Restauration : les pourboires payés par carte bancaire ne seront plus taxés

Par latribune.fr  |   |  906  mots
Pendant l'été, les cafés, restaurants, hôtels et discothèques sont restés loin de leur niveau d'avant-crise, avec une activité estivale en recul de 20% par rapport à l'été 2019, selon les organisation syndicales. (Crédits : Jeenah Moon)
L'Etat fait un geste en direction du secteur de la restauration en défiscalisant les pourboires payés par carte bancaire. L'objectif est de redonner de l'attractivité à un secteur qui manque de bras après le Covid. Mais les nouvelles habitudes de consommation pourraient bien bousculer plus durablement la profession.

Le gouvernement débranche petit à petit les aides mises en place face aux dégâts du Covid mais, à l'aube de nouvelles négociations à venir avec les branches professionnelles, il tient à le faire progressivement. Parmi les secteurs touchés, celui de l'hôtellerie et restauration, auquel le ministère de l'Economie a d'ailleurs promis de nouveaux échanges sur les salaires et les conditions de travail.

Dans l'intervalle, et à quelques mois de l'élection présidentielle, l'Etat fait donc un nouveau geste en annonçant lundi la défiscalisation des pourboires payés par carte bancaire dans les cafés et restaurants. La mesure est censée redonner de l'attractivité à un secteur confronté à la pénurie de main d'oeuvre d'employés qui ont quitté le secteur avec la crise.

Une mesure qui ne "ne coûte rien"

Le secteur hôtellerie et restauration pèse d'ordinaire un million de salariés et 65 milliards d'euros annuels de chiffre d'affaires. A elle seule, la branche des cafés, hôtels, restaurants (CHR) compte quelque 612.000 salariés dans 107.000 établissements en France. L'Élysée a estimé à 110.000 emplois le nombre de postes à pourvoir dans la restauration.

"Nous avons décidé que les pourboires payés par carte bleue seraient sans charge pour les employeurs et sans impôts pour les salariés", avec une mise en œuvre "dans les prochains mois", a affirmé le président de la République lors d'une visite au Salon international de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation (SIRHA) qui s'ouvre à Lyon.

"Cela va permettre d'ajouter au pouvoir d'achat" des salariés du secteur. Cette mesure "ne coûte rien, car aujourd'hui ça ne marche pas", a-il ajouté, "parce qu'on l'a vu en sortie de crise, nos compatriotes utilisent de moins en moins de liquide".

"Cela va vous permettre d'attirer plus de jeunes et de moins jeunes pour leur dire : tu peux gagner plus que le salaire et le bonus que je te verse", a conclu le chef de l'Etat.

Les syndicats demandent une hausse de salaires

La mesure vient aussi répondre à un effet provoqué par a crainte de la contagion au variant Delta et à l'obligation du pass sanitaire pour consommer. Avec celle-ci, Bercy a bien constaté une augmentation des paiements par carte bleue pour maintenir la distance. "Dans les bars et les restaurants, les dépenses en carte bleue ont augmenté de 5% la semaine du 9 août", moment de la mise en place du pass, "et de 8% la semaine qui a suivi" par rapport à 2019, a constaté Bruno le Maire, le ministre de l'Economie.

De quoi calmer les revendications des organisations syndicales représentatives ? Rien n'est moins sûr. A la veille des négociations, la CGT Services a demandé la création d'un salaire minimum de 1.800 euros. L'organisation, qui estime à 1.500 euros le salaire médian, réclame aussi une augmentation de 10% des salaires et l'application d'un 13e mois.

"L'attractivité, ce n'est pas que le salaire", estimait Cécile Mkavavo, présidente de la CFE-CGC HCR. "Il faut réorganiser le temps de travail pour que l'amplitude horaire permette au salarié d'avoir du temps pour lui".

Des pourboires sur l'addition

Toutefois, la mesure a été applaudie par avance par la profession lundi matin. "C'est une excellente nouvelle, car le pourboire fait partie de l'attractivité de nos métiers. Mais maintenant que tout le monde paie par carte bleue ou via des applications, très souvent on n'a plus de monnaie pour rajouter 3 à 5 euros pour le service. Quand on aura la possibilité de laisser un pourboire sur la note, ce sera beaucoup plus facile", s'est félicité par avance lundi matin Didier Chenet, président du GNI, syndicat des indépendants de l'hôtellerie restauration.

La président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, s'était lui aussi prononcé lundi en faveur de cette mesure, afin que les pourboires puissent être ajoutés directement sur l'addition payée par carte bancaire sans être taxés.

Un modèle challengé par l'innovation

Mais la crise Covid a surtout accéléré de nouveaux usages numériques. Des startups se positionnent par exemple sur le paiement d'un repas au restaurant par QR code.

Aussi, le secteur doit fait face à la recrudescence des "cuisines fantômes", entièrement dédiées à la livraison de repas. Un marché qui pourrait croître de plus de 12% par an pour atteindre une valeur de 139,37 milliards de dollars en 2028, selon un rapport de Researchandmarkets.com.

Enfin, les changements d'habitudes liés à la distanciation sociale ou au télétravail, ont aussi généré une "bataille du lunch", qui, en France, a pour l'instant surtout profité aux boulangeries et aux commerces de bouche, selon une étude du cabinet Food Service Vision.

Pendant l'été, les cafés, restaurants, hôtels et discothèques sont restés loin de leur niveau d'avant-crise, avec une activité estivale en recul de 20% par rapport à l'été 2019, ont annoncé fin août le syndicat des indépendants de l'hôtellerie-restauration (GNI), l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) et le Syndicat national de la restauration thématique et commerciale (SNRTC). Ainsi, en août, seuls 40% des restaurants ont réalisé leur chiffre d'affaires habituel (soit équivalent ou supérieur à 80% de leur activité habituelle).

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 (Avec AFP)