer un régime juridique autonome à ces PDV, via l'institution des ruptures conventionnelles collectives. Ce type de départ devra être autorisé par un accord d'entreprise majoritaire et son contenu et sa portée seront contrôlés par l'administration (les Direccte) qui devront s'assurer que les "partants" ont bien étaient volontaires - et notamment qu'il n y a pas eu de pressions sur les seniors - et qu'il ne s'agissait pas pour l'entreprise de contourner les règles relatives aux plans sociaux.

Dans l'esprit du ministère, ce nouveau type de départs collectifs devrait concerner les entreprises qui ont besoin de renouveler les compétences massivement en raison de l'évolution des technologies (par exemple les SSII ou les banques). Il s'agit donc d'entreprises qui ne sont pas en difficulté et, au contraire, qui ont des besoins de recrutements. En effet, l'avantage de ces "ruptures conventionnelles collectives" est, qu'à la différence d'un plan social classique, elles n'empêchent pas l'entreprise de recruter après les départs... Là aussi, cette nouveauté devrait certainement plaire dans de nombreux secteurs.