Réformes sociales : le patronat et les syndicats ont leur feuille de route... chargée

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  886  mots
Le Premier ministre Edouard Philippe a envoyé aux organisations patronales et syndicales une feuille de route très chargée... et potentiellement très "chaude" sur les réformes sociales qu'il entend mener: assurance chômage, formation professionnelle et apprentissage.
Le gouvernement vient d'envoyer aux organisations patronales et syndicales le calendrier et la méthode des réformes sociales à venir: assurance chômage, formation professionnelle et apprentissage. La réforme de l'assurance chômage s'annonce comme le dossier le plus chaud.

Réformes de l'assurance chômage, de la formation professionnelle, de l'apprentissage. Les organisations patronales et syndicales ne vont pas... chômer dans les six prochains mois. Édouard Philippe, le Premier ministre, leur a en effet envoyé ce mercredi 25 octobre leur feuille de route sur les réformes que le gouvernement entend mener "pour combattre le chômage de masse par tous les côtés", selon les termes du Premier ministre. Il s'agit en fait de l'Acte II des réformes sociales, annoncées par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle, après les ordonnances sur le Code du travail. Le calendrier va donc être très rempli, mais la méthode de concertation sera différente et adaptée aux trois chantiers ouverts.

En revanche, au bout du processus, au plus tard au début du printemps 2018, il n'y aura qu'un seul projet de loi, regroupant ces trois réformes, soumis au Parlement, avec l'espoir du gouvernement qu'il soit définitivement adopté au début de l'été.

Des groupes de travail pour l'apprentissage

C'est la réforme de l'apprentissage qui va ouvrir le bal des concertations. Celle-ci prendra en fait la forme de groupes de travail qui vont plancher dès le début du mois de novembre avec l'appui de France Stratégie -  l'organisme chargé de la perspective et de la réflexion rattaché au Premier ministre. C'est Sylvie Brunet, professeure associée, ex DRH et membre du Conseil économique, social et environnemental qui sera chargée de l'animation des groupes de travail qui devront rendre leurs conclusions en janvier prochain.

Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, ont précisé le sens de la réforme envisagée. Il conviendra  de rendre l'apprentissage plus attractif, notamment en le valorisant auprès des collégiens. Il faudra aussi assurer une meilleure articulation au sein de l'enseignement technique entre les lycées professionnels et l'apprentissage. La carte des formations devra aussi être revue tout comme le financement de l'apprentissage et le statut des jeunes en apprentissage.

Une négociation patronat/syndicats sur la formation professionnelle

Fin novembre, viendra le temps de la réforme de la formation professionnelle. Début novembre, conformément à la loi Larcher de 2007, les organisations patronales et syndicales vont recevoir un "document d'orientation" listant les axes que le gouvernement souhaite aborder. S'ils le demandent - et cela semble le cas - les partenaires sociaux ouvriront alors une négociation, visant à modifier le précédent accord professionnel sur la question de 2013, repris dans une loi en 2014. Mais il ne faudra pas traîner. Car, là aussi, Édouard Philippe entend que l'accord soit formalisé pour la fin 2018.

On sait que le gouvernement veut donner davantage de moyens à chaque salarié de "construire" sa propre formation professionnelle, via un compte personnel de formation qui sera considérablement renforcé. Il conviendra aussi de pouvoir proposer davantage de formations qualifiantes aux demandeurs d'emplois afin de les adapter aux métiers de demain. Il s'agira ensuite de "mieux former" les salariés dont 50% vont être concernés par la transformation numérique dans les années à venir. Il va aussi falloir améliorer l'offre de formation et imaginer un "système de certification transparent", selon Muriel Pénicaud, pour lutter contre les "formations bidons".

Parallèlement à la négociation entre partenaires sociaux, les Régions, notamment en charge de la formation des demandeurs d'emploi, seront associées à la concertation.

Le très chaud dossier de l'assurance chômage

Enfin, dernier chantier, et de loin le plus épineux: la réforme de l'assurance chômage. Les débats s'ouvriront fin novembre lors d'une première réunion multilatérale où seront conviées l'ensemble des organisations patronales et syndicales. Ce sera l'occasion de dresser un diagnostic sur la situation du régime, notamment financière. Actuellement, selon les dernières données de l'Unedic publiées ce 25 octobre, l'assurance chômage enregistre un trou annuel d'environ 3,5 milliards d'euros.

Aussi, si le gouvernement veut ouvrir cette assurance aux indépendants et à certains démissionnaires, il convient de chiffrer le coût d'une telle ouverture... Et d'en trouver le financement. La concertation se poursuivra, là aussi, jusqu'à la fin janvier. Quatre thèmes seront abordés: l'élargissement à davantage d'actifs, donc; la lutte contre la précarité, avec l'idée du gouvernement d'instituer un bonus-malus sur les cotisations patronales en fonction de la durée des contrats, ce qui fait hurler le patronat; l'amélioration du contrôle de la recherche d'emploi par les chômeurs indemnisés; la gouvernance du régime.

Des sujets, très "chauds". Les syndicats ne veulent notamment pas entendre parler de la fin du caractère assurantiel de l'assurance chômage (on perçoit une indemnisation en fonction des montants cotisés). Or, la suppression des cotisations salariales à l'assurance chômage, décidée dans le cadre de la loi de finances 2018 - qualifiée de mesure en faveur du "pouvoir d'achat" par le gouvernement -, n'augure rien de bon, notamment pour la CFDT.

Il est donc évident que l'assurance chômage, dispositif paritaire jusqu'ici via l'Unedic, gérée par les seules organisations patronales et syndicales et non par l'État, va être le gros morceau de ce très dense épisode social.